FICTION & PERSONNAGES

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Écrire une fiction, c’est non seulement écrire sur des gens, mais c’est aussi écrit par des gens pour des gens.

La véritable substance de la fiction, ce sont les personnages, rappelle William Sloane. Aucune pièce de fiction ne peut être dépourvue d’êtres humains. Ces êtres, qu’ils soient totalement humains ou qu’ils aient des attributs humains, sont et font le récit. C’est à propos d’eux que l’on parle et c’est par eux que la fiction existe.

C’est d’ailleurs ce qui facilite l’identification. Lecteurs et lectrices reconnaissent ou partagent des sentiments, des émotions, quelques points communs dans certaines situations comme s’ils étaient déjà passés par là ; même s’ils n’ont jamais éprouvé les expériences que vivent les personnages, lecteurs et lectrices en tant qu’observateurs comprennent ce par quoi les personnages passent.

Même le plus aride des individus dans la vie réelle, lorsqu’il est pris dans la fiction, peut éprouver de la compassion envers un personnage (cela présente moins de risques en fiction que dans la vie).

S’impliquer dans la fiction

Être pris dans la fiction, c’est s’impliquer dans ce qui est conté, c’est-à-dire une histoire et non une situation. Prenons par exemple un personnage qui appartienne à une classe sociale, disons ouvrière. Décrire sa vie au quotidien, les difficultés face au coût de la vie malgré les aides de l’état (dont certaines autres classes pourraient prendre prétexte pour mépriser votre personnage), l’inquiétude du devenir de ses enfants… En tant qu’auteurs et autrices qui souhaiteraient s’emparer de ce sujet et décrire cette vie quotidienne, vous écrivez une situation et non une histoire.

En revanche, la fiction intervient dans le récit de ce personnage cherchant à sortir des limites d’un déterminisme qu’on lui impose. Le caractériser comme issu de la classe ouvrière (c’est un cliché pour ma démonstration), le désigne naturellement pour la lutte.

Ce personnage luttera pour ne plus souffrir des préjugés de sa situation, mais c’est aussi un héros et donc il tentera d’entraîner avec lui le plus grand nombre jusqu’à se sacrifier lui-même. Qu’il réussisse ou non est la question dramatique mais maintenant, vous avez une histoire avec un personnage complexe qui a un problème à résoudre et il n’y a aucune certitude qu’il triomphe.

Notre attention est attirée par le conflit potentiel et nous y participons car il provoque en nous une réponse émotionnelle, que l’on approuve ou non ce combat du personnage principal. Mais ce sera un personnage principal suffisamment crédible pour exciter notre intérêt envers lui. C’est son histoire qui nous préoccupe.

QUI importe plus que POURQUOI (c’est-à-dire la causalité des événements ou les principes que vous mettez a priori dans le monde de votre histoire), le lieu ou le COMMENT des événements. Pourquoi donc ? Parce que savoir ce qu’il s’est passé, c’est connaître les événements qui sont arrivés à un personnage, pourquoi cela s’est-il passé revient à comprendre les raisons légitimes ou non des actions du personnage mais aussi comment cela a t-il été possible vous plonge au cœur du personnage car ses actions sont en surface (il a un objectif extérieur, qui se situe dans le monde, à accomplir) mais ce qui fascine le plus, lecteurs et lectrices que nous sommes, c’est de pénétrer à l’intérieur de ce personnage, vivre les mêmes émotions que lui, se saisir de ce qui le hante et partager.

Pensez à Hercule Poirot, le célèbre détective d’Agatha Christie. Sans son caractère bien trempé, beaucoup de ses mystères n’auraient pas pu être être reconstitués. Ou pensez à Pilar, Maria et Robert Jordan dans le roman d’Ernest Hemingway “Pour qui sonne le glas“.
Ces différents personnages donnent le ton de l’histoire et la font progresser. Ou pensez à Maxime de Winter dans le roman de Daphne du Maurier. Rebecca. Sans sa présence brûlante, l’histoire n’aurait ni profondeur ni suspense.

Un récit dans le marbre du personnage

J’aurais pu tout aussi bien écrire dans l’argile car il s’agit de façonner de la vie à partir d’une matière informe tel l’artisan créateur (on dit aussi artiste) dont le génie consiste à voir dans l’âme humaine (ou la condition humaine) des choses inaccessibles et de les mettre au jour.

Ce que vous avez à dire dans votre scénario (un scénario qui est un outil de travail pour d’autres corps de métiers), votre message, vous le criez à la face du monde. Puisque l’être humain est doué de la parole, le personnage est alors l’être fictif le plus apte à communiquer ce que vous avez à dire.

Complexe, votre personnage l’est assurément. Cependant, une caractéristique ressortira de sa personnalité. Ce pourrait être un stigmate, une cicatrice, par exemple, signe d’une vie aventureuse. Ainsi, vous faites l’économie d’analepses sur le passé de votre personnage le montrant baroudant dans des jungles hostiles, scènes dont l’intérêt pour l’intrigue elle-même est nul.
En revanche, cette cicatrice, inconsciemment dans l’esprit du lecteur, prépare néanmoins celui-ci à voir agir le personnage conformément à ce stigmate et partant, vous conservez la vraisemblance sur les actes et les choix du personnage. Cette distinction, qui rend votre personnage unique, peut être aussi psychologique ou émotionnel.

Pensez à Un Crime dans la tête de Richard Condon où Raymond Shaw est programmé pour tuer lorsqu’un stimulus extérieur est présenté. Jusqu’à ce que cela se produise, il est aussi normal que le reste d’entre nous.

Le fait est que ce personnage est mémorable parce qu’il a une seule et étrange caractéristique (parmi d’autres qui aident à le définir mais qui sont moins prégnantes sur sa personnalité), et on se demande si et quand elle éclatera.
Ainsi, lorsque vous mettez en place une relation entre deux personnages, vous créez une sorte de dialectique entre deux caractéristiques opposées. Le conflit naît de cette contradiction.

Parce que si vous établissez une relation et que celle-ci n’évolue pas, qu’elle reste figée, quelle est sa raison d’être ? Tout comme le personnage, ses relations doivent pouvoir s’expliquer, avoir du sens dans le tout du récit.
Dans une relation, vous décrivez non seulement un conflit mais aussi comment celui-ci se transforme. Et c’est cette transformation, ce mouvement, qui fascine. Ainsi, un conflit n’est pas seulement deux intentions qui s’opposent mais peut aussi se sourcer dans deux traits de caractère présentant un défi l’un pour l’autre.

Considérez un personnage en guerre avec lui-même (comme Raskolnikov dans Crime et Châtiment de Dostoïevski). Il possède une caractéristique remarquable (un droit moral d’assassiner quelqu’un qu’il considère comme son inférieur).
Le conflit est assez clair (doit-il avouer les meurtres ou va-t-il s’en sortir ?), et l’action et le suspense se développent. Comme Raskolnikov devient de plus en plus inquiet d’être découvert, nous voyons l’enquête de police se rapprocher de plus en plus, et l’action et le suspense augmentent.

La personnalité de Raskolnikov a produit le conflit inévitable, comme il se doit, et nous avons une histoire centrée sur un personnage dont les traits humains font progresser les choses.

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