PERSONNAGE : LE GARDIEN DU SEUIL

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Le Gardien du Seuil ou Threshold Guardian ou encore Gate Guardian appartient à ce type de personnage identifié par Joseph Campbell dans son Monomyth aussi connu comme Hero’s Journey, c’est-à-dire la description du parcours du héros (ce pourrait être une héroïne) tout au long d’une aventure.

Le gardien du Seuil s’inscrit au cours d’une articulation structurelle importante : Crossing the First Threshold qui indique le moment où le héros pénètre véritablement dans l’intrigue, c’est-à-dire l’espace de l’acte Deux.

The Hero with a Thousand Faces

Au chapitre 4 de son Héros aux Mille Visages (The Crossing of the First Threshold), Campbell écrit ceci dès le premier paragraphe :

WITH the personifications of his destiny to guide and aid him, the hero goes forward in his adventure until he comes to the “threshold guardian” at the entrance to the zone of magnified power. Such custodians bound the world in the four directions—also up and down—standing for the limits of the hero’s present sphere, or life horizon. Beyond them is darkness, the unknown, and danger; just as beyond the parental watch is danger to the infant and beyond the protection of his society danger to the member of the tribe. The usual person is more than content, he is even proud, to remain within the indicated bounds, and popular belief gives him every reason to fear so much as the first step into the unexplored. Thus the sailors of the bold vessels of Columbus, breaking the horizon of the medieval mind—sailing, as they thought, into the boundless ocean of immortal being that surrounds the cosmos, like an endless mythological serpent biting its tail—had to be cozened and urged on like children, because of their fear of the fabled leviathans, mermaids, dragon kings, and other monsters of the deep.

Avec les personnifications de sa destinée pour le guider et l’aider, le héros poursuit son aventure jusqu’à ce qu’il rencontre le « gardien du seuil » à l’entrée d’un pays d’une grande puissance. Ces gardiens délimitent le monde dans les quatre directions – également vers le haut et vers le bas [référence au Kybalion, l’enseignement mystique de Hermès Trismégiste] – qui représentent les limites de la sphère actuelle du héros, ou de l’horizon de sa vie.

Au-delà, ce sont les ténèbres, l’inconnu et le danger, tout comme au-delà de la surveillance parentale, c’est le danger pour l’enfant et au-delà de la protection de la société [ou de sa communauté], le danger pour le membre de la tribu. L’homme ordinaire est plus que satisfait, il est même fier, de rester dans les limites indiquées, et la croyance populaire lui donne toutes les raisons de craindre ne serait-ce que le premier pas dans l’inexploré.
Ainsi, les marins des audacieux vaisseaux de Christophe Colomb, qui brisaient l’horizon de l’esprit médiéval – naviguant, pensaient-ils, dans l’océan sans limites de l’être immortel qui entoure le cosmos, comme un serpent mythologique sans fin se mordant la queue
[référence au mythe de l’Ouroboros] – devaient être dupés et encouragés comme des enfants, à cause de leur peur des légendaires léviathans, sirènes, rois dragons et autres monstres des profondeurs.

Ce que Campbell nous décrit dès ce premier paragraphe, ce sont les limites de la société, c’est-à-dire le monde dans lequel vit actuellement le héros. Il est à la frontière entre le monde connu et les contrées sauvages (peut-être une métaphore de la lutte incessante de la civilisation et d’une nature qu’elle ne peut domestiquer, oubliant qu’elle en faisait partie).

Bien sûr, des créatures sont tapies dans les ombres de ces contrées.

The folk mythologies populate with deceitful and dangerous presences every desert place outside the normal traffic of the village. For example, the Hottentots describe an ogre that has been occasionally encountered among the scrubs and dunes. Its eyes are set on its instep, so that to discover what is going on it has to get down on hands and knees, and hold up one foot.

Les mythologies populaires peuplent de présences malicieuses et dangereuses chaque lieu retiré du village [microcosme qui désigne le monde] en dehors de la circulation normale à l’intérieur des limites du village. Par exemple, les Hottentots décrivent un ogre qui a été rencontré occasionnellement parmi les broussailles et les dunes. Ses yeux sont fixés sur son cou-de-pied, de sorte que pour découvrir ce qu’il se passe, il doit se mettre à quatre pattes et lever un pied.

