GLENN GERS : UN AUTEUR AU TRAVAIL (7)

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Le personnage principal Éric est donc un journaliste d’investigation d’une quarantaine d’années qui s’est retiré dans un lieu isolé mais accessible afin d’y écrire un livre sur la manière dont des gens ordinaires se retrouvent impliqués dans des circonstances extraordinaires.

Pour cette enquête, il se rapproche d’un groupe de personnes (Gers dit plutôt qu’il infiltre le groupe, nous verrons plus tard si cela se justifie) qu’il ne connaît pas et qui se sont assemblées afin de résoudre l’assassinat de l’animateur d’un podcast dont le sujet est des affaires de crimes non résolus.

Éric rencontrera l’ex-femme de l’animateur assassiné et comme Gers souhaite que son projet soit d’abord une romance, Ariane et Éric seront amants et se découvriront un nouvel amour.

Mais rien n’est figé

Gers rappelle qu’un processus de création comme celui d’écrire un pilote pour une série peut évoluer à tout moment y compris au moment de mettre en œuvre les mots avec des comédiens, des techniciens.. C’est-à-dire d’autres corps de métiers qui s’empareront du scénario.

Le scénario n’est pas un roman. Certes son écriture vous met face à vous-mêmes comme pour un roman mais une fois lâché dans la nature, ce scénario ne vous appartient plus. Mais tant que vous l’avez sous votre plume, celle-ci peut en modifier le contenu à tout moment même les tous premiers mots que vous auriez posés des semaines auparavant.

J’ai pris aussi la liberté de jouer avec l’intention de Gers concernant son personnage (il voulait en faire un individu dépassé par les nouvelles technologies d’après ce que j’en comprends) mais je voulais autre chose pour mon personnage.

Le personnage principal d’un récit est une entité mouvante. Elle est destinée à être autre chose à la fin du récit. Le personnage principal est le point d’arrivée que se fixeront l’auteur et l’autrice. Je n’en connais pas encore les détails puisque, tout comme Gers, j’en suis au début du processus de création et je complète les fiches de mes personnages au fil de mes réflexions, de ce que je vois, entends, découvre par ailleurs.

Éric n’est pas las de son métier. Cette activité passionnante l’a éloigné de sa femme et de sa fille. La femme d’Éric lui a imposé une distance pour qu’il prenne conscience de ce qui est vraiment important : l’égoïsme ou la vie ensemble (quelques bribes de dialogues futurs, peut-être ?!).

Dans un récit, ce que je trouve assez fascinant, ce sont les relations qui unissent les personnages. Je rejoins Glenn Gers sur un aspect de la personnalité du personnage principal qui connaît dans ses relations aux autres des difficultés.
Cela d’ailleurs n’est pas incompatible avec son métier de journaliste. Regardez autour de vous avant de sonder votre propre complexité. Voyez comme sont nombreux sont ceux qui affichent une identité qui n’est pas la leur. Face aux autres, combien prétendent être ce qu’ils ne sont pas. En société, ils vivent en imposture.

Beaucoup d’entre eux sont de médiocres imbéciles irrémédiablement perdus pour l’humanité. Seulement Éric dans sa quête incessante de trouver une âme sincère chez autrui s’est usé à l’exercice.
Afin de comprendre l’intériorité d’un personnage, observez ses relations extérieures. L’être intime qui ne se manifeste pas dans les apparences est la clef de son élaboration.

La Love Story

Il n’y aura pas de coup de foudre lors de la première rencontre entre Ariane et Éric. L’un comme l’autre auront à abattre les murs qu’ils ont monté au fil de leur vécu et de leurs expériences afin de pouvoir enfin s’apercevoir.

A ce moment de sa réflexion, Glenn Gers rencontre ce que tout auteur ou autrice feront face lors de phases créatives : la peur du cliché. Il la contourne en se donnant plus d’options pour son récit. Ainsi, le personnage principal pourrait être alcoolique, ou être coureur de jupons ou bien encore d’avoir échoué toutes ses relations amoureuses.
L’approche consiste à ne pas se laisser enfermer dans quelques options mais en en posant même les plus farfelues. La caricature ne peint pas la réalité mais elle en donne l’interprétation d’un aspect qui est bien réel.

