CONCEVOIR LES SCÈNES

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Vous avez une idée. Votre prémisse possède un objectif, une motivation et du conflit en puissance. Maintenant, pour développer cela, il vous faut des scènes.

Vos personnages agissent. Leurs actions, leurs différents états de conscience, les décisions qu’ils prennent, les dilemmes qu’ils doivent résoudre, les événements tragiques qu’ils traversent avec plus ou moins de dégâts émotionnels, la moindre des émotions qu’ils ressentent (du moins du point de vue du scénario) se situent dans des scènes.

Une action

Une scène est quelque chose qui survient. Certains moments du récit seront consacrés à un narrateur (en voix off plaquée sur des images par exemple) ou bien on nous emmène déambuler à travers un lieu pour le découvrir. D’autres moments récapituleront des faits importants dont nous devons nous remémorer pour comprendre ce qu’il se passera dans la suite du récit (ce pourrait même être des événements d’avant le début du récit posés comme principe, c’est-à-dire qu’on nous demande de les admettre).

Une scène cependant se distingue parce qu’elle est une unité. Cette unité spécifique de la scène peut se diviser. Chaque partie peut se produire à des moments différents comme dans une sorte de montage.

On trouve un conflit au cœur de la scène. La scène expose un problème et ce problème sera vécu à la fois par un personnage et par le lecteur et la lectrice qui partageront ainsi son tourment (nous rappelle Dwight Swain).

En effet, lecteurs et lectrices doivent éprouver le conflit. Ce conflit crée une implication émotionnelle. Cela se fait naturellement d’ailleurs même quand on est simple observateur, qu’on ne participe pas à l’action et pourtant nous participons parce que l’esprit humain est ainsi fait qu’il apporte une réponse émotionnelle quand il est plongé dans une situation ou témoin de celle-ci.

Les scènes décrivent des situations. Parmi les qualités qui appartiennent à une situation telle que la voit la scène sont l’immédiateté et l’urgence.

Immédiateté d’abord parce qu’une scène (même si elle anticipe un futur possible ou nous entraîne dans un songe…) se conjugue au présent. Nous sommes dans le moment avec le personnage. Être dans le moment permet de faire avancer l’intrigue.

S’il s’avère nécessaire de donner une information en rapport avec le passé du personnage, le mouvement vers l’avant de l’intrigue se fige. Cette information n’est pas une scène et peut être donnée par le dialogue, par exemple. Il s’agit d’un souvenir.
Le long monologue d’un personnage décrivant ce qu’il a vécu pour être ce qu’il est maintenant explique ce personnage mais cela ne participe pas à l’action.

Faire une scène

Trois raisons peuvent être envisagées pour créer une scène :

Elle constitue une avancée dramatique (donc conflictuelle) vers l’objectif ou bien elle est le moment d’une expérience, d’une révélation, d’une prise de conscience qui détermine un nouvel objectif.

Elle est une confrontation entre un personnage et des forces qui s’opposent à lui. La scène est alors l’un des effets possibles d’une cause antérieure. Décrire une agression gratuite qui vous frappe lâchement à l’arrière du crâne n’est pas une scène. En fiction, pour qu’une confrontation soit légitime, on lui applique une causalité.

L’objectif n’est pas le seul qui puisse être changé. Une expérience peut renforcer une motivation et la rendre plus pressante ou radicalement la changer. Cette expérience justifie une scène. Tant qu’il y a un mouvement, quelque chose qui change, vous avez une scène.

Néanmoins, d’autres moments du récit tant qu’ils représentent une avancée de l’intrigue méritent de se nommer scènes : Par exemple, une révélation ou l’introduction d’un nouveau personnage. Lorsque vous avez besoin d’établir un Love Interest pour le personnage principal car dans ce cas, l’histoire pourrait exiger d’aller au-delà de deux subjectivités et de faire entrer dans l’équation la corporéité de ces deux êtres toute empreinte de sensualité.

Après une séquence d’intensité dramatique, on ne peut raisonnablement, dirais-je, laisser le lecteur et la lectrice haut perchés dans l’émotion. Il faut leur permettre de revenir. Ce peut être par un événement ou un personnage. La visée en est un soulagement, un apaisement, une diminution de l’anxiété. C’est un péché capital dans l’écriture que d’épuiser émotionnellement son lectorat. Aussi importants que soient le suspense et la tension de l’histoire, vous devez laisser votre lecteur/spectateur respirer de temps en temps.
Ainsi, une scène à part entière peut se justifier car elle prépare à son tour une nouvelle montée de tension.

Vous pourriez vouloir aussi anticiper une décision future en mettant déjà en place la condition de ce choix. Vous pouvez donner à vos personnages des dialogues qui laissent entrevoir des événements futurs. Cette anticipation peut prendre la forme d’une blague, d’un petit commentaire ou même d’un non-dit. Il s’agit de planter une petite graine qui fleurira plus tard dans le scénario.

L’un des plus célèbres exemples de dialogue annonciateur se trouve dans Roméo et Juliette de Shakespeare dans la scène 2 de l’acte Deux, lorsque Roméo dit : « Le manteau de la nuit me dérobe à leurs regards. A moins que tu ne m’aimes, laisse-les me surprendre : il me vaut mieux perdre la vie par leur haine que mourir lentement sans ton amour.« .
Cette phrase préfigure le destin final de Roméo : se suicider pour avoir perdu Juliette (du moins il imagine s’il perdait Juliette).

La fausse piste, c’est quand vous faites une méchante allusion pour induire votre audience en erreur. Le présage, quant à lui, ne fait que suggérer un résultat possible dans le cadre de la narration – il ne fait donc que guider les lecteurs dans la bonne direction (et partant, participe de droit à l’intrigue).

L’analepse renvoie au passé. Elle décrit un temps qui n’est plus. Envisager une analepse, c’est volontairement bloquer l’avancée de l’intrigue. L’analepse n’est donc pas une scène. En règle générale, à moins que vous n’en fassiez un élément majeur de votre récit, l’analepse a une fonction essentiellement illustrative, à des fins d’expliquer les raisons d’un comportement, d’une attitude face à certaines situations. D’ailleurs, vous avez le choix entre deux options ici : soit le monologue, soit l’analepse.

Doutez !

Sans cesse, demandez-vous pourquoi vous avez besoin d’une scène. Que visez-vous avec telle ou telle scène ? Par exemple, l’établissement de la confiance entre deux personnages s’inscrira dans une séquence elle-même composée de scènes. Il en sera de même pour une trahison.

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