DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (54)

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Continuons la traduction du chapitre 13 de la théorie narrative Dramatica.
Ce chapitre 13 décrit les quatre lignes dramatiques  d’une histoire (quatre lignes qui font qu’une fiction fonctionne correctement) sous leur aspect thématique.

En effet, chaque ligne dramatique d’une œuvre est à propos de quelque chose, à propos d’un contenu qui permet d’ailleurs de comparer les œuvres entre elles puisqu’il est normal que plusieurs œuvres de fiction ou autres abordent des sujets similaires.

Dans ce chapitre 13, Dramatica essaie de concrétiser cet aspect thématique en établissant un rapport entre les lignes dramatiques et le concept de classes.

Sommaire de tous les articles :
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE

Le domaine de l’Influence Character
Qui est cet Influence Character ?

C’est un personnage qui force le personnage principal à faire face à son problème. Notez ici que la notion de personnage est assez large.
En fait, Dramatica préfère employer le terme Player parce que ce personnage pourrait être aussi une entité quelconque comme la nature ou bien une administration judiciaire aveugle et que cette entité soit ou non incarnée dans l’histoire.
Le terme player est souvent rencontré dans la littérature anglo-saxonne. Il désigne en fait tout participant à un événement (qu’il soit fictif ou réel).

Chaque personnage principal d’une histoire a son Influence Character.  Il faut bien comprendre que pour la théorie narrative Dramatica le personnage principal est un personnage subjectif.
Le protagoniste, quant à lui, est une fonction dans l’histoire et Dramatica le considère comme un personnage objectif. Néanmoins, le protagoniste et le personnage principal sont très souvent confondus dans le même player.

Puisque le personnage principal est un personnage subjectif, cela signifie que le lecteur perçoit ce qu’il se passe dans l’histoire sous la perspective de ce personnage.
Ainsi, l’Influence Character pourrait lui apparaître comme lui bloquant la route vers la solution de son problème. Ou bien tentant de le dévier de cette solution.

Dans une vue plus objective, la fonction de l’Influence Character consiste à empêcher le personnage principal d’éluder son problème d’un geste de la main. Il l’oblige en quelque sorte à prendre en charge son problème.
Comme dans la vie réelle, en effet, on tente toujours d’appliquer les réponses les plus simples à un problème, celles qui demandent le moins d’efforts. On ne s’engage pas naturellement à affronter directement le problème et l’Influence Character incite en quelque sorte le personnage principal à prendre ses responsabilités.

Overall Story Problem

L’auteur doit savoir ce qui motive son personnage principal à agir. En inventant un problème pour son personnage principal, l’auteur détermine la nature de ce qui le motive.
Il faut donc choisir judicieusement ce qui va permettre de décrire ce problème afin que le lecteur comprenne clairement ce qui motive le personnage principal dans l’histoire.

Ainsi, le problème devient la source de la motivation du personnage principal. Le contenu a donc son importance puisqu’il est à la fois le problème et la motivation du personnage principal à le résoudre.

Sans motivation, sans problème, il n’y a rien qui ne soit pas juste et qui encourage le personnage principal à améliorer son sort. Parfois il peut paraître que le problème existe dans notre environnement (quelque chose d’extérieur à nous et qui nous pose problème).
D’autres fois, nous pouvons ressentir le problème comme venant de nous par nos actes ou ce que nous ressentons.

En fait, les problèmes existent entre nous-mêmes et notre environnement  et ils se présentent comme un déséquilibre entre les deux. Quelque chose entre le monde extérieur et notre monde intérieur nous apparaît comme injuste et nous devons y remédier.
[Il faut considérer les choses comme équité/iniquité plutôt que comme bien/mal : cela permet d’éviter les connotations bien trop réductrices]

Par exemple, nous pourrions nous accrocher à nos désirs bien qu’ils causent des problèmes autour de nous. Inversement, toute une situation pourrait vaciller par le simple fait de l’entêtement d’un individu.
Lorsqu’il y a une injustice, il y a donc deux façons de la voir : l’une consiste à rendre responsable le monde extérieur de cette injustice et l’autre en place la responsabilité dans l’individu.

