FAILLE & PERSONNAGE

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Un personnage possède de la profondeur. Pour cette raison, il nous semble réel. L’une des dimensions de cette profondeur d’âme ou de psyché, de conscience et d’inconscient est qu’il n’est pas parfait.

Les failles psychologiques et les manquements ou faiblesses moraux sont, après tout, constitutifs de ce que signifie être humain. Sans ces défauts, l’humanité connaîtrait peu de conflits, de triomphes ou de croissance – autant d’éléments qui définissent les histoires que nous écrivons. Pour qu’un personnage soit réel (même s’il est seulement anthropomorphe), il doit partager notre imparfaite humanité.
Lorsqu’un personnage est trop parfait, il lui manque l’humanité dont les lecteurs et les lectrices ont besoin pour s’identifier à lui ou à elle, pour compatir à ses luttes et pour l’encourager à réussir.

Écrire la faille

Souvent, c’est lors de la conception du personnage principal que l’on rencontre des difficultés à lui imposer un défaut dans sa personnalité. Dans la plupart des histoires, il est vital que les lectrices et les lecteurs s’attachent au protagoniste, sinon il est peu probable qu’ils se soucient de savoir s’il ou elle vaincra le méchant, avouera son amour ou sortira vivant de la maison hantée.
Reconnaissant inconsciemment l’importance de ce lien entre le lecteur/spectateur et le personnage, la plupart des autrices et auteurs s’efforcent de faire en sorte que les lecteurs puissent sympathiser avec leurs personnages.

Considérons la sympathie comme un a priori à l’empathie et une authentique faiblesse dans l’âme d’un personnage comme le nécessaire moyen pour obtenir un conflit significatif, élément indispensable de ce qui rend un récit dramatique et partant, passionnant.

Deux types de conflits sont à l’œuvre contre un personnage : celui extérieur, qui concerne la dramatis personn­æ, c’est-à-dire l’évidence pour tous les personnages y compris pour le lecteur/spectateur (Frodon doit rendre au Mordor l’Anneau même s’il doit en mourir : un objectif clair dès le début du récit).

L’autre conflit est beaucoup plus personnel : Frodon résistera t-il à la tentation de l’Anneau jusqu’au moment de le détruire ?

Ce qui est intéressant avec l’imperfection, c’est que les deux conflits s’en nourrissent. Dans le cas d’un conflit externe, les défauts d’un personnage peuvent entraver sa capacité à atteindre son objectif ou à vaincre le méchant de l’histoire. Dans le cas d’un conflit interne, les défauts sont souvent au cœur des arcs dramatiques positifs (le personnage réussit à la fois son objectif et comble le manquement qui le caractérisait jusqu’à présent) et négatifs (le personnage peut réaliser son objectif mais échouer sur le plan personnel à devenir meilleur ou bien il peut à la fois perdre face à l’adversité et ne pas réussir non plus à transformer sa personnalité, c’est alors une tragédie), des arcs dramatiques, donc, qui permettent aux personnages de grandir ou de se transformer en êtres humains tout au long de l’intrigue.

Les défauts peuvent également créer des conflits dans les relations des personnages (un rapport aux autres toujours passionnants à lire), les amener à prendre des décisions destructrices ou les empêcher de voir la réalité de ce dont ils ont besoin pour trouver la paix et le bonheur.

En fiction, une faille psychologique n’est pas nécessairement un vice ou un trait de caractère négatif. Il peut aussi s’agir d’une lubie, d’une peur, d’un préjugé, d’une limitation (lorsqu’un personnage s’impose ses propres contraintes par exemple pour éviter de revivre une expérience douloureuse) ou d’une fausse croyance qu’un personnage porte en lui.

Parfois, un défaut de caractère cause du tort, et parfois il s’avère simplement une gêne ou un obstacle mineur pour le personnage qui le possède ou pour ceux avec qui il est en relation.

