PERSONNAGE OU INTRIGUE (ACTION)

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Devrais-je développer un personnage d’abord et puis une histoire, ou devrais-je développer une histoire d’abord et ensuite créer un personnage?

L’intrigue est-elle plus importante que le personnage ou le personnage est-il plus important que l’intrigue ?

Ce sont des questions que beaucoup d’auteurs débutants se posent quand ils commencent leur scénario, constate Rachel Ballon. Cependant, il n’y a pas vraiment de réponse parce que vous ne développez ni l’un ni l’autre en premier.

L’histoire et le personnage sont indissociables. Ils sont en synergie et chacun émane de l’autre. Pourquoi ?
Chacun dépend de l’autre parce que le personnage est l’action et l’action est le personnage. Ils sont un et le même (Plot dans la langue anglaise signifie intrigue. Néanmoins, les auteurs anglo-saxons confondent intentionnellement action et intrigue) .

Tentons d’expliquer ce que cela signifie (il me semble d’ailleurs que Syd Field ait été le premier à formuler cette hypothèse). Imaginons que vous ayez en tête une personne, peu importe que vous l’appréciiez ou non, peu importe qu’elle vous terrorise ou non.

Si vous décidiez d’écrire sur cette personne, vous aurez certes un personnage. Mais qu’en sera t-il de l’intrigue ? Ce sera alors votre travail de prendre le personnage et de le mettre dans une histoire passionnante. En apprenant à connaître votre personnage, vous commencerez à créer l’environnement approprié, des problèmes et des conflits pour lui. Votre histoire se développera alors que votre personnage s’élabore.

Vous établirez votre intrigue en fonction des choix de votre personnage, de ses décisions, de ses actions et de ses réactions. En d’autres termes, la personne que votre personnage est et ce qu’il ou elle fait détermine la structure de l’intrigue de votre scénario. Notez que Rachel Ballon emploie le mot structure pour l’intrigue mais ne va pas jusqu’à dire que le personnage est lui-même une structure.

Le personnage au cœur de l’intrigue

Dans la langue anglaise, ce type d’organisation du récit est nommé Character Driven. Plutôt que de tenter une traduction qui pourrait s’avérer prétentieuse, je préfère conserver cette expression comme je l’ai fait pour la théorie narrative Dramatica et essayez une définition.

Les histoires axées sur les personnages (Character Driven) s’exprime davantage sur le développement des personnages que sur l’action. Les histoires animées par des personnages se retrouvent souvent dans la fiction. Une bonne intrigue est souvent fondée sur un ou deux personnages étoffés plutôt que sur une intrigue qui donnerait le primat aux événements.

Une intrigue conduite par un personnage est un type d’histoire (le terme type sert à distinguer du genre) qui est animée par l’émotion par opposition à une intrigue qui décrit essentiellement l’objectif que s’est donné un personnage ou même plusieurs d’ailleurs (le méchant de l’histoire a souvent aussi son propre but que le héros entrave ou bien qu’il tente de stopper).

On peut vouloir aussi séparer les termes d’intrigue et d’action comme on entend bien souvent l’expression : un film d’action par exemple. Des récits qui s’inspirent de la vie réelle sont souvent Character Driven. Si vous écrivez au sujet de votre propre histoire, il vous sera peut-être plus facile d’intuitionner votre personnage sur des critères et un vécu personnel, des expériences personnelles (vous pourriez aussi appréhender des expériences que vous ne connaissez pas en faisant les recherches nécessaires et en interrogeant intelligemment ou intuitivement les personnes qui les ont vécues).

Les films animés par des personnages sont ceux où l’accent est mis sur le personnage plutôt que sur l’action. Tootsie ou Rocky en sont des exemples. Dans les deux cas, chaque scénario se constitue du personnage principal (c’est-à-dire que le récit devient un tout autonome par le personnage) . Chaque récit illustre également comment le personnage principal détermine l’action. Un personnage fragile, léger et éduqué ne peut tenir le rôle de Rocky.