C’est une mise en garde contre les réels dangers du monde. Le rapport au monde (dit autrement le rapport à autrui) ne serait ainsi sauf que dans les limites domestiques. S’aventurer au-delà de ces limites est un risque considérable, comme transgresser la loi ou les normes du clan ou de la tribu.
On peut y voir une volonté de préservation de l’espèce ou bien notre propre aveuglement sur les réels monstres que nous choyons en nous, ce qui est pour le moins paradoxal et embarrassant.

The eye then looks behind; otherwise it is gazing continually at the sky. This monster is a hunter of men, whom it tears to shreds with cruel teeth as long as fingers. The creature is said to hunt in packs. Another Hottentot apparition, the Hai-uri, progresses by leaping over clumps of scrub instead of going around them. A dangerous onelegged, one-armed, one-sided figure—the half-man invisible if viewed from the off side, is encountered in many parts of the earth. In Central Africa it is declared that such a half-man says to the person who has encountered him: “Since you have met with me, let us fight together.” If thrown, he will plead: “Do not kill me. I will show you lots of medicines;” and then the lucky person becomes a proficient doctor. But if the half-man (called Chiruwi, “a mysterious thing”) wins, his victim dies.

L’œil regarde alors derrière lui ; sinon, il fixe continuellement le ciel [un regard tourné vers le passé ou les cieux : c’est une recherche incessante de sens]. Ce monstre est un chasseur d’hommes, qu’il déchire en lambeaux avec des dents cruelles longues comme ses griffes. On dit que la créature chasse en meute. Une autre apparition hottentote, le Hai-uri, progresse en sautant par-dessus les touffes de broussailles au lieu de les contourner.
Un dangereux personnage unijambiste, manchot et unilatéral – un demi-homme invisible si on l’observe du mauvais côté – est rencontré dans de nombreuses régions du monde. En Afrique centrale, on dit qu’un tel demi-homme dit à celui qui le rencontre : « Puisque tu m’as rencontré, battons-nous . » S’il est jeté à terre, il suppliera : « Ne me tue pas. Je te montrerai beaucoup de médicaments » ; et alors la personne chanceuse devient un médecin compétent. Mais si le demi-homme (appelé Chiruwi, « une chose mystérieuse ») gagne, sa victime meurt.

Le Gardien du Seuil interdit l’accès à la connaissance. Le vaincre, c’est se projeter dans l’avenir, de viser des fins. C’est se dépasser soi-même vers une élévation quelle qu’elle soit (le progrès, la spiritualité…), c’est une interrogation sur le sens de son existence, sortir d’un passé d’habitudes à la rencontre de merveilles dirait Campbell qui seront autant d’expériences nouvelles nous offrant de nouvelles perspectives.

Un lieu interdit

Tel est l’intrigue, l’aventure, l’acte Deux. Selon Syd Field, le passage dans l’intrigue se fait en deux mouvements : un incident déclencheur et un événement clef qui consiste en la prise en charge du problème par le héros. C’est la décision de s’engager dans l’aventure.

Le Gardien du Seuil pourrait être alors cette métaphore du choix qui s’offre au héros. A ce moment, il a encore la possibilité de refuser l’aventure. Après son engagement, après avoir vaincu le Gardien (qui pourrait d’ailleurs être lui-même), il n’y a plus de retour possible.

Minotaure, le monstre qui erre dans le labyrinthe inventé par Dédale, représente un Gardien du Seuil ou Gate Guardian pour Thésée qui doit le vaincre pour sauver son peuple, c’est-à-dire réaliser son objectif.

L’objectif est un accomplissement. Cet accomplissement ne va pas de soi. Des forces s’opposent à la volonté du héros. Ce Gardien du Seuil ou Gate Guardian ou Threshold Guardian force le héros à prouver sa valeur avant qu’il ne puisse continuer son chemin dans l’intrigue.

Il est d’abord un personnage (ou une entité quelconque comme une tracasserie administrative) qui tente de bloquer le passage du personnage principal, qui s’oppose frontalement à lui. Un twist intéressant que l’on rencontre assez souvent est que ce Gate Guardian, après avoir été vaincu, devient l’allié du personnage principal.

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