LES QUESTIONS DRAMATIQUES

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Le pouvoir dramatique excite notre besoin de trouver des réponses. La meilleure façon de l’évoquer chez le lecteur comme chez la lectrice est d’accroître l’intérêt, en les laissant s’interroger sur l’histoire. Une question exige une réponse. Par conséquent, lorsque l’esprit se charge émotionnellement quand il est dans l’attente de réponses, l’incitation à soulager l’angoisse le pousse à continuer à lire.

Chaque nœud de l’intrigue crée une curiosité qui pousse lecteurs et lectrices à se demander ce qu’il va se passer ensuite. Auteurs et autrices peuvent y parvenir en retenant des bribes d’informations, en ne disant pas tout au lecteur d’un seul coup, en laissant présager la suite (comme autant de chausse-trappes) ou en faisant des allusions à un possible résultat (parmi plusieurs issues possibles dont rien n’indique qu’aucune n’ait de préférence).

Lecteurs et lectrices sont invités à une participation plus active à l’intrigue qui consiste à remplir eux-mêmes les manques sciemment mis en place par la situation dramatique, en faisant des suppositions et des hypothèses. Lorsque le lecteur est actif, il est impliqué, et donc intéressé.

Des questions dramatiques

Une intrigue bien construite suscitera des questions dramatiques chez le lecteur qui suivra chaque événement jusqu’à sa conclusion pour obtenir des réponses et satisfaire sa curiosité. Chaque acte d’une histoire a sa propre question à laquelle répondre. Dans chaque acte, chaque séquence pose une autre question, de même que chaque scène de chaque séquence, et chaque moment ou action dans chaque scène.

Vous créez essentiellement une série de questions pour le lecteur, qui développe un besoin croissant de connaître les réponses à chaque question. Ces réponses procurent un sentiment de satisfaction lorsqu’elles sont révélées à chaque étape de l’intrigue.

Bien que le scénariste doive poser des questions et y répondre tout au long de son scénario, selon Karl Iglesias, l’endroit idéal pour le faire est la séquence d’ouverture. En effet, la curiosité est presque naturelle dès vos premiers mots. Ouvrez avec une image saisissante, comme cette fumée d’incendie dans La fièvre au Corps de Lawrence Kasdan, ou cette photographie granuleuse dans Chinatown, et des questions dramatiques immédiates se posent : Qu’est-ce que c’est ? où sommes-nous ? où allons-nous ? qu’est-ce que cela signifie ? Des questions existentielles, en somme.

Introduisez un personnage, et nous voulons savoir qui il est, et s’il nous intéresse. Vous pouvez aussi commencer au milieu d’une scène (in media res), avec un dialogue, comme dans le début de Blood Simple (Sang pour Sang des frères Cohen), et vous créez une intrigue, car le lecteur se demande ce qu’il se passe.

Dès la première page, vous faites progresser le lecteur dans l’histoire en suscitant une série de questions. La clé, cependant, est de ne pas en poser trop à la fois, ou de les garder sans réponse pendant trop longtemps, car cela pourrait se retourner contre vous et produire de la confusion et de l’irritation chez le lecteur, prévient Karl Iglesias.

Toute histoire repose sur une question dramatique centrale à laquelle il faut répondre tout au long du scénario. En fait, ce qui rend une intrigue dramatique, c’est le type de questions qu’elle soulève et par lesquelles lecteurs et lectrices suivront l’histoire jusqu’au bout pour y trouver des réponses. Par exemple, dans le classique La Mort aux Trousses de Ernest Lehman, Roger Thornhill, un publicitaire, est pris pour un espion du nom de George Kaplan, et doit alors fuir pour sauver sa vie en essayant d’identifier le vrai Kaplan.
La question dramatique centrale, alors, est Thornhill survivra-t-il après avoir été pris pour un espion ?. La réponse à cette question n’apparaît qu’à la dernière page du scénario.

