DES PERSONNAGES RÉELS

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Est-ce que vos personnages ressemblent plus à des personnages de fiction qu’à des personnes réelles ? Seraient-ils davantage des personnages de la commedia dell’arte plutôt que les individus complexes qu’autrices & auteurs recherchent ?

C’est étrange mais on ne parvient pas vraiment à s’intéresser à un personnage qui manque de complexités, qui ne soit pas fait de paradoxes, de contradictions, d’hésitations et autres incertitudes. Dit autrement, si autrice et auteur souhaitent que lectrices et lecteurs s’immergent dans le récit, ils doivent développer chez leurs personnages des failles, des faiblesses, les imperfections qui font de nous ce que nous sommes, des êtres humains.

La faille

Les défauts dont sont pétris les personnages sont exactement ce qu’ils semblent être : des imperfections qui les rendent attachants, réalistes et intéressants à lire.

On recherche et déteste la perfection à la fois. Mais les personnages parfaits, heureux, sont ennuyeux à lire. En combinant les forces et les faiblesses, on obtient un personnage qui possède de la profondeur et avec lequel une certaine proximité psychologique peut être établie et partant, auquel les lecteurs et les lectrices peuvent s’identifier, c’est-à-dire dont ils reconnaissent, pour les aimer ou les détester, des traits de caractère.

Cette faille peut être mineure mais néanmoins doit exister. Les défauts mineurs sont de petites bizarreries qui distinguent votre personnage en tant qu’individu, le rendant un peu plus intéressant à lire. Ils ne gênent pas nécessairement le personnage, ne dérangent pas les autres personnages et n’ont pas un grand impact sur l’histoire.

Ils peuvent être d’ordre mental, physique, émotionnel ou circonstanciel comme de se ronger les ongles dans certaines circonstances, attitude révélatrice de l’anxiété chronique qui teinte la personnalité d’un personnage ; un bégaiement pourrait tout aussi être révélateur d’un traumatisme psychologique et signifier par exemple une maltraitance infantile peut-être refoulée et qu’une situation singulière fait surgir à la surface par bribes ce qui est plus dramatique.

Plus que tout autre défaut, ces traits de personnalité mineurs permettent de distinguer les personnages entre eux. Un jeune dandy par exemple aura les traits liés à sa classe. Quand il se confrontera à la réalité d’autres classes, peut-être prendra t-il conscience que le monde n’est pas tel qu’on le lui a appris.
S’il rencontre une jeune femme d’une classe dite inférieure selon la terminologie de sa propre classe, la distinction ira au-delà de la différence de sexe.

Les défauts ou manques dans une personnalité peuvent cependant avoir des effets plus sérieux sur le comportement d’un personnage. Ils peuvent influencer le déroulement de l’intrigue et créer des situations conflictuelles. Ainsi est une addiction ou encore une relation toxique avec autrui qui est une façon d’aborder les relations qui se caractérise par la peur ou l’incertitude. Cela peut rendre difficile l’établissement de liens affectifs et intimes profonds avec un partenaire.
Si vos parents n’ont pas toujours compris ou satisfait vos besoins, vous avez peut-être développé un attachement anxieux à leur égard. À l’âge adulte, vous ressentez probablement la même anxiété lorsque vous êtes dans une relation.

Ne pas savoir gérer ses émotions influe aussi énormément sur les relations aux autres qui sont vitales dans le développement d’un personnage qui prend progressivement conscience de cette faille majeure dans sa personnalité et qui le caractérise.

La faille fatale

C’est le symptôme qui causera la chute, voire la mort, de votre personnage. Selon Aristote, une tragédie est un récit dans lequel le protagoniste cause sa propre perte. Le défaut fatal du personnage est donc une caractéristique des héros d’Aristote, même si le résultat n’est pas littéralement la mort.

Il peut s’agir d’une mort morale, de la fin d’une relation. Chez Joseph Campbell, c’est le moment du parcours héroïque où il y a mort et renaissance. Les vices sont souvent convoqués dans ce type de défaut : l’orgueil par exemple. L’ignorance aussi peut être mise en cause comme de suivre l’opinion publique même s’il est difficile de remettre en cause ce que les générations antérieures nous ont enseigné.
Alors que le sacrifice est une marque héroïque, se sacrifier intentionnellement pour de mauvaises raisons comme de se tromper sur les valeurs qui règlent nos vies traduit un état psychologique dont l’issue peut être effectivement la mort.

Pour avoir un personnage qui donne l’impression d’être réel, nous avons besoin de bons et de mauvais traits de caractère, ainsi que de traits intermédiaires. Un personnage sans nuances ne suscitera probablement pas l’intérêt du lecteur/spectateur.

Quelle que soit la nature de la faille, elle participe de l’arc dramatique du personnage : elle en est l’essence.

L’arc dramatique

Si un personnage a un défaut important, il a quelque chose à surmonter, et ainsi, vous développez l’évolution psychologique de votre personnage selon des étapes qui ne coïncident pas avec les événements de l’intrigue.
L’évolution d’un personnage est différente des événements de l’intrigue. Par ailleurs, si votre personnage a une faiblesse, cela ouvre la possibilité à un autre personnage d’exploiter cette faiblesse, ce qui donnera du conflit et sans être nécessairement constitutif de l’intrigue, cette situation conflictuelle peut néanmoins l’éclairer.

Les forces et les faiblesses d’un personnage doivent avoir un sens lorsqu’on les oppose, lorsque vous examinez les motivations du personnage et lorsque vous examinez son passé. Par exemple, si un personnage a dû se débrouiller tout seul quand il était enfant, il peut avoir la force de l’honnêteté et un manque de compassion dans sa relation à autrui. Cette association de forces et de faiblesses prend du sens car elles se renvoient l’une à l’autre.
Il faut une espèce de lien logique entre ce qui fait la force d’un personnage et ce qui est induit par cette force. Ou réciproquement, car la faiblesse peut être tout aussi bien la conséquence d’une force que la cause de cette force qui devient alors nécessaire.

Certaines écoles souhaitent que l’arc dramatique d’un personnage soit lié à l’objectif que s’est fixé le héros ou l’héroïne, c’est-à-dire que la faiblesse du personnage principal entrave nécessairement la réalisation de l’objectif.
Néanmoins, il est bien plus dramatique que les deux lignes dramatiques soient autonomes : d’une part, on conte l’histoire d’un objectif à atteindre et si cet objectif peut être ou non réalisé, et d’autre part, nous vivons par personnage interposé des expériences qui sont personnelles au personnage et qui n’interviennent pas dans le déroulement de l’intrigue.

Ainsi, il y a deux types d’obstacles : certains d’entre eux sont extérieurs au personnage et il doit les vaincre pour continuer à avancer dans sa quête ; d’autres sont intérieurs et le personnage doit aussi les surmonter pour trouver l’harmonie en lui-même.

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