CLIMAX & DÉNOUEMENT

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Le climax et le dénouement ont une importance décisive dans le succès d’un récit parce qu’il détermine la forme de l’impression que laissera le récit dans l’esprit des lecteurs et des lectrices. La fin d’un récit débute avec l’acte Trois. C’est le mot fin de la définition d’Aristote : un commencement, un milieu et une fin.

L’acte Trois est quelque chose que l’on ressent. On sait que le récit vient de prendre une courbure sur sa propre ligne de temps et que les choses se dénoueront bientôt. C’est étrange d’ailleurs de parler de dénouement alors que l’acte Trois consiste à rassembler tous les éléments épars restés en suspens dans le cours du récit et les mener à une conclusion (du moins une solution ou un résultat même éventuellement temporaire).

Deux séquences

Nous pouvons nous baser sur deux séquences pour décrire l’acte Trois : le climax et le dénouement. Le dénouement peut être un texte qui défile sur l’écran et nous informe du devenir du héros. Ce qu’on nomme la défaite d’un antagoniste a une portée très large. Le triomphe du héros pourrait être que son antagoniste accepte ce que le protagoniste a tenté d’imposer tout au long du récit. Par exemple, si la situation prend place aux États-Unis dans les années 1960, une jeune femme noire pourrait réussir à se faire accepter par la communauté blanche dans laquelle elle vit.

D’autres fois, le dénouement après le climax consistera en quelques lignes de dialogue pour informer par exemple qu’une personne disparue a été retrouvée parce que l’issue du climax (incertaine néanmoins jusqu’au dernier instant) a prouvé le triomphe du héros.

Ce n’est pas de la redondance. Le dénouement doit pouvoir clarifier les choses dans l’esprit du lecteur/spectateur. Surtout si cette personne disparue est un McGuffin, c’est-à-dire un prétexte à l’intrigue mais qui n’a aucune importance dans cette intrigue. Le dialogue lors du dénouement lèvera les doutes qui pourraient subsister.

L’issue du climax a donné la réponse à la question dramatique majeure, c’est-à-dire si le héros vaincra ou non l’adversité qu’il a affrontée durant toute l’intrigue. D’autres questions cependant ont été soulevées antérieurement, mais, dans le cas d’un scénario, il est inutile d’en faire la démonstration par des scènes. Alors, le dialogue est suffisant pour clore ces questions.

Néanmoins, cette façon de faire a une finalité. En effet, le dialogue répond aux questions mais il laisse un goût doux-amer. Par exemple vaincre l’oppression est un moment intense d’un sentiment de libération mais le dialogue peut nous informer de la mort d’un sidekick.

A l’issue du climax, la récompense pour tous les efforts et les sacrifices consentis peut être patente mais elle a eu un coût. Un dialogue ou une scène dans laquelle le héros ou l’héroïne s’enquièrent de ce qu’est devenu un personnage et le visage de l’interlocuteur se ferme. On a notre réponse. La victoire du héros peut paraître totale et elle l’est certainement, mais quelque chose ombrage la transparence du succès.

Prendre des décisions, faire nos propres choix, c’est prendre en main notre destinée mais c’est aussi un comportement égoïste parce que agir dans notre propre intérêt, c’est oublier l’autre. Par exemple, dans un couple, l’un peut se consacrer à une activité en faveur de la communauté et remporter par son action la reconnaissance de cette communauté et ce sera sa victoire.

Mais, dans le même coup, il ne remarque pas la souffrance de l’autre et alors que sa victoire est consommée, l’autre se suicide. Cette information peut nous être donnée par le dialogue. Dans cet exemple de réussite sociale et d’échec personnel, on invite lecteurs et lectrices à sortir du récit avec un double sentiment. C’est la teneur du message qui ne cherche pas à édifier, seulement à inciter à la réflexion.

La rédemption

Un autre type de dénouement est que le protagoniste échoue à accomplir son objectif. Cela laisse un goût doux-amer mais si nous comprenons, qu’intérieurement, il est devenu autre, conforme à ce qu’il est vraiment, désespéré de ne jamais trouver sa véritable place dans le monde ou de donner un sens à son existence, alors même la mort du héros peut être une satisfaction.

Ce type de dénouement ajoute des valeurs, des idées comme l’amour, la justice… Ce seront ces valeurs qui imprégneront l’esprit du lecteur/spectateur au sortir du récit.

La mort du méchant de l’histoire peut aussi être valorisée si vous parvenez à dépasser la fonction d’antagonisme en humanisant ce personnage. Ainsi, vous ajoutez dans votre récit de la profondeur et de la résonance aussi par l’impression qu’il laisse dans son sillage.

Dans Heat de Michael Mann, la justice triomphe mais c’est au prix de la mort d’un individu qui a été si fortement humanisé qu’on hésite à choisir le personnage principal : McCauley ou Hanna ? Le protagoniste est le personnage qui fait avancer les choses, c’est par ses décisions, par ses actions, par les dilemmes qu’il résout de manière très subjective que l’intrigue se déploie, se crée au fur et à mesure.

Par contre, le personnage principal (qui est très souvent le protagoniste, d’ailleurs) n’est pas une fonction du récit. C’est l’humanité du personnage qui est mise en avant lorsqu’on désigne un personnage principal.

Émotions et sentiments imprègnent non seulement totalement le personnage principal mais émotions et sentiments suintent aussi de ce personnage fictif vers les lecteurs et les lectrices qui croient ainsi reconnaître des choses qu’ils ont plus ou moins éprouvées.
C’est une identification et McCauley a été si finement détaillé qu’on ne peut s’empêcher d’éprouver envers sa personne de la sympathie et de la compassion. D’ailleurs, cette analyse est renforcée par l’introduction d’un Love Interest : Eady.

