MÉCHANT DE L’HISTOIRE

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Les méchants de l’histoire existent depuis les origines. On les déteste autant qu’on les aime. C’est la différence entre la fiction et le documentaire.

Pourtant, ce n’est pas tant un méchant qu’il nous faut créer, mais simplement un antagonisme crédible qui nous bouleverse. Un antagoniste est le personnage qui crée le conflit externe dans un récit en entravant le protagoniste dans sa quête pour atteindre son objectif ou surmonter son insatisfaction. Mais les actions ou les intentions d’un antagoniste ne sont pas nécessairement mauvaises par nature.

Il peut y avoir un simple conflit d’intérêt entre un protagoniste et son antagonisme. L’antagoniste peut partager le même but que le protagoniste. La qualification de méchant de l’histoire ne signifie rien. Il n’y a pas nécessairement de malice dans la présence d’un personnage qui le désigne comme celui à abattre car dans ce cas, autant dire que le personnage principal est celui par qui le scandale arrive.

Comme dans la vie réelle, tous les personnages quelles que soient leurs fonctions dans le récit commettent de bonnes actions mais avec de mauvaises intentions ou de mauvaises actions avec de bonnes intentions.

Dans les contes qui sont essentiellement moralisateurs, on peut parler de méchant mais est-ce vraiment encore de la fiction ?

Ne pas forcer le trait

Créer un protagoniste trop admirable, au cœur si noble et totalement dépourvu de peurs et de défauts que sa caractérisation devient invraisemblable, voire méprisable est une erreur qu’on peut commette pareillement dans l’élaboration de l’antagoniste.
Même lorsque l’antagonisme est une entité comme la nature, l’oppression.. il est représenté par un personnage. C’est de l’anthropomorphisme tout comme on attribue dans les contes de fée des traits de caractère à des animaux.

En fait, les méchants de l’histoire possèdent un passé, des personnalités et connaissent et ont connu des souffrances.. nul doute qu’ils méritent leurs propres histoires riches et fascinantes. Cela ne veut pas dire que vous devez tempérer le mal de votre méchant de quelque façon que ce soit.

En fait, certaines des actions les plus cruelles peuvent susciter une véritable terreur dans le cœur des lecteurs et des lectrices, mais seulement si elles sont montrées sous l’angle de l’humanité.

Nos méchants peuvent être des êtres cyniques, détestables, ils ne seront jamais les égaux de ceux qui dans la vie réelle commettent les pires crimes. Mais lorsque les actions de nos personnages de fiction nous amènent à nous interroger sur notre propre humanité ou à révéler des vérités terribles sur la réalité de nos vies, alors nous avons notre méchant de l’histoire.

Il faut prêter autant d’attention à son antagoniste que lors de la création de son personnage principal afin de s’assurer que ses buts soient compréhensibles, acceptés par le lecteur et la lectrice. Qu’il s’agisse de ses objectifs, de ses motivations, de sa personnalité, de son histoire, de sa vision du monde ou d’autres choses encore, il est absolument nécessaire d’élaborer avec soin chacun de ces éléments de caractérisation primaires si l’on veut que nos méchants fassent le poids face à nos protagonistes.
Mais plus important encore que de développer ces éléments, nous devons veiller à le faire avec profondeur et intention. Il n’est pas totalement invraisemblable que le méchant d’une histoire veuille conquérir le monde, mais pourquoi ? Juste parce qu’ils sont mauvais n’est pas suffisant. Et comment comptent-ils s’emparer du monde de toute façon ? Dit autrement, cherchez à comprendre ce qu’ils veulent, pourquoi ils le veulent et ce qui les a motivés ou les motivera à agir.

Un antagonisme non humain

Il arrive parfois que les histoires mettent en scène des méchants qui ne sont pas, en fait, humains. Qu’il s’agisse d’un Seigneur des Ténèbres, d’un démon ou d’une autre créature surnaturelle, l’utilisation d’un méchant qui peut, en fait, être purement mauvais n’est pas nécessairement une erreur.
Cependant, lorsque vous utilisez ce type de méchant, vous devez vous rappeler que les lectrices et les lecteurs ne vont pas le craindre de la même manière qu’un personnage humain vraiment terrifiant.

Un mal aussi pur est largement en dehors du domaine de ce que nous vivons en tant qu’êtres humains, et en tant qu’auteurs, nous devons donc trouver d’autres moyens de faire naître la peur dans le cœur de nos lecteurs. Souvent, les antagonistes de cette nature ne sont qu’un catalyseur du danger véritable et le plus terrifiant du récit : la lutte du protagoniste contre ses propres peurs ou tentations. Il suffit de penser à Frodon luttant contre l’attrait de l’Anneau Unique, à la lente descente de Jack Torrance dans la folie ou à la lutte d’Edmund Pevensie contre les tentations de la sorcière blanche.

