LA TOUTE PREMIÈRE RENCONTRE

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La toute première rencontre est un élément dramatique indispensable du genre romance. Une illustration efficace consisterait à ce que cette rencontre s’illustre lors d’une interaction qui ne soit pas.. romantique.

Considérons la série Arrow. Lorsqu’Oliver s’enquiert sur la personne qui pourrait éventuellement récupérer des informations sur un ordinateur portable endommagé, on l’oriente vers une de ses employées qu’il ne connaît pas : Felicity.

Ce que l’on ne sait pas encore et qui sera développé plus tard dans la série, c’est que Felicity est appelée à devenir le véritable Love Interest d’Oliver mais pour le moment, Oliver est encore préoccupé par son ancien amour d’avant sa disparition : Laurel.

rencontreLorsque vous créez un personnage, attribuez-lui une spécialité, quelque chose dans lequel il excelle. C’est le cas de Felicity qui est particulièrement habile dans tout ce qui touche à l’informatique. Cette rencontre est logique grâce à cet attribut et ne sera pas questionnée par le lecteur/spectateur.

Lorsque vous créez une scène qui ne possède pas une finalité particulière comme par exemple une scène de récapitulation de ce qu’il s’est passé, il est important d’en faire une situation conflictuelle.
La conflictualité est un problème d’intensité. Il peut y avoir une violence physique mais le plus grand nombre de scènes consiste à présenter un personnage qui veut obtenir quelque chose d’un autre personnage mais cet autre éprouve des difficultés à le lui donner.

Ce peut être de la réticence ou bien, comme ici, Felicity lutte pour récupérer les informations. Dit autrement, lorsque vous créez une situation conflictuelle, vous déterminez un protagoniste et un antagoniste. C’est assez simple : imaginez que vous ayez un rendez-vous important et vous ne trouvez plus vos clefs de voiture. Il n’y a pas une volonté de vous nuire chez vos clefs, néanmoins, elles seront votre antagoniste.

Une scène sans tension romantique

Le protagoniste, Oliver, est destiné à aimer une autre femme. L’antagoniste, Felicity, nous est exposée comme un personnage ponctuel. Il n’y a pas de tension romantique dans cette scène, pas d’attirance physique pour l’autre, pas d’émotion : les passions ne sont clairement pas invoquées.
Il s’agit simplement d’un employeur qui demande à une informaticienne de récupérer des informations sur un ordinateur endommagé. Et pourtant, cette scène initie la relation amoureuse entre Felicity et Oliver (mais cette scène est construite de manière à nous détourner de cette impression mais il se crée tout de même un doute sur la nature de leur relation). C’est le pouvoir d’une première rencontre bien écrite.

Comment est construite une telle scène ?
Pour qu’il y ait conflit, un personnage doit avoir un but, une intention. Tel personnage par exemple ne voudra pas qu’un autre personnage se rende seul dans un lieu donné. Mais l’autre s’obstine. Et le conflit s’installe.

Pour Oliver, la discrétion est indispensable. Ce sera donc au sein de sa propre entreprise où il a un contrôle théorique, auprès d’un de ses employés qui ne le questionnera pas sur cette demande d’Oliver qui demeure ainsi cohérente.

Et le lecteur/spectateur ne remet pas en question la légitimité de la scène. Qu’une scène ait un objectif clair peut sembler contraignant pour les auteurs et les autrices, mais c’est en fait très libérateur : vous n’avez jamais à expliquer ou à justifier pourquoi les personnages font quelque chose, vous pouvez donc vous concentrer sur la façon dont ils le font, sur le personnage en action, ce qui est de toute façon plus agréable à rendre, surtout dans une scène de première rencontre.

L’antagoniste offrira aux regards une certaine vulnérabilité. Dans cette première rencontre entre Felicity et Oliver, Felicity est prise au dépourvu lorsqu’elle découvre son visiteur. La première articulation de la scène (beat dans la langue anglaise) est acquise à Oliver.
L’effet qu’il faut rechercher dans cette relation est la fragilité de Felicity. Oliver est un homme puissant, Felicity le sait et est intimidée mais Oliver ne cherche pas à la blesser, il sourit même à ses bafouillements.

A ce moment du récit, nous ignorons encore qui est Felicity car nous faisons sa connaissance dans cette scène. Ce que les auteurs cherchent à obtenir, c’est une réaction de compassion du lecteur/spectateur envers Felicity.
Car ces auteurs connaissent précisément le devenir de la relation entre Oliver et Felicity (ce sera même au cours de la saison 2 que cette relation connaîtra un tournant majeur).

