Le problème avec les séquences oniriques, c’est soit qu’elles font clicher, soit elles nous apparaissent, nous, le lecteur/spectateur, artificielles. Pour parer à ce problème, penchons-nous donc sur la psyché de nos personnages. En voilà un justement qui s’inquiète à juste titre d’un procès dont il est l’accusé. L’accusation importe peu, ce qui nous intéresse ici, c’est l’état émotionnel dans lequel il se trouve. Les dialogues, évidemment, seraient une solution assez facile pour nous faire part de ses peurs et de son angoisse. Néanmoins, dans l’écriture scénaristique, il y a ce terrible couperet du Montre et surtout ne dit pas.
Un songe alors pourrait nous révéler de façon assez absurde son impuissance : pourrions-nous nous figurer une salle d’audience surréaliste ? Aux personnages gigantesques et des dialogues emplis de non-sens ?
Une tension
Les songes créent une tension entre réalité et illusion. Mais pourquoi rêver lorsqu’un point de vue éminemment subjectif serait bien davantage dramatique ? La Fracture (2019) de Brad Anderson nous donne à voir ce que voit Ray non pas en rêve, mais en déni.
Cette tension que produit le rêve est intéressante, car elle agit par ironie dramatique : nous sommes informés d’un conflit qui mine le personnage, mais celui-ci n’en a pas encore conscience. Freud ne serait certainement pas mécontent de mon propos. Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller nous propose en 2022 Maria Rêve. Les nouvelles rencontres que Maria fait aux Beaux-Arts lui ouvrent un horizon sur elle-même qu’elle ignorait totalement.
C’est d’ailleurs comme cela que fonctionne l’arc d’un personnage : il devient ce que sa nature a toujours été, mais résorbée par une éducation ou des contraintes imposées de l’extérieur ou qu’il s’est imposé lui-même ; autant dire qu’il redevient aussi ce qu’il a été, mais que pour des raisons similaires, qu’il a suspendu ou refoulé dans ses profondeurs, jusqu’à ce que cet être caché se révèle de nouveau. En somme, il se réinvente.
Dans Maria Rêve, nous n’avons pas proprement dit des séquences oniriques : ce sont plutôt les aspirations de Maria qui se révèlent poétiques.
Poétiques, effectivement, car le symbole et la métaphore sont bien plus artistiques. C’est un art d’écrire un scénario, mais au sens de l’artisan. L’autrice et l’auteur de scénario maîtrisent leur plume comme le sculpteur le burin. Ils créent quelque chose d’une matière informe, qu’elle soit de marbre ou dramatique.
Une chose s’avère certaine, cependant. La séquence onirique ne devrait pas traîner en longueur. Parce qu’elle souligne trop fortement l’irréalité du récit. Or, les images et le tumulte qu’elles contiennent en elles se donnent à nous presque physiquement. Nous avons ce souci de convaincre notre lecteur/spectateur que ce qu’il se passe devant lui a bien plus que la seule apparence d’une image. Alors, le rêve, oui, bien-sûr, s’il s’avère nécessaire pour l’intelligibilité du récit, mais à la durée contrôlée.