Un personnage principal est un être qui est appelé à changer : c’est même à cela qu’on le reconnaît. Éric doit apprendre quelque chose sur lui-même. Il doit capituler devant un aspect de lui-même qui a eu pour résultat de détruire son mariage et qui aura pour conséquence de tuer dans l’œuf l’amour naissant entre lui et Ariane.
Glenn Gers a dit une petite phrase qui m’a interpellé : c’est à cette manière du personnage qu’on ne l’apprécie pas. Le personnage principal maintient face à autrui une attitude détestable. Il sera intéressant de travailler sur la source possible d’une telle attitude mais actuellement, la capitulation devant cet entêtement à paraître est nécessaire si le personnage principal souhaite assumer totalement son intention, du moins d’en prendre conscience.

A défaut d’une réflexion immédiate sur mon personnage Éric, je considère les propositions de Glenn Gers concernant l’orientation que doit prendre son personnage pour que son changement soit effectif : honnêteté, confiance et une ouverture vers ses propres émotions.

Les 6 réponses à connaître

Glenn Gers énumère les six questions qui peuvent résumer à elles seules le contenu d’un récit :

  1. De qui est-il question dans ce récit ? Ce sera le personnage principal.
  2. Que veulent les personnages? C’est l’objectif partagé par tous les personnages. Cet objectif possède sa propre ligne dramatique.
  3. Pourquoi cet objectif est-il si difficile à atteindre ? Chaque personnage représente une obstruction pour un ou plusieurs autres personnages.
  4. Quelle stratégie peut apporter la réussite de l’objectif ? En effet, devant les vicissitudes de l’intrigue, le personnage principal tente une nouvelle approche, de nouvelles tactiques pour estomper les effets de l’instabilité de l’intrigue.
  5. Malgré de nouvelles approches, pourquoi l’échec persiste t-il ? Essentiellement parce que le personnage principal n’a pas encore accompli sa transformation intérieure. Il applique encore d’anciennes habitudes pour lutter contre une nouvelle adversité qui nécessite une totale remise en cause de soi pour ne serait-ce qu’espérer la vaincre.
  6. Quel dénouement ? C’est dans ce dénouement qu’auteurs et autrices apportent leur message au monde.

L’intérêt de prêter un peu d’attention à ces six questions est qu’elles vous font revenir à vos personnages.

Le changement d’Éric en un être meilleur est déjà envisagé par Glenn Gers. Le dénouement est une étape structurelle tout comme l’incident déclencheur. Gers se penche donc sur l’incident déclencheur qui prendra la forme d’une rencontre entre Éric et Ariane.

Ariane est la veuve de l’animateur d’un podcast assassiné. Le couple n’a pas eu d’enfant et un divorce ne fut pas prononcé (on peut admettre qu’il n’était pas marié), les autorités remettent naturellement les biens du défunt à sa veuve. Assurez-vous que les choses soient possibles afin de maintenir un sentiment de réalité. Romance et Thriller sont des genres qui se fondent certes sur l’exagération soit des sentiments, soit des faits mais conserver une crédibilité est davantage un gage de qualité que le sentimentalisme romantique (même si ce dernier est plus enclin à faire recette).

Dans les précédents articles décrivant le cheminement de la pensée de Glenn Gers dans son effort d’écrire le pilote d’une série (qu’il prévoit seulement sur une saison), Gers avait posé qu’Ariane serait celle qui récupère le dossier que l’animateur avait monté pour confondre un serial killer.
Manifestement, ce serial killer voulait récupérer les preuves qui l’accablent d’où le meurtre de l’animateur. Celui-ci néanmoins avait pris des précautions et c’est ainsi qu’à sa mort, Ariane, étonnée, reçoit le dossier.

Ce que Gers souhaite faire est qu’Ariane et Éric soient forcés d’entrer dans la communauté qui s’est formée autour de la recherche de l’assassin. Trois sphères se dessinent :

  • La communauté qui agit collectivement.
  • Ariane et Éric.
  • Le serial killer.

Le frottement de ces sphères les unes contre les autres amènent naturellement des situations conflictuelles.

La rencontre

Nous avons précédemment posé dans le plan une scène intitulée La rencontre entre Ariane & Éric. Nous n’avions encore donné aucun détail mis à part la fortuité de cette rencontre. Comment Éric peut-il être amené à rencontrer Ariane ? Qu’est-ce qui fait que pour les recherches sur le livre qu’il essaie d’écrire Éric prenne un intérêt en la personne d’Ariane ?

