ENJEU ÉMOTIONNEL

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Tension dramatique et ressenti émotionnel fonctionnent ensemble. Tout au long de l’histoire, lecteur et lectrice traversent de nombreuses émotions. Lire n’est pas un acte passif. Plus la tension est forte, plus le lecteur s’impatiente de ce qu’il se passera ensuite et plus il est happé par la tension dramatique, plus il ressent intensément toutes les émotions de l’histoire.

La tension que ressent le lecteur dépend en partie de son état émotionnel, de son imagination, de sa capacité à lire, rappelle Orson Scott Card. Mais la force de la tension de l’histoire dépend aussi des choix que vous faites en tant qu’auteur ou autrice.

Cependant, il y a plusieurs choses que vous pouvez faire avec les personnages pour augmenter l’intérêt émotionnel des lecteurs dans l’histoire, les rendre plus émotionnellement impliqués dans ce qu’il se passe, les faire se soucier davantage du résultat des actions accomplies et des décisions prises par les personnages.

La souffrance

La souffrance est une épée à deux tranchants, souligne Orson Scott Card. Le personnage qui souffre et le personnage qui inflige la souffrance sont à la fois plus mémorables et plus importants parmi toute la caste de vos personnages.

La douleur peut être physique ou émotionnelle. Un grand chagrin et une grande agonie physique (grand est à comprendre comme quelque chose qui submerge), bien présentés dans le conte, peuvent grandement accroître l’implication émotionnelle du lecteur. Rappelez-vous, suggère Orson Scott Card, que vous n’utilisez pas le deuil par exemple pour que le lecteur fasse lui-même un deuil pas plus que vous utilisez la douleur physique pour blesser physiquement lecteurs et lectrices.
Les lecteurs ne ressentent pas nécessairement ce que les personnages ressentent – ils ne participent pas à l’agonie de la défaite du méchant de l’histoire, au contraire, ils peuvent même s’en réjouir. Mais l’intensité des passions et des émotions des personnages, tant que celles-ci demeurent crédibles et supportables (si vous n’autorisez pas votre lecteur ou votre lectrice à souffler un peu en relâchant la pression dramatique, vous risquez de les faire décrocher), intensifiera dans le même coup les passions et émotions du lecteur, quelles qu’elles soient.

Orson Scott Card rappelle que la souffrance physique est un concept habituellement difficilement supportable. Il faut donc être prudent dans son emploi. Mais elle peut être aussi un outil dramatique pour amener plus rapidement le lecteur à ressentir une sympathie envers un personnage qui n’est pas encore suffisamment développé mais envers lequel une compassion doit être levée assez rapidement ou bien parce que les actes de ce personnage peuvent être suspectés d’une certaine amoralité et qu’il est encore difficile pour le lecteur de distinguer entre le bien et le mal le concernant.

Par contre, la souffrance morale est plus insidieuse et lorsque la souffrance physique s’accompagne d’une douleur morale, lorsque l’âme et le corps souffrent à l’unisson, l’implication émotionnelle des lecteurs et lectrices dans l’histoire est plus intense.

Alors que la souffrance physique est immédiatement perceptible, une tension émotionnelle se prépare. Par exemple, dans The Dead Zone, King consacra plusieurs pages à créer une relation amoureuse chaleureuse et précieuse entre le personnage principal et la femme qu’il aime.
C’est à un moment crucial de leur relation qu’il a son terrible accident. Lorsqu’il sort du coma, quand il découvre qu’elle a épousé quelqu’un d’autre pendant son coma, les lecteurs savent combien il l’aimait, et ainsi la douleur de la perte l’emporte sur la douleur physique de son corps meurtri.

Point trop n’en faut

Orson Scott Card souligne cependant que l’intensité émotionnelle perd en puissance lorsqu’elle se répète. La répétition est un outil dramatique de l’effet comique. De même, la première fois que vous mentionnez la peine d’un personnage, cela augmente sa stature et rend le lecteur plus impliqué émotionnellement.

