LES GENRES SELON ROBERT McKEE

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Les histoires existent en une diversité de motifs impressionnante. L’esprit humain étant ce qu’il est, il a recherché les éléments récurrents et partagés entre les histoires. Il en est abouti un système plus ou moins exact et précis qui permit de classer les histoires en genres.
Catégoriser les histoires n’a jamais été facile et parler d’un système alors que de nombreuses théories se rejoignent   ou s’opposent n’est pas très précis.
Quoiqu’il en soit, le public éduqué par toutes les histoires qu’il a lu, vu ou simplement entendu parler s’est armé de lui-même avec un certain nombre d’expectations. L’auteur doit alors faire face à deux défis. Le tout premier consiste à satisfaire aux expectations du lecteur (les mêmes attentes qui peuvent définir ce que l’on nomme communément un genre). Dans le cas contraire, il risque la confusion et la frustration du lecteur qui n’obtient pas ce qu’il était venu chercher.
Le second défi à relever pour l’auteur est d’aller au-delà des expectations. Il doit proposer des moments dans son histoire que le lecteur ne connaît pas déjà ou auxquels il ne s’attend pas dans le cadre de ses attentes initiales. Dans le cas contraire, l’ennui et la frustration feront leur œuvre.

Pour Robert McKee, il est donc nécessaire que l’auteur ait une connaissance intime du genre dans lequel s’inscrit l’histoire qu’il s’apprête à conter.
Il propose donc une liste de genres basée davantage sur ce qui se pratique communément parmi les auteurs et non sur la théorie des genres.

Pour McKee, les critères qui permettent de catégoriser les histoires sont le sujet, les lieux et l’époque, les événements et les valeurs.

La Love Story

Lire à ce sujet :
LA LOVE STORY

Il distingue comme sous-genre de la Love Story ce qu’il nomme la Buddy Salvation où l’amour des comédies romantiques est remplacé par une amitié sincère et profonde.
Il cite comme exemple Mean Streets de Martin Scorsese et Mardik Martin où Charlie tente de sauver un Johnny Boy qui se condamne lui-même chaque jour davantage…

A lire :
BLAKE SNYDER : BUDDY LOVE

L’horreur

Concernant l’horreur, il est à noter que les anglo-saxons ne distinguent pas le fantastique comme un genre à part entière ce qu’à Scenar Mag, nous préférons cependant considérer comme tel. Nous avons néanmoins créer une rubrique Fantastique qui regroupe les différentes acceptions.

McKee divise ce genre en trois sous-genre :
L’étrange dont les événements sont surprenants mais qui sont finalement expliqués rationnellement et il donne pour exemple les êtres venus de l’espace, les monstres fait de la main de l’homme (Frankenstein, par exemple) ou la folie et la démence (thèmes chéris de la littérature fantastique).
Le surnaturel dans lequel la source de l’horreur est un phénomène que la raison ne peut expliquer. D’ailleurs, les histoires qui baignent dans le surnaturel s’affranchissent généralement de toute explication rationnelle puisque ce n’est pas le but de ce genre d’histoire.
Le troisième sous-genre est appelé Super Uncanny par Robert McKee. C’est probablement celui-ci qui corresponds le mieux à la définition du fantastique car le lecteur ne sait jamais si les phénomènes auxquels il assiste sont réels ou non. Comme le dit Tzevan Todorov, le lecteur est dans l’incertitude et c’est précisément cette incertitude qui rend ce type d’histoires si intéressant.
Quelques exemples :
– Le locataire de Gérard Brach et Roman Polanski d’après le roman Le Locataire chimérique de Roland Topor
– Shining de Stanley Kubrick et Diane Johnson, d’après le roman de Stephen King

L’épopée moderne

La particularité de l’épopée moderne est qu’elle traduit de façon moderne la lutte du pot de terre contre le pot de fer ou l’individu contre une autorité ou un lobby quelconque.
Exemple :
Monsieur Smith au sénat de Sidney Buchman d’après le roman de Lewis R. Foster
Larry Flynt de Scott Alexander et Larry Karaszewski qui devient l’homme à abattre (il est amusant de penser d’ailleurs que la faille dans la personnalité d’un tel personnage est lorsqu’il commet des actes moraux).

Le western

A lire :
WESTERN : DEFINITION DU GENRE

La guerre

La guerre est souvent utilisée comme fond pour un autre genre (assez souvent la Love Story). Cependant, le motif habituel est de s’opposer à la guerre à travers les luttes auxquelles s’adonnent des figures de pacifistes et des figures de ceux qui la justifient .
Robert McKee note cependant que pendant des années, la guerre a davantage été glorifiée (surtout indirectement) et même dans ses formes les plus horribles.

