DÉVELOPPER L’INTRIGUE

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Après l’introduction du personnage principal et du conflit majeur dont il sortira probablement à jamais changé, il est temps de développer l’intrigue. La sérialité des événements constitutifs d’un récit rend parfois difficile de distinguer les grandes articulations qui le structure.

Comment définir cette intrigue qui constitue le milieu d’un récit ? On peut poser que la fonction du milieu est de développer la promesse implicite contenue dans l’acte Un. Comme il faut une méthode pour cela, nous ajouterons que l’intrigue décrit des événements dramatiques et des situations conflictuelles, dépeint des personnages qui se dévoilent à nous à travers leurs décisions et leurs actions.

Tout cela crée des forces diverses qui se combinent en alliances et oppositions. Des personnalités changeront, d’autres non. Des conflits sembleront inextricables. Des émotions seront si puissantes qu’elles nous bouleverseront. Les enjeux seront comme une question de vie ou de mort.
Ces forces sont animées d’un mouvement qui les mènent inexorablement vers le climax, ce moment ultime qui donne enfin les réponses tant attendues.

Elles ne naissent pas du néant mais de l’acte Un.

Des situations dramatiques

Les situations développées dans l’intrigue sont les conséquences de ce qui a été posé lors de l’exposition. Pour savoir où l’on va, Nancy Kress propose de répondre à trois questions afin de déterminer le chemin à emprunter.

  1. De qui raconte t-on l’histoire ?
  2. Sous quel regard cette histoire est-elle racontée ?
  3. Quelle sera la ligne dramatique de ce regard ?

Le personnage principal sera celui dont on suit la destinée (la ligne dramatique) avec le plus d’intérêt mais d’autres personnages nous passionneront tout autant. Cependant, c’est par le personnage principal que se développe l’intrigue. C’est par lui que ce récit a du sens.

Connaître son personnage principal, ce n’est pas ignorer les autres. Bien au contraire. Tous les personnages offriront un degré de complexité qui nous fascineront. Seulement en sachant sur qui vous voulez écrire, vous déterminerez aussi une ligne dramatique pour ce personnage.

Une ligne dramatique peut être considérée comme différents moments dans la vie d’un personnage qui seront autant d’étapes qui le mèneront à changer. Par exemple, le personnage pourrait être au début du récit un être qui ne voit dans l’autre qu’un corps pour procurer du plaisir. Je n’en fais ni une vertu, ni un vice : la corporéité inspire la sensualité.

Mais cette façon de vivre qui nous est décrite dans l’exposition masque une faiblesse chez le personnage : un besoin puissant d’amour qu’il ne peut combler piégé dans son habitude de prendre le maximum de plaisir de cet appétit charnel qu’il confond avec le véritable sens qu’il veut donner à sa vie.

Posons qu’il rencontre un autre personnage. La relation entre eux possède sa propre ligne dramatique. Des événements se produiront le long de cette ligne. Chacun de ces événements a pour but d’amener progressivement le personnage à découvrir sur lui-même que ce n’est pas du corps de l’autre dont il a besoin mais autant de sa présence que de son absence. Dit autrement, le personnage découvre l’amour.

Ainsi, au cours de sa ligne dramatique, le personnage change : il passe de Eros à Agapè. Savoir qui est votre personnage principal ne rend pas les autres moins importants. Seulement leur raison d’être dans le récit est subordonnée à celle du personnage principal.

Un regard parmi d’autres

Pour résoudre ce problème, penser le point de vue dans la scène facilite la tâche. La plupart des scènes plongent les personnages dans des situations conflictuelles. L’un d’entre eux veut obtenir quelque chose de l’autre et l’autre s’y refuse.

Une scène où il y a accord immédiat est ennuyeuse. Surtout si l’un d’entre eux a des motifs d’en vouloir à l’autre.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que lorsqu’on écrit une scène sous un point de vue, cette scène est biaisée par ce regard. Considérons deux personnages : l’un est un policier qui a arrêté un suspect mais n’a pas su le protéger sur le chemin du tribunal alors qu’un attentat tua le suspect.

L’autre personnage est la femme du suspect. Le policier, personnage principal, a besoin d’informations détenues par la femme. Il se rend chez elle et tente de la convaincre de lui fournir ces informations. Il veut élucider cette affaire en partie parce qu’il se sent responsable de la mort du suspect, devenu victime entre-temps.

La femme aimerait faire toute la lumière et réhabiliter la mémoire de son mari. Mais face à ce policier (qui veut aussi la même chose mais tout est en non-dit), elle ne peut se résoudre à lui parler. La scène sera écrite sous le point de vue de la femme. Ses arguments face à ce policier seront bien plus forts parce qu’ils seront émotionnellement chargés. Et cette charge se communique au lecteur/spectateur.

Pour le personnage principal, la scène débute sur une note positive. Son initiative, même s’il cherche davantage à se soulager d’une culpabilité dont il s’est convaincu lui-même, est très valorisante et de nature à faire avancer l’intrigue dans une toute nouvelle direction.
Mais la scène se termine sur une valeur négative. Le personnage principal n’a pas obtenu ce qu’il voulait dans cette scène.

Par ailleurs, se focaliser sur un regard vous permet de décider des scènes que vous devez impérativement inclure dans l’intrigue et celles dont vous pouvez faire l’économie parce que hors de portée du personnage.
Imaginons une mère et sa fille, adolescente. En pleine crise d’adolescence, les scènes d’incompréhension entre la mère et sa fille sont contées selon le point de vue de l’adulte. Puis la jeune fille fugue. Si vous maintenez votre récit selon le point de vue de la mère, la fugue de la jeune fille peut être seulement une révélation créant un effet de surprise alors que la mère ET le lecteur/spectateur comprennent que la jeune fille a disparue. La scène à incorporer sera alors celle de la mère découvrant la fugue de sa fille en entrant inopinément dans la chambre de celle-ci, par exemple.

A la recherche de son histoire

Les premiers mots, les premières scènes sont souvent expérimentaux. L’histoire ne prend véritablement forme dans l’esprit qu’au cours de l’acte d’écrire lui-même. Il est bon de s’ouvrir à plusieurs points de vue et de réécrire la même scène mais sous le regard d’un autre personnage. Peut-être pourrait-on même s’apercevoir que décidément cette scène n’est pas la place d’un personnage. Ou a contrario une nouvelle réflexion pourrait améliorer l’histoire.

Pour comprendre le point de vue, on peut considérer que nous avons un protagoniste dont le caractère manifeste est de faire avancer l’intrigue vers son climax (moment qui apporte toutes les réponses) puis le dénouement qui présente relativement succinctement les conséquences de ce climax, en somme ce que sera la vie des personnages après cette aventure.

C’est par le protagoniste que nous sommes témoins des événements. Le protagoniste nous place dans la position de l’observateur. Nous posons un regard objectif sur ce qu’il se passe.

Le point de vue nous affecte davantage que la simple observation des faits. Puisque nous parlions du protagoniste, envisageons maintenant l’autre aspect qu’est celui du personnage principal. Par celui-ci, nous vivons l’aventure de l’intérieur. Ce n’est plus le fait qui nous importe, mais la réaction émotionnelle qu’il nous donne. Nous comprenons ce que ressent le personnage principal.

Maintenant, comme je l’ai écrit plus haut, chaque scène (du moins la plupart des scènes) orienteront l’action selon le point de vue d’un personnage qui y participe (qu’il soit principal ou non) et cette perspective singulière nous fait participer nous-mêmes à l’émotion qui se dégage de la scène.

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