Le hasard lui-même a besoin d’un contexte pour se produire. Nous savons qu’Éric a mis une distance entre sa famille et lui, une sorte de retraite volontaire dans un lieu relativement isolé dans la campagne française ; et précisément celui où vit Ariane. Ce sera le seul aspect aléatoire que nous autoriserons à la coïncidence.

Maintenant, il nous faut un événement, c’est-à-dire les conditions de cette rencontre. Nous savons aussi que découvrir l’identité de l’assassin n’est qu’un prétexte pour justifier l’histoire d’amour entre Ariane et Éric.

Gers a encore des difficultés à mettre en place ces conditions et probablement, auteurs et autrices se retrouvent ainsi dans des moments nébuleux où, malgré le rappel des faits déjà acceptés, les détails résistent à se manifester. On peut néanmoins poser quelques idées : l’attention des médias sur la veuve de l’animateur assassiné, par exemple.

Je suis l’idée de Gers : Éric aperçoit Ariane d’une manière ou d’une autre. Aussitôt, sans qu’il le comprenne et surtout il s’en défend, il se sent attiré par elle. Bien sûr, la réciproque ne sera vraie qu’après quelques pérégrinations et tribulations ensemble ; il faut bien qu’ils se découvrent l’un l’autre et qu’en Éric, une transformation se fasse.
On peut admettre que le métier d’Éric l’a émotionnellement coupé des faits terribles dont il n’a pas toujours été un simple observateur au cours de sa carrière.

D’ailleurs, lecteurs et lectrices s’attendent à ce qu’il se noue quelque chose d’intime entre eux deux. Mais l’un des deux résistent et en fait, tous deux nient qu’il peut y avoir entre eux autre chose qu’une relation tout au plus de respect ou d’amitié (ou bien une relation Amour & Haine dans un premier mouvement).

Notez comment le récit commence à se fonder sur une assise sociale : non seulement la relation entre Ariane et Éric mais aussi les rapports qu’ils entretiennent avec la petite communauté qui s’est donnée pour mission de poursuivre l’œuvre de l’animateur assassiné.

Complétons donc le paragraphe de la rencontre dans le plan en mentionnant l’attrait que procure Ariane à Éric mais sans retour (pas une once) de celle-ci.

Retour au dénouement

Glenn Gers réitère ce que nombre d’auteurs et d’autrices font déjà : à partir de la dernière question, c’est-à-dire ce que vous cherchez à dire avec votre histoire, vous remontez les causes qui ont mené à cette situation. Vous posez une conséquence et vous en cherchez la cause possible.

Gers veut une romance donc la conclusion offre deux issues virtuelles : ou Ariane et Éric s’aiment ou bien ils se séparent et Éric s’en retourne auprès de sa femme et de sa fille. Les implications morales sont de votre responsabilité d’autrices et d’auteurs.

Une relation importante aussi sera celle d’Ariane au tueur. En effet, la quête du tueur se reporte sur Ariane puisque c’est elle qui détient maintenant les preuves de sa culpabilité. Ce qui fait d’Éric une sorte de chevalier servant, une obligation qu’il pourrait s’être imposée à lui-même mais refusée par Ariane qui trouverait Éric encombrant, intrusif.

Inutile de sombrer dans l’angoisse devant l’ampleur d’un tel mouvement : la théorie narrative Dramatica envisage seulement quatre étapes cruciales, quatre événements significatifs à répartir à des moments clefs de la ligne dramatique qui relate la relation entre Ariane et Éric et qui sera hautement subjective.

Notez aussi qu’il y a dorénavant un enjeu pour Éric, le personnage principal : il doit sauver Ariane car sans un enjeu, nous ne pourrions fonder la motivation d’Éric. De plus, cela fait peser aussi une menace sur la vie d’Éric qui représente pour le tueur une obstruction dans sa propre quête.

Donc poser une motivation, c’est aussi prévoir un enjeu. Mais non un quelconque enjeu parce que la théorie veut qu’il en soit ainsi. Ce qu’il faut est un enjeu qui sera compris du lecteur/spectateur : sauver une vie est non seulement moral mais aussi quelque chose d’important pour tout individu qui possède quelque sens du vivre ensemble.
C’est par cet enjeu que commence l’identification du lecteur ou de la lectrice au personnage principal.

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