SCÉNARIO : LE CLASSIQUE TROIS ACTES

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Un scénario peut s’apprendre. Néanmoins, il y a tellement d’approches parfois contradictoires depuis Syd Field en 1982 qu’il n’est point étonnant d’être confus.

Pour Charles Deemer, cependant, le conflit apparent entre ces théories du scénario n’est vraiment qu’apparent. Ces théories ont beaucoup de choses en commun.

Un début, un milieu et une fin

Voici donc ce qu’on comprend depuis Aristote : Un tout, c’est ce qui a un commencement, un milieu et une fin. La tragédie est l’imitation d’une action qui est complète, entière et d’une certaine ampleur, car il peut y avoir un tout qui manque d’ampleur (Descartes employait étendue). Un tout est ce qui a un début, un milieu et une fin.

Ce qu’Aristote pensait de la tragédie (un certain type de pièce grecque), notre culture en est venue à le penser pour les histoires : elles ont un début, un milieu et une fin, et cette division en trois a naturellement évolué vers une structure en trois actes.

Cette théorie s’est ensuite consolidée en une formule pour une bonne narration, spécifiant ce qu’il doit se passer dans chacun des trois actes. C’est ce que nous appelons aujourd’hui le paradigme des trois actes, qui est en fait la base de tous les paradigmes sur le marché très encombré des théories de l’écriture de scénario.
Tout commence par une histoire qui a un début, un milieu et une fin.

En 1997, Michael B. Druxman écrivait : En effet, aucune histoire, qu’il s’agisse d’un roman, d’un scénario, d’une émission dramatique télévisée, d’une pièce de théâtre en un acte, d’une nouvelle ou autre, ne fonctionnera sans une structure en trois actes appropriée. C’est une donnée….Ignorez la structure en trois actes, et vous échouerez. Je vous le garantis.
C’est un jugement bien radical. Vous vous demandez peut-être comment une pièce de théâtre en un acte peut avoir une structure en trois actes ? Parce que le terme “acte”, dans le premier sens du terme, fait référence au baisser de rideau, et que l’acte, dans le second sens du terme, fait référence à la structure dramatique d’un récit.

La narration en trois actes est si puissante dans notre culture qu’elle s’étend à tous les genres narratifs. Ecoutez Stephen J. Cannell, l’un des producteurs de télévision les plus prospères de l’histoire : J’écris des histoires qui ont une structure en trois actes. Le premier acte doit définir le problème. Au début du deuxième acte, vous devez compliquer le problème. C’est généralement lorsque le passé rattrape le héros et rend le problème beaucoup plus compliqué et dangereux qu’il ne l’était à l’origine.
Puis, au cours du deuxième acte, votre protagoniste doit s’efforcer de résoudre ce nouveau problème, plus compliqué. Et, très important, votre antagoniste doit essayer d’empêcher la résolution du problème.

Les personnages, d’abord

Selon Aristote, l’action est le premier principe. Les personnages viennent après. Beaucoup d’interprétations (que l’on peut penser erronées) se sont fondées sur le primat de l’action. Certes, les blockbusters ont habituellement d’excellents retours sur investissement (encore faut-il trouver le budget).

Néanmoins, le marché européen et de très nombreuses productions indépendantes à travers le monde, ont offert d’autres alternatives avec des histoires plus tranquilles qui dépendent davantage de notre implication avec le ou les personnages qu’avec de grands déploiements d’effets visuels et sonores.

Et pourtant, même dans le film le plus coûteux et le plus gorgé d’effets spéciaux, c’est ce qu’il advient des personnages, et non des immeubles ou des voitures, qui nous tient en haleine.

Lorsque les personnages d’un film n’ont pas d’importance, ou lorsque l’objectif (un héros avec un but précis et un obstacle qui l’empêche de l’atteindre) est perdu de vue, nous perdons la trame de l’histoire à laquelle nous voulions nous accrocher.
Prenez un film comme Jumanji. Malgré tous ses merveilleux effets spéciaux, l’intérêt humain de l’histoire – et l’intérêt humain est quelque chose d’universel – est négligeable, et le résultat est que le film ressemble à une série de ruées d’animaux.