Mais si vous ressassez la souffrance du personnage, le lecteur se dira que ce personnage ne cesse de se plaindre et son implication émotionnelle se résorbera. Lorsque la douleur ou le chagrin deviennent insupportables dans la vie réelle, les êtres humains développent souvent des fictions pour y faire face, sorte d’aliénation mentale où la raison n’a pas de prise.

Lorsque la douleur ou le chagrin deviennent insupportables dans la fiction, les lecteurs se désengagent simplement et abandonnent l’histoire ou en rient.

Le sacrifice

La douleur ou le chagrin augmentent également l’intensité du lecteur en proportion de la liberté de choix du personnage. Lorsque le personnage doit prendre une décision qui s’apparente à un sacrifice quel qu’il soit, l’impact émotionnel est plus grand.

La souffrance spontanée pour un bien plus grand, c’est-à-dire le sacrifice, est beaucoup plus intense que la douleur seule, suggère Orson Scott Card.
Quand un personnage inflige volontairement de la douleur à un autre, le tortionnaire devient aussi important, dans notre peur et notre dégoût (deux des six émotions primaires et universelles selon Charles Darwin), que notre empathie envers la victime.

C’est le revers de la médaille du sacrifice. Si un personnage blesse accidentellement un enfant, cela aura un effet puissant sur le lecteur. Mais si un personnage choisit délibérément de faire souffrir quelqu’un d’autre, l’effet est encore plus fort.

Le lecteur peut détester le personnage, mais l’intensité du sentiment est beaucoup plus forte que lorsque le personnage a causé de la douleur sans le vouloir. Ce n’est pas un hasard si le personnage le plus mémorable dans beaucoup d’histoires est le méchant sadique ; le héros semble souvent fade par comparaison. Ici, Orson Scott Card semble penser que le concept sacrificiel est une caractéristique inhérente à tous les personnages.

Le péril

Le danger consiste en une souffrance ou une perte anticipée. Une telle anticipation est souvent plus puissante que la peine elle-même. Quand un personnage est menacé par quelque chose de mauvais, le lecteur concentre malgré lui son attention sur ce personnage. Plus le personnage est impuissant et plus le danger est terrible, plus le lecteur attachera d’importance à la situation du personnage.

enjeu émotionnelC’est pourquoi les enfants en danger sont des personnages si puissants ; si puissants, en fait, que certains films deviennent insupportables à regarder. Poltergeist fut particulièrement habile à manipuler cette émotion, constate Orson Scott Card.

Considérez le péril comme une équation à trois variables : le danger magnifie le harceleur, le sauveur et la proie, tout comme la souffrance et le sacrifice amplifient celui ou celle qui souffrent et le tourmenteur.

La souffrance et le danger vont de pair. Dans Misery de Stephen King, le héros souffre déjà beaucoup d’un accident de voiture, mais il est en danger de souffrir encore plus de la femme qui le tient au secret et l’écrase de drogues dans sa lointaine maison dans la montagne.

enjeu émotionnelLe danger d’une peine plus grande est constant, car les médicaments inhibent littéralement les défenses de Paul Sheldon. Puis vient ensuite le moment terrible où elle le mutile. Cela rend le péril d’autant plus horrible, de savoir qu’elle entend absolument mettre à exécution ses menaces.

Il est important de se rappeler que le danger ne fonctionne que pour augmenter la tension du lecteur si celui-ci croit que l’événement redouté pourrait réellement se produire. Au lieu d’essayer de trouver des menaces de plus en plus horribles, auteurs et autrices utilisent des menaces mineures, puis les concrétisent.