Chaque acte pose une question dramatique

Chaque acte répond à une question dramatique différente. Dans La Mort aux Trousses, le premier acte pose la question : Thornhill prouvera-t-il qu’il n’est pas Kaplan ?. L’acte se termine dans le bâtiment des Nations Unies où il est accusé du meurtre du diplomate.
Cela nous propulse dans le deuxième acte, qui pose la question : Thornhill va-t-il se disculper ?. La question du premier acte reste sans réponse, bien que nous ayons droit à une scène d’exposition où nous apprenons que Kaplan est un personnage fictif destiné à détourner l’attention d’un véritable espion sous couverture.

Le deuxième acte se termine lorsque Thornhill, trahi par Eve, la confronte à la vente aux enchères et se laisse capturer par la police afin d’échapper aux méchants de l’histoire. Cela nous amène au troisième acte où le Professeur révèle la vérité sur Kaplan et Eve.

La réponse à la question du deuxième acte est donnée et dans le même coup en pose une autre pour le troisième acte : Est-ce que Thornhill pourra-t-il sauver Eve ?, qui reste sans réponse jusqu’au climax au sommet du Mont Rushmore.

Que chaque acte pose sa propre problématique est une bonne chose pour l’engagement des lecteurs et lectrices, mais ce n’est pas suffisant. L’ennui peut s’insinuer dans n’importe quel acte, surtout le deuxième, qui est toujours un défi pour les auteurs. Donc vous devez penser aux séquences dans chaque acte.

Ernest Lehman a maintenu l’intérêt tout au long du deuxième acte, qui commence après que Thornhill soit en fuite, recherché par la police pour meurtre. La première séquence de scènes est celle du train, qui pose la question : Thornhill va-t-il échapper à la police et arriver à Chicago ?.

La deuxième séquence est celle de la trahison de Eve, qui pose la question : Comment Thornhill va-t-il être tué ? La scène célèbre de l’avion répond à cette question.

La troisième et dernière séquence du deuxième acte est celle de la riposte de Thornhill, lorsqu’il affronte Eve et Vandamm à la vente aux enchères. La question de cette séquence est : obtiendra-t-il la vérité sur Eve ?

Le fait d’avoir une question différente pour chaque séquence augmente déjà l’intérêt du lecteur toutes les dix pages environ, mais vous pouvez aller encore plus loin et vous concentrer sur des scènes individuelles.

La scène dramatique

Examinons les différentes scènes qui composent la séquence du train. La première scène se déroule à la gare – Thornhill montera-t-il dans le train ?

Ensuite, dans le train, il doit échapper à la police – va-t-il leur échapper ?

Il rencontre Eve, qui l’aide à se cacher – Eve le dénoncera-t-elle ?

Un peu plus tard, le steward le fait asseoir à la table de Eve – pourquoi ? Eve et Thornhill sont clairement attirés l’un par l’autre, et Thornhill se prête volontiers au jeu de séduction de Eve – vont-ils coucher ensemble ?

Le train s’arrête pour laisser entrer les détectives qui recherchent Thornhill – sera-t-il découvert ? Eve le cache dans le lit superposé pendant que les détectives l’interrogent : va-t-elle mentir pour Thornhill ?

Eve et ThornHill reprennent leur jeu de séduction, et pendant que Thornhill est dans la salle de bain, Eve donne un mot au portier – qu’y a-t-il dans ce mot ? Nous découvrons que Eve travaille pour Vandamm lorsque le mot est révélé qui dit : Que voulez-vous que je fasse de lui demain matin ?

Cela pose la question évidente : qu’arrivera-t-il à Thornhill demain matin ? qui nous accroche déjà à la séquence suivante.

Chaque scène est à son tour composée de moments. Une scène est comme une petite histoire composée de moments ou d’actions individuels, qui sont la plus petite unité de sens, difficile d’analyser davantage. Un moment ou une action change généralement lorsqu’il y a un glissement émotionnel chez un personnage ou lorsque la scène elle-même joue fortement avec l’émotion ou bien encore dans l’adoption d’une nouvelle stratégie pour obtenir ce que veut le personnage dans la scène.

Un temps (en langue anglaise, beat) est lié à une scène de la même manière qu’une scène est liée à une intrigue. Ainsi, poser une question pour chaque temps d’une scène éveillera la curiosité du lecteur dans la durée de la scène.

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