La question dramatique et critique que nous, cinéphiles, posons toujours est la suivante : Que se passe-t-il ensuite ? Dans Jumanji, on s’en fiche. Quand on a vu une de ces ruées, on les a toutes vues. Les bons films d’action – comme Les Aventuriers de l’Arche perdue, Star Wars, Jurassic Park, À la poursuite du diamant vert – ont des personnages qui nous intéressent.
Nous nous inquiétons de leur devenir (notez leur comme si j’avais écrit nous), nous nous impliquons personnellement dans leurs objectifs et leurs besoins, et parce que nous nous y intéressons, tous les obstacles qu’ils rencontrent, toutes les actions dans lesquelles ils sont impliqués, sont d’autant plus importants.

Il est vrai que l’on fait aujourd’hui beaucoup de films dans lesquels les personnages ont peu d’importance. Certains films font même de l’argent parce que nous aimons tous être divertis par des effets spéciaux éblouissants.
Mais les films qui restent, que l’on a envie de revoir, quel que soit le genre, sont des films qui nous touchent à un niveau personnel – et cela signifie que leurs histoires parlent de personnes qui nous intéressent (même si ces personnes sont fictives).

L’art de créer des personnages qui nous intéressent s’appelle la caractérisation. Mais ne croulons pas sous ce mot. La caractérisation est essentiellement un art de l’observation.

Héros et Héroïnes

Le protagoniste est quelqu’un qui joue le rôle du personnage principal, dans le théâtre grec antique. Ce qui signifie qu’il tient une fonction de personnage principal. Mais comme il semble difficile de s’investir chair et âme dans quelque chose d’aussi froid qu’une fonction.

Ce qu’il faut retenir, c’est la notion de personnage principal. Être un personnage principal, cela signifie donner un Je au récit. Et ce Je est d’une importance capitale pour l’implication des lecteurs et des lectrices car dans ce Je, ils peuvent y voir autre chose que l’autre apparent.

En tant que fonction, le protagoniste est dorénavant appelé à faire avancer l’histoire. En tant que personnage principal, il est un point de vue singulier sur cette histoire. En tant que héros ou héroïne, et selon la théorie narrative (et pratique) Dramatica, cet être fictif est à la fois protagoniste et personnage principal.

Après analyse, il s’avère que même les récits dans lesquels un héros ou une héroïne ne sont pas évidents à distinguer possèdent néanmoins un personnage central dont les préoccupations (c’est-à-dire les objectifs) sont le moteur de l’histoire.

Le héros est donc le personnage principal de votre histoire, et il doit vouloir quelque chose suite aux événements qui se produisent (et qui se produisent très rapidement) après le début de votre histoire. Le héros a un but.
Et il doit y avoir quelque chose qui empêche le héros d’atteindre son but – un obstacle. Le plus souvent, cet obstacle est un être de chair ou l’incarnation d’une entité comme la justice ou une croyance, appelée le méchant de l’histoire ou l’antagoniste.

Plus le film est facile à comprendre, plus l’antagoniste est clair – dans les grands films d’action hollywoodiens, par exemple, il s’agit généralement d’une question de gentil contre méchant. Et il n’y a jamais de doute sur qui est qui.
Mais dans les films plus subtils axés sur les personnages, le genre de films que les indépendants font si bien, l’antagoniste peut être plus “flou” et plus difficile à cerner. Il peut avoir un visage changeant, ou être un aspect “négatif” du protagoniste.

scénarioDans Citizen Ruth, par exemple, l’antagoniste est incarné par les deux positions sur la question de l’avortement – donc, dans un sens, le méchant ou l’antagoniste est politique ou le type de politique qui est aveuglé par ses propres causes. C’est presque une question métaphysicienne puisque les deux camps opposés sont tout à fait légitimes dans leurs prétentions. Ce sont leurs positions contradictoires et néanmoins justes sous leurs points de vue qui s’incarnent dans cette fonction de l’antagoniste.

scénarioDans Méprise Multiple, bien que le meilleur ami du héros s’oppose à son affection pour une lesbienne, c’est la propre immaturité du héros qui l’empêche de trouver le grand amour.

Le paradigme des trois actes

Le schéma est toujours le même : le héros a un objectif, mais l’antagoniste l’empêche de l’atteindre. C’est la base du conflit – et le conflit, à son tour, est la base du drame.
Dit autrement, la structure du scénario consiste à placer les conflits dans une configuration qui permettra de communiquer votre histoire dans son expression la plus puissante. Cet ordre a un début, un milieu et une fin – c’est pourquoi il est nommé le paradigme des 3 actes.