Ainsi, lorsque nous envisageons le problème du personnage principal, c’est bien du problème dont traite l’histoire tel qu’il se reflète chez le personnage principal. Le problème que soulève l’histoire est véhiculé par le personnage principal.
C’est pourquoi le personnage principal doit exposer son problème personnel afin de résoudre le problème soulevé par l’histoire.

Le Verdict

Par exemple, dans Le Verdict, l’Overall Story Problem est l’incrédulité. L’Église à qui appartient l’hôpital où végète cette pauvre fille ne croit pas que les chirurgiens aient pu faire une erreur médicale qui aurait causé la condition actuelle de cette patiente.
Et les chirurgiens eux-mêmes nient avoir commis la moindre faute. Le cabinet d’avocats qui défend l’Église est persuadé qu’ils ne peuvent pas perdre cette affaire. Formulé autrement, ils ne croient pas que cette affaire puisse être perdue.

Le juge estime que cette affaire ne devrait pas faire l’objet d’un procès. Car il ne croit même pas en la possible faute des chirurgiens. Pour lui, c’est l’état physique de cette jeune femme avant son admission ou bien des informations vitales qu’elle n’a pas communiquées au corps médical avant son intervention.
Et personne ne croit que Frank Galvin ait la moindre chance de remporter ce procès.

Le problème personnel de Frank Galvin est aussi l’incrédulité. Chez lui, elle se reflète dans la confiance perdue dans le système judiciaire. Cela s’explique par son passé. En effet, il a été piégé autrefois pour une subordination de jurés et pratiquement rayé du barreau. Depuis, il n’a vécu que d’expédients mais n’a plus jamais cru que le système judiciaire était juste.

Revenons à l’Influence Character

L’Influence Character quel qu’il soit est l’entité ou le personnage qui crée le plus de tension personnelle pour le personnage principal.
Considérons Uther Pendragon, le père d’Arthur dans le cycle arthurien. Autour de lui gravitent deux conseillers : Ulfin et Merlin.

Ulfin se préoccupe des choses mondaines, terrestres. Et Merlin représente l’aspect spirituel, céleste des choses. Si un auteur invente deux personnages similaires pour son histoire, il devrait s’interroger sur celui qui a le plus d’influence sur son personnage principal (dans notre exemple, celui-ci est Uther).
Il s’apercevra vite que Merlin est cet Influence Character qui apporte des solutions immédiates et concrètes à Uther. Mais ce que fait Merlin, c’est de se ménager des circonstances qui vont servir ses propres buts.

Après la naissance d’Arthur, celui-ci reçoit des parents adoptifs. C’était la condition de Merlin pour la métamorphose de Uther en Gorlois pour posséder Ygerne, femme irréprochable de Gorlois (et la future mère d’Arthur).

Ainsi, Arthur est élevé avec Keu, le fils des parents adoptifs. Keu n’est pas le jumeau d’Arthur comme pouvait l’être Iphiclès envers Hercule (ou Héraklès), mais il n’en est pas moins le double sombre de Arthur.

Si un auteur décide de créer un tel personnage pour son histoire, il pourrait alors vouloir faire de celui-ci un Influence Character.
Même un antagoniste (personnage objectif vu comme une fonction) pourrait être un Influence Character pour le protagoniste.

Il arrive donc qu’un auteur choisisse le personnage principal comme protagoniste (c’est le cas le plus fréquent pour en faire un héros) et l’Influence Character est alors choisi entre le Gardien ou le Contagonist.

Pour une première approche des personnages archétypaux (dont le Contagonist), nous vous conseillons la lecture de :
ARCHETYPES de MELANIE ANNE PHILLIPS

Ainsi, chaque player (ce sont les entités incarnées ou non qui interviennent dans une histoire) effectue une double tâche. Lorsque le protagoniste est aussi le personnage principal (c’est la définition du héros selon Dramatica), il est l’élément moteur de la perspective objective de l’histoire et en tant que personnage principal, il apporte un point de vue subjectif sur celle-ci.

De même lorsque l’Influence Character est soit Gardien, soit Contagonist.
Comme Influence Character, il représente un point de vue subjectif et comme fonction (Gardien ou Contagonist), il donne une perspective objective.