Le sortir de l’enfance

C’est souvent un parcours initiatique. C’est la description du passage de l’enfance à l’adolescence, de la petite princesse qui devient femme… Tout est une question de maturation, en fin de compte, et pas seulement des corps.
Quelques exemples :
Saturday Night Fever
Bambi
Le Labyrinthe de Noah Oppenheim et James Dashner d’après son roman Le Labyrinthe

La rédemption et la punition

La  rédemption met en avant le changement fondamental qui se produit chez le personnage. C’est une expiation qui peut se conclure par la mort du héros mais cette disparition n’est pas négative. Au contraire, ce peut être pour le héros d’assumer ses fautes et de devenir meilleur.
Quelques exemples :
– L’ Arnaqueur de Sidney Carroll et R. Rossen, d’après le roman de Walter Tevis paru en 1959
– La liste de Schindler
Lorsque le héros poussé par quelques sombres desseins devient mauvais, nous avons aussi quelques exemples :
– Wall Street où Bud Fox se présente de lui-même à la justice pour expier ses fautes
– Chute libre de Ebbe Roe Smith où Foster dégaine un pistolet à eau et que Prendergast, croyant avoir affaire à une arme réelle, tire sur Foster qui tombe à la renverse dans la mer.

La volonté contre la tentation ou la capitulation

Autrement connu comme Testing plot. Il s’agit d’histoires où la volonté positive du protagoniste est testée jusqu’à ses derniers retranchements.
Quelques exemples :
Luke la main froide
– La Dernière tentation du Christ de Paul Schrader d’après La Dernière Tentation  de Níkos Kazantzákis

La révélation

Ce genre montre un héros qui connait un profond changement de point de vue sur le monde, sur la vie, sur les autres ou sur soi-même au cours de son aventure. Au début de l’histoire, il est plutôt empreint de sentiments ou d’idées négatifs tels que la naïveté, la méfiance, le pessimisme ou la haine de soi. Puis au fil de ses épreuves, certaines vérités se révèlent sur lui-même et ses sentiments deviennent positifs tels qu’une sagesse nouvelle, la confiance en soi et en les autres ou la maîtrise de soi.
Quelques exemples :
Gran Torino
Harold et Maude
On peut y classer aussi Rushmore de Wes Anderson et Owen Wilson.

La désillusion

Dynamiquement, c’est l’inverse de la révélation. Le point de vue sur le monde devient négatif à la fin de l’histoire alors qu’il était positif au début de celle-ci.

Notez la différence d’avec la rédemption et la punition. La révélation et la désillusion  ne porte pas sur une faute mais sur des sentiments, des visions, peut-être une perte d’idéaux ou une illumination.
Quelques exemples de désillusion :
– Macbeth
– L’éclipse de Michelangelo Antonioni, Tonino Guerra, Ottiero Ottieri et Elio Bartolini où les auteurs creusent l’idée de profonde solitude et d’incommunicabilité entre les êtres.

 La comédie

La comédie se distingue surtout par ses sous-genres incluant la comédie romantique, la sitcom, la parodie..

A lire :
LA COMEDIE ROMANTIQUE
LA COMEDIE ET SES SOUS-GENRES
COMEDIE ROMANTIQUE

Le crime

Selon Robert McKee, le crime (tout comme la comédie) se distingue essentiellement par ses sous-genres. Concernant ces derniers, tout dépend du point de vue adopté face au crime commis.

Du point de vue de l’enquêteur, il s’agit de résoudre le crime (Murder Mystery).
Ce genre a la capacité de nous laisser dans le questionnement jusqu’à la révélation finale.
– Fenêtre sur cour de John Michael Hayes, adapté de la nouvelle éponyme de William Irish, pseudonyme de Cornell Woolrich
– Usual Suspects de Christopher McQuarrie
– La disparue de Todd Graff, d’après le roman The Golden Egg, de Tim Krabbé

Le caper se situe du côté des voleurs. C’est l’histoire d’un casse, d’un cambriolage. L’intrigue généralement plus compliquée que la normale (qui parfois mène à la confusion du lecteur, à croire que c’est le but recherché pour masquer les invraisemblances) se focalise autour d’un individu ou d’un groupe essayant de voler quelque chose.
Le caper se distingue du heist en cela que le caper introduit des éléments comiques alors que le heist prend les choses beaucoup plus sérieusement.
Les quatre malfrats de William Goldman, d’après Pierre qui roule (The Hot Rock) de Donald E. Westlake.
Beautés empoisonnées de Robert Dunn, Paul Guay, et Stephen Mazur

Le détective privé a en charge la résolution de l’énigme. Les meurtres sont subsidiaires ou collatéraux à l’énigme. L’exemple parfait est Sherlock Holmes. Mais un titre comme Qui veut la peau de Roger Rabbit ? entre aussi dans cette catégorie.

