ANTIPATHIQUE ?

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antipathiqueSerions-nous intéressés par la création (enfin, cela ne sort pas en droite ligne du néant), je dirais plutôt construire à partir de briques déjà existantes notre personnage principal (celui par qui le scandale arrive ou également nommé protagoniste) mais, attention, antipathique. Le risque est grand, alors, qu’il soit rejeté par notre lecteur/spectateur.

Nous pouvons cependant l’éviter si nous prenons soin de ne pas le figer dans une fonction de méchant de l’histoire. Ce n’est pas du tout ce qu’il est, c’est quelqu’un que nous aimerions fréquenter. Néanmoins, comme beaucoup d’entre nous, osons-nous l’avouer, il peut être égoïste, empli d’une amertume qui se projette sur autrui ou bien simplement déplaisant pour une quelconque raison qui parle au plus grand nombre d’entre nous.
On peut vouloir éviter quelqu’un au coin d’une rue tout en pensant à cette personne qui nous fascine. William Makepeace Thackeray a certainement voulu faire de Becky Sharp (Vanity Fair) un être foncièrement antipathique, mais l’impact sur les lecteurs a été énorme. Et on en vient naturellement à l’identification au personnage.

L’identification

Rien de bien compliqué : il se forge un lien entre le lecteur/spectateur et le récit. Ce lien nous autorise, en tant que lecteur/spectateur, à vivre en quelque sorte par procuration les expériences d’un personnage. Ce ne sont pas ses actions et, en effet, peu d’entre nous seraient capable de suivre les Mission Impossible dans leurs missions ou encore connaître la vie d’un sous-marinier. Néanmoins, ces personnages incarnent des valeurs et celles-ci, nous les admirons ou d’une façon ou d’une autre, nous les reconnaissons.

arroganceAlors, que se passe-t-il lorsque, en tant que lecteur/spectateur, nous éprouvons couramment une répulsion envers un personnage ? Le problème pour l’autrice et l’auteur est que leur être peu ou prou fictif partage peu les normes morales que nous autres, êtres humains, aurions en commun. Nous ne comprenons pas pourquoi il se sent ainsi à ce moment dans cette situation-là. Dans There Will Be Blood (2007) de Paul Thomas Anderson, le personnage principal, Daniel Plainview, est un prospecteur de pétrole dont les actions amorales et l’avidité hors mesure provoquent, malgré nous, une distance avec ce personnage.
Nous ne comprenons pas ses motivations et le fait qu’il ne se soumet à aucune morale dans ses actions nous fait jeter sur lui un regard très désapprobateur qui, évidemment, ne sollicite pas la compassion. Par quel biais, alors, sommes-nous si fascinés par ce personnage ? Plainview n’est pas un méchant de l’histoire : il existe en lui un paradoxe entre son désir de réussir quels qu’en soient les dégâts collatéraux et son mépris des autres. A lui seul, cet être fictif nous questionne : Jusqu’où seriez-vous prêt à aller pour obtenir ce que vous voulez ? C’est de volonté dont nous parlons là.

Ce personnage est soutenu par le thème général du matérialisme contre la spiritualité (endémique aux États-Unis), c’est-à-dire de manière plus pragmatique : de l’individualisme (ou égoïsme) contre le sentiment d’appartenance à travers une communauté (celle-ci religieuse selon l’exigence du récit).
Ce qui est passionnant à traiter avec des êtres de fiction si désagréables, c’est notre nature humaine et peut-être que le problème de celle-ci est que nous sommes des animaux rationnels, mais ce que nous pensons, ce que nous jugeons ou apprécions plus ou moins fondent nos différences. A chacun son regard sur les choses qui l’environne.

antipathiquerécitMaintenant, si votre souhait est d’écrire un héros ou une héroïne antipathique, d’emblée, demandez-vous à qui vous vous adressez. Attardons-nous un instant sur

Sans filtre (2022) de Ruben Östlund. Östlund s’adresse manifestement à un lecteur/spectateur plutôt habitué aux critiques sociales, Sans filtre est avant tout une comédie satirique, de celles qui font réfléchir tout comme le récit de Wil (2023) de Tim Mielants qui, dans un registre historique, offre une critique qui, comme la comédie satirique, ne souhaite pas être une prophétie ; ce n’est pas ce que visent les auteurs, plutôt des instruments différents pour nous inviter à la prudence. Revenons sur Sans filtre et plus particulièrement sur Carl. Voilà un être qui se présente à nous dans toute sa vacuité. Et cela nous agace. Est-ce un risque que prend l’auteur ? Non, car Carl est une figure sur laquelle se fonde la critique. La caractérisation de Carl est totalement assumée.

Le risque qu’il peut y avoir néanmoins, c’est qu’il n’y ait pas de dialectique, c’est-à-dire d’autres points de vue que celui de Carl. Je prends appui sur un autre récit pour asseoir mon propos : La double vie de Véronique (1991) de Krzysztof Kieślowski. Nous pourrions facilement juger Véronique sur ses choix tout comme nous le faisons au quotidien dans la vraie vie. Précisément, c’est ce jugement que nous devons éviter chez notre lecteur/spectateur, d’autant plus s’il se mêle, à cette opinion, des préjugés qui forment l’opinion publique d’ailleurs.
Donc, nous comparons Véronique à Weronika et notre compréhension de ce (double) personnage s’éclaire. La technique, si on le veut, est que lorsque nous posons des traits négatifs, nous les équilibrions avec d’autres éléments.

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