On peut reprendre les travaux de Syd Field pour définir ce modèle :

Acte Un
  • Exposition & Conflit
  • Accroche & Complication
    L’acte Un introduit le personnage principal et le problème (qui devient son problème) ou l’obstacle majeur ; Quels sont le désir et le besoin du personnage principal (le désir est l’objectif et le besoin est essentiellement un besoin de changement) et qu’est-ce qui le retient d’accomplir l’un et l’autre ?
  • Selon Syd Field, entre les pages 20 et 30 du scénario, quelque chose se produit dans l’histoire qui orientera le thème, renforcera la tension et rendra le problème ou l’obstacle plus difficile qu’il ne semblait l’être auparavant.
    C’est un premier nœud dramatique. Ce n’est pas l’incident déclencheur. Cela correspond au passage de l’acte Un dans l’acte Deux. Lors de ce nœud dramatique, le héros ou l’héroïne prennent enfin la décision de s’engager dans l’aventure. Ils décident de prendre à charge le problème qui peut être indirectement leur problème et ce désir est alors la condition de possibilité du changement auxquels ils aspirent.
  • Selon Joseph Campbell, l’acte Un décrit le mouvement qui mène d’un monde ordinaire, confortable par habitude, vers un monde extraordinaire car encore inconnu du héros ou de l’héroïne.
Acte Deux
    • Développement & Conflit
    • Encore plus de complications pour le personnage principal. L’intrigue s’épaissit.
    • Entre les pages 50 et 60 se situe le point médian du récit. Ce point médian peut s’étendre d’un paragraphe à plusieurs pages. En fait, il n’est pas vraiment physique. C’est davantage un concept. Ce moment est dénommé médian parce que de nouveau quelque chose se produira qui orientera l’histoire vers une nouvelle direction.
      La menace de l’échec est si présente qu’on dit souvent que ce point médian représente une crise majeure pour le personnage principal. Tout semble perdu pour lui ou elle. Renversements de situation ou revers de fortune sont le lot commun du point médian. D’ailleurs, l’objectif peut changer à ce moment car ce qui importe, en fin de compte, ce n’est pas qu’il réalise ou non l’objectif qu’il ou elle se sont fixés quelques pages auparavant mais bien qu’il ou elle réussisse ce pourquoi ils existent ici et maintenant dans ce récit : changer profondément ou gagner en certitude. Dit autrement, devenir cet autre auquel ils ont toujours aspirés sans jamais oser se le dire.
    • C’est à la fin de l’acte Deux que se produit un nouveau nœud dramatique (entre les pages 80 et 90 selon Field qui dépeint un scénario de 120 pages). A la suite du point médian, le protagoniste a élaboré une stratégie (gardons en mémoire que, par nature, un protagoniste est proactif, son action fait avancer l’histoire. Alors qu’il peut subir avant le point médian, après celui-ci, il agit et met en place une stratégie qui rencontrera toutes les forces vives de l’antagonisme).
      Ce n’est pas encore le climax, l’ultime confrontation. Encore une fois, prenez de la distance avec les mots : antagonisme, confrontation… des termes à connotation belliqueuse mais le fait en est souvent loin. Lorsqu’on a un rendez-vous et que l’on ne trouve pas ses clefs de voiture, nous avons un obstacle, bénin certes, mais qui entrave sérieusement la réussite de l’objectif.
Acte Trois
    • Climax & Résolution
      Le climax est la réponse que donnent les auteurs et autrices sur ce qu’ils ont à dire, sur les raisons qui les ont incitées à écrire cette histoire. Tous les messages sont alors possibles.

L’indication des pages donnée par Syd Field semble arbitraire. Ne la considérez que comme une indication pour vous situer un peu les choses.

Nous verrons des exemples de ce paradigme des trois actes dès les prochains articles.

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One thought on “SCÉNARIO : LE CLASSIQUE TROIS ACTES

  1. Bonjour, évidemment 3 actes, le début, le milieu et la fin mais il s’agit de savoir aussi structurer chacun de 3 actes pour faire tenir et consolider toute la structure et disons même, l’enrichir.

    Par exemple, ne jamais négliger le point central ou plus modestement écrire 2 films (avec structure respective) dont il viendra établir le lien.

    Ne pas hésiter à comparer avec une partition musicale et notamment un concerto et ses 3 mouvements.

    Excellent article donc car toujours opportun et pertinent (pour le réflexe formateur de creuser et développer selon soi et sa propre créativité).

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