Felicity est si attachante et si peu protégée qu’on s’inquiète pour s’assurer qu’elle sortira indemne de cette rencontre. Et c’est assurément l’effet que les auteurs veulent obtenir chez le lecteur et la lectrice.

La vulnérabilité s’étend à l’autre personnage

Gardons à l’esprit que cette scène décrit une première rencontre entre deux êtres qui sont destinés à devenir amoureux mais cette intention de l’autrice et de l’auteur sera cachée lors de cette première rencontre.

rencontreCe qui signifie qu’elle ne sera pas empêchée. Oliver sourit au babil de Felicity. Puisque Oliver ne sourit presque jamais, à moins qu’il ne prétende être quelque chose qu’il n’est pas, ce vrai sourire dit qu’il est en harmonie, qu’il y a une fissure dans la façade rigide qu’il offre au monde, et qu’il est maintenant à son tour plus vulnérable.

Certes, juste un peu plus, mais il y a définitivement une fissure là où avant il n’y avait que du granit. Et comme le personnage responsable de cette brèche dans l’armure de l’autre est la sympathique Felicity, et même si les personnages ne le perçoivent pas, même si l’autrice ou l’auteur ont consciemment cachés ce qu’il se passe à l’intérieur des personnages, lecteurs et lectrices se doutent que quelque chose est en train de se jouer entre ces deux-là.

La réponse à cette question dramatique leur sera donnée beaucoup plus tard dans la série. La qualité de la relation qui s’installe doit être la sincérité. Chaque personnage se présente à l’autre dans sa nudité.

Certes Oliver a un but, il veut obtenir quelque chose de Felicity. Au début de la scène, la relation entre Felicity et Oliver est une relation de subordination mais Felicity reste entière, fidèle à ce qu’elle est et bien qu’elle fournisse les informations demandées, ce n’est pas servilement qu’elle obéit.
Son attitude est claire : elle sait que les raisons invoquées par Oliver sont futiles et Oliver s’en aperçoit et surtout apprécie la franchise de Felicity.

A ce moment, l’interaction entre les deux personnages changent. L’évolution de la relation ainsi exposée renforce notre empathie envers Felicity alors qu’elle n’est pas le personnage principal. Cela rend la scène encore plus dynamique participant activement dans l’ensemble qui ne se dévoilera que progressivement au fil des épisodes de la série.

Qui l’emporte ?

Dans une situation conflictuelle, même si celle-ci s’étend sur quelques scènes, on aboutit à la victoire de l’un des personnages en question. Dans un conflit, il faut une résolution.

La seconde articulation de cette scène entre Felicity et Oliver (second beat) est justement cette attitude de Felicity. Le conflit s’intensifie donc dans ce deuxième temps parce que le mensonge d’Oliver est ridicule, ce qui provoque l’exaspération de Felicity, comme le démontre l’inclinaison de sa tête (considérez le langage du corps comme un vecteur d’information qui peut en dire plus et plus directement que les mots), une attitude qui le fait sourire à nouveau, et Felicity gagne à la fois le deuxième temps et la scène parce que ce n’est plus Oliver qui a l’initiative mais Felicity et Oliver la voit maintenant non pas comme une employée certes douée pour résoudre son problème actuel mais comme Felicity.
Le lien, platonique et professionnel, est établi.

Les premières rencontres fonctionnent parce qu’elles suscitent une attente chez le lecteur/spectateur. Le besoin de savoir ce qu’il se passera ensuite entre ces deux êtres, l’attente de la seconde rencontre, est le facteur le plus important dans une scène de première rencontre, et cette scène entre Felicity et Oliver (bien que courte, presque un détail) crée une attente puissante.

Quand on inscrit son récit dans le genre de la romance, c’est dès l’acte Un que doit se produire cette première rencontre. Chaque nouvelle rencontre est espérée par le lecteur et la lectrice, rien qu’avec cette promesse, vous aurez résolu la moitié de vos objections sur votre histoire d’amour.

Même lorsque la première rencontre est agréable, l’autre ne provoque pas de répulsion, ni pour les personnages qui se rencontrent pour la première fois, ni pour la lectrice et le lecteur, cela n’implique nullement une attirance physique.
Celle-ci peut néanmoins intervenir lors de la seconde rencontre.

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