Les histoires de gangster se distingue dans la masse des histoires dites policières par la caractéristique que le criminel joue le premier rôle (et que c’est donc envers lui qu’ait demandé au lecteur de s’identifier).
– Le parrain
– Il était une fois en Amérique

Lorsque la vengeance est partie prenante de l’intrigue, elle permet de requalifier l’histoire en un genre bien spécifique.
Quelques exemples :
– Oldboy
– Memento
– Irréversible de Gaspard Noé

Le procès conte l’histoire sous le point de vue d’un homme ou d’une femme de loi ou des jurés.
Du silence et des ombres de Horton Foote d’après le roman Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee
– Peur primale
de Ann Biderman et Steve Shagan, d’après le roman Terreur extrême de William Diehl
– 12 hommes en colère de Reginald Rose

Le journalisme d’investigation s’est vu lui aussi porté en tant que genre. Le point de vue adopté est bien entendu celui des journalistes et reporters.
Spotlight de Tom McCarthy et Josh Singer
Les hommes du président de William Goldman, d’après le livre de Carl Bernstein et Bob Woodward

L’espionnage. Et il n’y a pas que James Bond et Jason Bourne
Quelques exemples :
Spy de Paul Feig
Burn After Reading de Joel et Ethan Coen comme quoi l’espionnage peut tout aussi bien se marier avec l’hilarité (hybride comédie & espionnage)

Le drame carcéral dont l’univers particulier est un genre entier.
Luke la main froide (notez qu’il peut être aussi catégorisé comme volonté contre la tentation ou la capitulation. A notre avis, il appartient davantage à ce dernier genre mais plus classiquement, c’est une histoire qui se passe dans une prison.
Les évadés de Frank Darabont, d’après le roman court Rita Hayworth et la Rédemption de Shawshank, de Stephen King
Brubaker de W.D. Richter, d’après Accomplices to the Crime: The Arkansas Prison Scandal de Thomas O’Murton et Joe Hyams

Le film noir a toujours fait débat. On peut considérer ce genre comme le point de vue d’un protagoniste en partie criminel et en partie investigateur et en partie (c’en est d’ailleurs peut être un code qui définit le genre) victime d’une femme fatale.
Les amants du crime de Art Cohn et Guy Endore
Le violent de Edmund H. North et Andrew Solt, d’après le roman de Dorothy B. Hughes bien que cette histoire illustre la profondeur noire de notre âme plutôt que l’exploration des codes du film noir.

Le drame social

Ce genre a pour but d’identifier les problèmes de notre société : la pauvreté, le système éducatif, l’exclusion, les inégalités, les mouvements sociaux…
Le drame social peut concerner les problèmes familiaux, la femme (en mettant l’accent sur le dilemme entre la carrière professionnelle et la vie de famille, par exemple), le drame politique (la corruption, par exemple)…
Ce peut être aussi la description de luttes autour de l’environnement, de la maladie physique ou mentale).

A lire :
LA FEMME AU CŒUR DU GENRE

L’action et l’aventure

L’aventure est un hybride qui empreinte ses caractères dans d’autres genres plus purs. Des concepts issus des autres genres servent alors de motivations pour permettre à la bravoure ou à l’action déjantée de s’exprimer.
Les films catastrophes relèvent de l’aventure.
Quelques exemples :
– L’homme qui voulut être roi de John Huston et Gladys Hill, d’après une histoire de Rudyard Kipling
– L’aventure du Poséïdon

Le drame historique

Pour Robert McKee, le drame histoirique doit être traité avec certaines précautions. En effet, alors que les sources sont innombrables, le drame histoirique devrait être utilisé comme un miroir du présent.
Pour éviter la controverse sur des événements réels de notre temps, McKee trouve préférable de voir certains dilemmes actuels sous la loupe du passé. La drame historique polit ainsi  le passé pour en faire un miroir du présent.
Par exemple, dans Glory de Kevin Jarre, d’après les livres Lay This Laurel, de Lincoln Kirstein (1973), One Gallant Rush, de Peter Burchard (1965) et les lettres du colonel Robert Gould Shaw, le racisme est mis en avant. Dans Michael Collins de Neil Jordan, il est question de problèmes religieux.
Ce sont toujours des thèmes très influants de nos jours.

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