QUESTION DE CHANGEMENTS

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Toutes les scènes ne se ressemblent pas. Pourtant, la majorité d’entre elles contiennent en leur sein un changement. Robert McKee a déjà théorisé ce concept. Prenons un nouveau tour.

Chaque scène présente un arc dramatique, c’est-à-dire une évolution. Cette série d’évolutions combine, assemble chacune des scènes afin de donner du sens (ou du moins une existence) à un tout, le récit.

Lorsqu’une scène n’a pas une finalité spécifique comme de consister en un rappel des faits (si vous donnez l’information une seconde fois, cela signifie pour le lecteur/spectateur que cette information est essentielle à l’intrigue. Néanmoins, si vous vous répétez à nouveau, votre lecteur et votre lectrice considéreront que vous insultez leur intelligence).
Par exemple, le personnage principal rencontre un personnage mineur qui est un boulanger réputé pour son pain. Quelques scènes plus tard, vous rappelez que ce boulanger fait du bon pain. Pourquoi un tel rappel qui semble totalement inutile ? Parce qu’en fait, l’assassin que poursuit le personnage principal est ce boulanger.

Donc, lorsqu’une scène n’a pas de fonction particulière, elle présentera alors un changement parce que ce changement est ce qui se produit dans cette scène. Cela signifie qu’une scène débute d’une certaine manière et qu’elle finit autrement.
Lorsqu’elle commence sur une note positive alors elle se terminera sur une note négative et inversement. C’est une question de valeurs, dit autrement, vous opposez des concepts, par nature abstraits. Par exemple, au début de la séquence (c’est un ensemble de scènes), un personnage s’apprête à pénétrer par effraction dans un appartement. A ce moment précis, il est libre.

Mais les autorités prévenues procèdent à son arrestation. A la fin de la séquence (le changement de valeurs peut s’accomplir entre plusieurs scènes), le personnage est emprisonné. Ainsi, il y a une inversion de polarité : liberté → captivité (dans ce cas, liberté vers captivité).

Tout commence par le plan

Un plan, ce sont les quelques descriptions rapides de ce que vous savez déjà sur certaines de vos scènes. Vous y avez posé les idées qui vous sont venues à l’esprit pendant vos réflexions et diverses ruminations. Maintenant, il faut traduire ces idées en scènes fonctionnelles.

Il faut tenter de parvenir à identifier s’il y a un quelconque changement dans l’idée projetée en scène. Si le cas s’avère, alors il faut s’interroger si ce changement est significatif ou non. D’emblée, regardons le genre de votre récit car chaque genre possède une valeur singulière qu’il met particulièrement en valeur.

Le récit tout entier décrit un glissement entre deux choses apparemment contradictoires. Dans une romance par exemple, un personnage est en manque d’amour : c’est la toute première chose que nous apprenons de lui lorsque nous faisons sa connaissance.
Ou bien l’inverse : il vit le parfait amour. La valeur qui importe ici est l’amour, non le prédicat qui le définit (comblé ou privé d’amour). L’amour est ce que le protagoniste risque de perdre ou de gagner au cours du récit. À la fin de celui-ci, le lecteur et la lectrice sauront si le protagoniste trouve ou perd l’amour.

Une fois que vous connaissez la principale valeur en jeu dans votre récit, vous pouvez commencer à imaginer le spectre qui existe entre les valeurs négatives et positives. Reconsidérons la romance : À l’extrémité positive du spectre, nous avons l’amour. À l’extrémité négative du spectre, nous avons la haine. Entre l’amour et la haine, il y a tout un éventail de valeurs que votre histoire peut explorer. Par exemple, des choses comme l’attraction, le désir, l’indifférence et la répulsion.
Un autre exemple : votre personnage est une femme qui a de lourdes responsabilités. Elle sait qu’elle doit contrôler pour éviter le chaos. Pour elle, en affaires d’amour, ce n’est pas différent. Or, lorsqu’elle comprend que l’autre lui renvoie un amour qu’elle ne soupçonnait pas, elle préfère rompre.

Mais elle ne comprend pas ce malaise qu’elle ressent. Elle tente de se débarrasser des artefacts de cette relation (les livres d’un auteur que tous deux appréciaient par exemple) mais la sombre humeur persiste.
Lorsqu’elle réalisera, peut-être aidé en cela par un mentor, qu’elle doit laisser aux choses suivre leur cours sans qu’elle cherche à le détourner, elle acceptera cet étrange sentiment de se sentir aimé et de se laisser envahir par lui. En acceptant ces quelques compulsifs instincts irrationnels et débridés, elle se laisse aller au bonheur.

Le message

Un récit soulève des questions : votre vérité. Certaines scènes présenteront votre argument, d’autres scènes exposeront un contre-argument tout aussi puissant (car vous ne faites pas de propagande) et progressivement vous établissez votre vérité.
Lecteurs et lectrices interpréteront votre écriture. Qu’ils l’acceptent ou non ne vous inquiétera pas puisque vous aurez passé votre message.

Vous pourriez m’objecter qu’il est difficile de trouver de justes raisons à un dictateur. Mais son ascension au pouvoir peut s’expliquer par des mouvements de masse dont l’habituelle apathie apolitique a été bousculée par une situation donnée.
Et cette situation est tout à fait légitime et justifiée et peut alors s’expliquer.

Considérez chacune de vos scènes et assurez-vous qu’elle participe effectivement à la construction de votre message. La théorie et pratique narrative Dramatica met en avant la notion de Benchmark. Le Benchmark est un outil utilisé pour évaluer les progrès ou l’évolution ou encore le degré de préoccupation des personnages dans une ligne dramatique donnée. Concernant le personnage principal par exemple, ce Benchmark mesure l’effort qu’il applique dans sa tentative de résoudre son problème personnel.

Dramatica qualifie ce problème personnel par le terme de Concern. Le Benchmark décrit alors en quelques étapes comment cette préoccupation (ou Concern) évolue. Pour savoir dans quelle mesure le personnage principal gère les enjeux qui le concernent dans l’histoire, il faut choisir un élément et l’utiliser comme instrument de mesure.
Cela peut être subtil ou évident, illustré par le nombre de canettes de bière vides à côté du lit d’un alcoolique, la gravité d’un tic facial ou la quantité de parfum dont un personnage s’imprègne Quelle que soit la façon dont ce Benchmark du personnage principal est représenté, il doit être présent pour donner au lecteur/spectateur et au personnage principal un moyen de juger de la profondeur de ses préoccupations et de son propre degré d’avancement dans l’histoire.

Une situation ne peut rester statique. En son sein existe un battement, une force qui la fait évoluer. Considérez chaque scène selon qu’elle fait avancer ce qu’il se passe à l’extérieur du personnage principal et ce qu’il se passe à l’intérieur de ce personnage et peut-être mesurerez-vous l’importance d’une scène et jugerez soit de la renforcer, soit de vous en débarrasser.

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