En prenant le temps de développer un conflit personnel pour nos protagonistes qui soit exacerbé par le pouvoir de leurs antagonismes, nous pouvons faire comprendre à nos lectrices et à nos lecteurs à quel point ce pouvoir est vraiment terrifiant.

Comme le personnage principal est celui sur lequel se porte naturellement l’empathie du lecteur et de la lectrice, ce dernier ou cette dernière devrait se demander à quel point il ou elle se débattrait dans la même situation.

Lors de la phase préparatoire à l’écriture de l’histoire, nous prenons beaucoup de notes. Nous avons établi des fiches personnages dans lesquelles nous avons été bien au-delà de ce que nous avons besoin pour l’histoire en devenir.
Néanmoins, il est indispensable de développer au cœur de l’histoire un antagonisme avec tous les détails que nous avons envisagés dans nos notes. Un méchant peut très bien être terrifiant en théorie, mais s’il n’est pas spécifiquement conçu pour s’attaquer au protagoniste, les lecteurs n’auront pas vraiment l’occasion d’en venir à le craindre.

Par conséquent, prenez le temps de comprendre les peurs, les défauts et les désirs de votre protagoniste. Posez les bases de sa propre histoire.
Ensuite, concevez un méchant qui puisse peser sur cette histoire, en y contribuant plutôt qu’en s’en détachant. Voldemort, par exemple, est un méchant efficace dans la série Harry Potter parce qu’il déjoue la compassion de Harry et exploite sa peur de la peur elle-même, le terrorisant à chaque instant.

Après avoir établi un protagoniste et un antagoniste dont les histoires personnelles sont si profondément liées, prenez le temps de développer des scènes dans lesquelles ils interagiront ou dans lesquelles le protagoniste subira les conséquences des actions de son antagoniste. Chacune de ces scènes devrait vous donner l’occasion de caractériser davantage votre méchant à travers les yeux de votre personnage principal.

Quelques idées de scènes
  • La toute première rencontre entre l’antagoniste et le protagoniste. Vous pourriez même en faire votre incident déclencheur si votre histoire s’y prête.
  • Le personnage principal observe l’antagoniste mais n’interagit pas avec lui. Cette scène peut participer à l’exposition de vos personnages, décrire qui ils sont et commencer à donner quelques informations sur leurs personnalités.
  • Le personnage principal doit faire face aux conséquences des actions blessantes de l’antagoniste envers les autres. Cette scène pourrait servir au passage dans l’acte Deux lorsque le personnage principal, après avoir été réticent à s’engager dans l’aventure après l’incident déclencheur, décide d’assumer sa responsabilité et s’obliger à vaincre sa peur en pénétrant dans l’inconnu.
  • Le personnage principal est mêlé à la transgression orchestrée par l’antagoniste. Selon les exigences de votre récit, ce peut être volontairement ou non que votre héros ou votre héroïne participent à la mauvaise action.
    Dans un cas comme dans l’autre, cette scène peut être une révélation, peut servir à dessiller les yeux de votre personnage principal sur ses propres illusions.
  • Par l’ironie dramatique, nous savons qui est le méchant de l’histoire mais le personnage principal l’ignore encore. Il a confiance dans cet antagoniste. Lors d’une scène où l’antagoniste déversera sa haine et son mépris sur le personnage principal dont la présence dans cette scène se borne à subir, il comprendra la nature véritable de cet autre qu’il admirait.
  • Présenté différemment, le personnage principal peut entendre une conversation ou d’autres parlent de la nature véritable de l’antagoniste. La question est de savoir s’il se laissera convaincre.
  • Le personnage principal rencontre un personnage qui tient en estime l’antagoniste, éprouvant pour lui de la pitié, de l’amour ou du respect. Cette relation pose des dilemmes à explorer.
  • Lorsque l’antagoniste perd quelque chose qui a de la valeur pour lui, cela peut le dévaster totalement. Le personnage principal s’aperçoit alors qu’au fond de cet être, il existe une humanité et le regard qu’il porte sur lui peut être amené à changer.
  • Certaines scènes de conflit entre le protagoniste et l’antagoniste peuvent ne pas se résoudre en un gagnant et un perdant. Cela signifie que les arguments avancés par l’une et l’autre partie se valent. On peut prévoir une série de ces scènes car la répétition possède un caractère intensif qui rend encore moins prévisible l’issue.
  • Le personnage principal apprend à connaître son ennemi. L’accès à l’autre se fera par la connaissance du passé. Des événements tragiques mis au jour peuvent changer le regard que l’on porte sur un individu. Plus le protagoniste découvre qui est son antagoniste et plus il sera enclin à l’apprécier. A nouveau, cela engendre un dilemme, partagé d’ailleurs entre lectrice, lecteur et personnage principal par le jeu de l’empathie.

L’idée est simplement de donner aux lecteurs le plus grand nombre possible de scènes dans lesquelles ils peuvent apprendre quelque chose de nouveau sur le méchant, que ce soit par ses actions ou ses réactions, par les conséquences qu’il laisse dans son sillage ou par les ombres persistantes de son passé.

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