Cet arrangement n’est pas essentiel à une histoire. C’est seulement une possibilité. Selon les exigences de l’histoire, le personnage principal et l’Influence Character peuvent être assignés à d’autres fonctions que le protagoniste ou le Gardien ou le Contagonist afin d’explorer en profondeur la relation qui existe entre les points de vue objectif et subjectif sur le problème que soulève l’histoire.

Les quatre domaines possibles pour l’Influence Character

Il est important que la différence entre le personnage principal et l’Influence Character soit bien comprise par l’auteur. Le lecteur perçoit l’histoire à travers les yeux du personnage principal. Donc, il observe l’Influence Character.

C’est par le personnage principal que le lecteur peut ressentir ce que cela est d’être dans une situation particulière surtout lorsque celle-ci est assez difficile.
Et avec l’Influence Character, nous avons non pas une vue sur cette situation mais sur un personnage qui se retrouve dans cette situation (et pour être dramatiques, les circonstances sont difficiles à vivre pour le personnage).

Et comme nous ne pouvons pas vraiment devenir cet Influence Character (alors que nous le pouvons avec le personnage principal), nous pouvons seulement le juger par la façon dont il affecte les autres personnages et les événements autour de lui.
[Il est admis que l’empathie du lecteur se porte sur le personnage principal. Le lecteur éprouve même une véritable sympathie envers lui. Par ailleurs, même si le lecteur ne peut moralement se reconnaître dans les actes de l’antagoniste, rien n’interdit qu’il le comprenne et que son jugement à son égard ne soit pas si tranché]

A titre d’exemple, si un personnage principal est handicapé, le lecteur se sentira lui aussi handicapé pendant toute la durée de l’histoire.
Et il souffrira des problèmes que cela cause comme si c’était un problème de sa propre vie [c’est la nature de l’empathie]

Si l’Influence Character est handicapé, le lecteur examinera le problème de l’extérieur. Il apprendra davantage des difficultés logistiques liées à l’handicap mais ne vivra pas cet handicap.
C’est par le personnage principal que le lecteur peut faire l’expérience (par personnage interposé) du handicap.

Par l’Influence Character, l’accent est mis sur comment cet handicap impacte les autres. Et c’est bien cet impact (ou influence) sur les autres qu’il faut garder à l’esprit lorsqu’on examine le problème de l’histoire sous l’angle du rapport entre les classes et l’Influence Character.
Dramatica nomme ce rapport le domaine de l’Influence Character.

La classe Universe comme domaine de l’Influence Character

Un Influence Character avec un domaine Universe impactera les autres par son statut social, sa race ou son sexe, des attributs physiques et même le lieu où il vit.
Quelle que soit la situation, il propose un modèle alternatif au point de vue du personnage principal sur les choses.

La classe Physics comme domaine de l’Influence Character

La classe Physics comme domaine de l’Influence Character fait de lui un personnage dont les actions en matière d’apprendre (Learning), de compréhension (Understanding), d’accomplissement (Doing) et d’acquisition (Obtaining), c’est-à-dire les quatre types de la classe Physics contestent le point de vue du personnage principal.

Concernant ces quatre types de la classe Physics, nous vous renvoyons à :

  1. DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (31)
  2. DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (41)
  3. DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (42)
  4. DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (43)
  5. DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (44)

A la fin d’une telle histoire, le lecteur n’aura pas expérimenté ce que c’est que de s’engager dans ces activités mais aura appris beaucoup sur l’impact de ces activités sur les autres et l’environnement.

La classe Mind comme domaine de l’Influence Character

L’Influence Character sous Mind exhibe une fixation ou une attitude fortement imprégnées par les souvenirs, les désirs, des réponses immédiates ou des considérations.
C’est cette attitude de l’Influence Character qui pousse le personnage principal à reconsidérer ou bien à justifier ses positions.

La classe Psychology comme domaine de l’Influence Character

Sous Psychology, l’Influence Character influence les autres directement à travers une manipulation ou peut juste avoir un impact sur les autres par le seul fait de la façon dont il pense.
Dans un cas comme dans l’autre, l’axe de ce domaine est une vue extérieure de comment un processus de pensée affecte ceux qui entre en contact avec lui.

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DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE

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