Lorsque le méchant écrase sa cigarette sur la paume de l’héroïne, lecteurs et lectrices ont un sursaut de dégoût ou de répulsion mais un seuil a été franchi. Le méchant a prouvé qu’il pouvait non seulement causer de la douleur, mais qu’il le ferait. Sa prochaine menace apparaît alors crédible, et parce que le lecteur croit en la menace, le péril est alors un outil dramatique puissant pour créer de la tension.

La tension sexuelle

Selon Orson Scott Card, la tension sexuelle s’apparente à une menace. La tension sexuelle est si vitale à tant d’histoires que le terme romance est maintenant généralement utilisé pour se référer à des récits dont l’un des thèmes majeurs est la sexualité, selon Card.

La sexualité traverse toutes les frontières culturelles. Lorsqu’un homme et une femme se rencontrent dans une histoire, nous présumons au moins une certaine possibilité sexuelle à défaut de relation amoureuse comme si l’attirance physique du corps de l’autre était inversement proportionnelle à l’amour que l’on peut ressentir envers cet autre.

Il existe certainement une tendance à classer le sexe vers les sentiments négatifs comme la rivalité, le mépris ou la colère. Si ces éléments négatifs sont utilisés intensément au cours du récit, ils s’accompagnent inévitablement de tension sexuelle. Un point important que permet la fiction et que de trop nombreuses annonces publicitaires oublient (sciemment dans le but de manipuler les émotions) est que le critère physique n’intervient pas dans l’attirance physique.

La tension se dissipe lorsque les personnages se réunissent en une harmonie sexuelle, constate Orson Scott Card. Ce n’est pas comme la violence, qui établit la crédibilité du méchant et rend la prochaine ronde de danger encore plus puissante.
Au lieu de cela, l’accomplissement sexuel a le même effet sur la tension sexuelle que la mort de la victime a sur le péril.

Signes et présages

Une autre façon d’augmenter l’enjeu émotionnel chez les lecteurs est de connecter un personnage avec le monde qui l’entoure de sorte que sa destinée soit plus importante que la perte ou gain immédiat qu’il puisse tirer de sa situation actuelle.

Le moment culminant du roi Lear est lié à une tempête, et bien que nous prenions sa tentative de commander le vent comme un signe de folie, le fait est que le vent souffle, la tempête fait rage, et nous recevons le message subliminal que ce qui arrive à Lear a des implications cosmiques, analyse Orson Scott Card. La trahison par ses filles de leurs serments envers lui, leur parricide comploté, est plus qu’une tragédie personnelle – c’est un désordre dans le monde, qui doit être résolu avant que l’univers puisse à nouveau être en paix.

Dans la tragédie et la romance, le lien entre un personnage et le monde autour de lui peut être accessible et visuel. L’arche de l’alliance dans Les Aventuriers de l’Arche Perdue est plus qu’une arme secrète – son ouverture représente le déchaînement de la puissance de Dieu.

Lorsque le méchant de l’histoire l’ouvre, le conteur s’assure que nous comprenons que ce n’est pas un simple piège qui le tue. L’arche n’est pas ouverte jusqu’à ce qu’elle soit amenée dans un lieu saint, et quand le couvercle est soulevé, nous voyons des esprits tourbillonner, des vents et des feux terribles, culminant finalement dans un tourbillon qui perturbe les cieux mêmes.
Souvent d’ailleurs les éléments naturels se déchaînent à l’unisson des émotions qui animent les personnages impliquant davantage l’enjeu émotionnel du lecteur et de la lectrice.

Vous ne pouvez pas contrôler tout ce que le lecteur ressent, et deux lecteurs ne seront jamais émotionnellement impliqués dans votre histoire exactement au même degré. Pourtant, il y a certaines choses que vous pouvez contrôler, et si vous les utilisez habilement, en préparant l’effet que vous cherchez à obtenir, vous pouvez conduire la plupart de vos lecteurs à une implication émotionnelle intense avec vos personnages.

Lecteurs et lectrices n’aimeront pas nécessairement les personnages, mais ils ne seront certainement pas indifférents à eux.

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