C’est tout l’intérêt de distinguer la fonction du personnage. La fonction est un rôle : protagoniste, antagoniste, mentor, sidekick… les archétypes ne manquent pas. Cependant, derrière le rôle, il existe une personnalité.

Le triomphe de la justice est très valorisée. Le geste décisif de Vincent Hanna lors du climax est tout à fait légitime. Néanmoins, la mort de McCauley laisse un sentiment de gâchis, d’un gâchis de vie humaine parce que Michael Mann a su nous faire aimer ce personnage du méchant de l’histoire.

Une espérance

Le pardon ou l’espérance sont aussi des vertus mises en avant lors des dénouements. Dans Heat, Hanna saisit la main que lui tend McCauley, par exemple.

Dans Thelma et Louise de Callie Khouri et Ridley Scott, la mort est considérée comme une libération. Dans ce récit aussi, on peut s’interroger sur qui est le personnage principal. Un indice lors du climax nous révèle son identité : Thelma prend la décision. Thelma est le personnage qui devait apprendre le plus de son odyssée avec Louise. L’arc dramatique de Thelma mène à la pleine réalisation de sa personne. Cette femme soumise s’émancipe. Elle découvre ce qui couvait en elle, ce à quoi elle aspirait le plus : le pouvoir.

Cet ultime dialogue entre Thelma et Louise est empreint d’un optimisme puissant. Hal Slocombe a pour fonction celle de mentor envers Thelma et Louise. Mais il traduit aussi les émotions que nous ressentons. Car, tout comme nous, il ne souhaite pas ce dénouement pourtant inexorable puisque nécessaire.

La notion de sacrifice est aussi très présente lors des dénouements. Mais il ne sera pas inutile. Maximus meurt dans Gladiator et pourtant, son intention de restaurer la république est accomplie et intérieurement, il est à nouveau réuni avec sa famille. Certes, le héros ou l’héroïne peuvent ne réussir ni leur objectif, ni s’accomplir sur un plan personnel : c’est une tragédie.

Le climax se prolonge

Une technique narrative consiste à donner au lecteur/spectateur un premier climax où par exemple, le héros triomphe. A ce moment, toute la tension accumulée s’effondre. Et alors que nous pensons être dans le dénouement, et par habitude de plus de 2000 ans que l’on nous raconte toutes sortes de récits, on sait que ce dénouement est bref, cet apparent dénouement continue, ne semble pas vouloir conclure.

La durée instille en nous une nouvelle tension qui prépare un second climax. Considérons Alien, le huitième passager, par exemple. Alors que Ripley a fait exploser le Nostromo et se prépare pour son long voyage de retour, cette séquence n’en finit pas.

Le soulagement éclate et l’Alien attaque de nouveau. La durée a un effet sur nous car inconsciemment, cette durée suscite en nous le désir de voir apparaître la menace. Nous aurons donc un double climax avant le dénouement, c’est-à-dire la résolution définitive du récit.

Nous avons un effet similaire dans Terminator ou dans Speed. Cela fonctionne dans tous les genres. Il suffit simplement de créer un effet de surprise comme dans Hot Fuzz. La finalité de cette astuce narrative est de contrer les expectations du lecteur/spectateur qui s’attend incessamment à la fin de l’histoire.

Un événement se produit qui relance la donne. Cet événement n’a pas à être forcément quelque chose d’extérieur comme dans Hot Fuzz alors qu’on croyait le dénouement proche, un membre de l’association apparemment détruite apparaît de nulle part.

Un regard différent

Parfois, le renversement d’un état de conscience peut offrir une conclusion satisfaisante. Par exemple, Andy dans Toy Story, devenu grand, offre ses jouets à une petite fille du même âge que lui lorsqu’il les avait reçus.

Dernier jouet resté au fond de la boite : Woody. On sent la blessure de Andy qui ne parvient que difficilement à accepter de se séparer de Woody. Le thème principal dans Toy Story 3 est l’abandon. Cette conclusion (la réponse de Andy face à ce nécessaire passage à l’âge adulte) appuie sur ce concept d’attachement à des valeurs passées qui ne peuvent subsister lorsque le mouvement de la vie nous oblige à un autre regard (ici, le passage de l’enfance à l’adolescence, l’antichambre du jeune adulte qui doit encore construire ses propres valeurs).

Notons aussi le double retournement émotionnel qui concerne à la fois Woody et Andy : tous deux doivent accepter de laisser l’autre partir.

Vous noterez aussi que dans ce type de climax la durée est importante car contrairement à un effet de surprise qui se joue en quelques instants, lorsque l’émotion est au cœur de la scène, elle se manifeste à travers la tension dramatique. La durée entre dans la définition de la tension.

Tension et dénouement s’accompagnent aussi de révélations. La souffrance du personnage s’étale au grand jour comme dans Sixième Sens où tout est donné sans part d’ombre.

Pourtant, vous pourriez jouer avec vos lecteurs et lectrices en les forçant à s’interroger. L’ambiguïté du dénouement ouvre de multiples interprétations. Dans Inception, la dernière image de la toupie nous autorise à choisir la fin qui sied le mieux à notre tempérament, à notre propre regard sur le monde.

Néanmoins, le scénario tel qu’il fut écrit : Behind him, on the table, the spinning top is STILL SPINNING. [Derrière lui, sur la table, la toupie CONTINUE DE TOURNER.] n’est pas ambiguë. L’intention de Christopher Nolan transparaît dans l’écriture du scénario.

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