La nature de la faille

Une faiblesse mineure permet de distinguer un personnage. C’est par elle que nous reconnaissons qui est un personnage. Cette faille mineure n’impacte pas l’orientation de l’intrigue. Un personnage qui se ronge les ongles traduit chez lui une anxiété, peut-être une angoisse sur son existence. Cette caractéristique peut servir à illustrer un thème.

En revanche, une faiblesse majeure impactera le déroulé de l’intrigue. Une addiction, une peur de l’intimité (un trauma peut en être la cause) qui maintient à distance un personnage du véritable amour, un entêtement à vouloir tout gérer personnellement par exemple en refusant la main tendue..
Les défauts majeurs représentent souvent des défaillances morales (comme une difficulté à considérer ce qui est bien et ce qui est mal), et ce sont ces défauts qui créent ou alimentent les conflits externe, interne qui adviennent tout au long d’une histoire.

L’hamartia par contre représente un défaut fatal au sens tragique du terme (c’est le péché dans le contexte grec ou bien, selon Aristote, une faute du héros de tragédie qui provoque sa chute). Ce pourrait être un sens du devoir qui conduit un personnage à se sacrifier inutilement, un besoin de vengeance qui conduit le personnage sur un chemin sans issue heureuse ou bien encore une confiance en soi trop marquée qui mènerait le personnage vers sa propre destruction.
Il sera très difficile pour un héros ou une héroïne à sortir triomphant de leur lutte personnelle contre cette hamartia, mais c’est toute la puissance du récit qui est ici en jeu.

Lorsqu’un auteur ou une autrice craignent que le fait de donner à leurs personnages un défaut important les rende antipathiques, ils optent généralement pour un problème mineur à la place. Si vous avez déjà lu un récit mettant en scène un héros sombre et incompris, un geek tranquille ou une fille timide qui ne sait pas qu’elle est belle, c’est ce phénomène qui apparaît.
Lorsqu’un personnage n’a que peu d’impact sur l’intrigue, quelques traits archétypaux peuvent alors les constituer sans qu’une recherche plus poussée et plus dévoreuse de temps soit nécessaire. Il est vrai qu’un personnage affublé de quelques défauts sans importance est proche de l’impeccabilité ce qui est toujours le signe d’une mauvaise écriture.

Si vous voulez développer des failles authentiques et marquantes pour les personnages de votre histoire, commencez par réfléchir à leur parcours. Tant que vous savez où l’histoire personnelle de vos personnages commence et où vous voulez qu’elle se termine, vous pouvez élaborer une faille qui créera ou alimentera les principaux conflits internes et externes qu’ils connaîtront.

Ces deux jalons posés, les détails viendront ensuite.

Le recours à la motivation

Dans la plupart des cas, le défaut majeur d’un personnage sera une peur, une fausse croyance ou un trait de caractère négatif (par exemple, la colère, l’insécurité, la vanité, l’impulsivité, la lâcheté). Si vous craignez que les lecteurs ne trouvent pas vos personnages sympathiques, n’ayez crainte. Lecteurs et lectrices peuvent pardonner presque tous les défauts majeurs, à condition qu’ils éprouvent de la sympathie pour le personnage.

C’est là que la motivation entre en jeu. Lectrices & lecteurs peuvent pardonner la grossièreté d’un personnage s’ils comprennent que le personnage en question a peur de paraître vulnérable après une vie de sévices. Ils peuvent pardonner l’impulsivité d’un personnage si celui-ci essayait sincèrement de faire une bonne action, et ils peuvent pardonner la tendance au vol d’un personnage si celui-ci prend aux riches pour donner aux pauvres.
Un serial killer qui tue d’autres meurtriers apparaîtra certainement sympathique et un personnage qui succombe parce qu’il est incapable de remettre en cause son sens de l’honneur sera apprécié même si cet entêtement le mène à la mort.

La faille ajoute du réalisme au personnage.

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