Vous ne créeriez pas non plus un personnage trapu et musclé pour jouer le rôle de Tootsie, qui se fait passer pour une femme afin d’obtenir un rôle principal en tant que femme dans une série télévisée. Pour qu’un récit fonctionne, c’est-à-dire pour que le personnage soit crédible dans le monde inventé dans lequel il est jeté ou bien pour qu’il soit apte à réaliser certaines actions, Rachel Ballon insiste pour que le personnage soit conçu pour ce monde ou bien pour les actions qu’il fera dans ce monde.

Qui est votre personnage, ce qu’il pense, ressent et croit déterminera comment il ou elle se comportera. Les actions de votre personnage doivent être cohérentes avec sa personnalité. Vous devriez avoir, conseille Rachel Ballon, un personnage réaliste et crédible à travers sa motivation (ce qui l’incite à agir, à prendre des décisions), ses désirs et ses pulsions qui influencent aussi ses choix, ainsi que son but extérieur (extérieur parce que son action consiste à modifier le monde et dans le même coup, le monde justifie l’évolution de ce personnage en un autre être qui est soit radicalement différent, soit qui s’est renforcé dans ses convictions un peu comme la chrysalide devenue papillon et que celui-ci ne nie pas qu’il fut chrysalide.

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4 thoughts on “PERSONNAGE OU INTRIGUE (ACTION)

  1. Merci pour cette article ! Étant moi-même un débutant, je voulais faire une BD sur la Fantasy en voulant me concentrer sur le personnage que j’ai créé, plutôt que sur l’intrigue.

    Puis je me suis rendu compte qu’en même temps que le personnage évoluait dans l’histoire, l’intrigue aussi. Quand vous dites :”Vous établirez votre intrigue en fonction des choix de votre personnage, de ses décisions, de ses actions et de ses réactions.” je me suis tout de suite retrouver dans ça, parce que c’est exactement ce qui met arrivé.

    Mais plus j’avancé dans l’histoire, plus il y avait de nouvelles idées qui me venaient, et je me disais qu’il y avait certaines choses qui aurait pu être dites plus tôt que plus tard, me forçant a réorganiser et à réécrire l’histoire pour avoir une meilleure logique et cohérence. Je recommençais tout, mais avec les nouvelles idées, ça donnait de la matière à mon univers et à l’histoire, ainsi qu’aux scènes et aux personnages.

    J’ai une question d’ailleurs : je me suis mis dans l’idée de me laisser emporter par les événements qui arrivent à mon personnage principal, c’es-à-dire que je découvre l’univers en même temps que lui, ainsi que sa personnalité, etc. Est-ce que c’est une bonne façon de faire, ou faut-il vraiment que je connaisse mon personnage pour ensuite lui mettre des bâtons dans les roues ?

    Bonne continuation et merci pour cet incroyable site/blog !

    1. Merci à Vous, Galactus888. Votre enthousiasme fait plaisir à lire. Je pense que vous avez intuitivement la bonne méthode. Si je peux me permettre un conseil, écrivez tout de même un paragraphe sur chacun de vos personnages. C’est-à-dire lorsque vous sentez le besoin de sauter une ligne, c’est que probablement, vous devenez trop arbitraire avec votre personnage. Laissez effectivement votre personnage s’autodéterminer selon les situations dans lesquelles vous le jetez.
      Le paragraphe précité vous servira de guide pour ne pas trop digresser.

      Néanmoins ce que vous devriez savoir d’un personnage, c’est là où vous voulez l’emmener. S’il s’agit du personnage principal, il doit apprendre de son aventure. Dit autrement, ce personnage a un problème personnel, intime. Il y a en lui un conflit. Il a connu un trauma qui règle son comportement actuel. Son passé justifie probablement ce qu’il est aujourd’hui. Ce qu’il est est cependant un mensonge (qu’il se fait à lui-même en en ayant conscience ou pas).
      Cela explique la nécessité du changement chez le personnage principal. Certes, il n’est pas le seul concerné. Du point de vue des fonctions, l’antagoniste, par exemple, dont l’action, les opinions ou les préjugés, le point de vue particulier sur le monde doivent être tout à fait justifiés et légitimes. D’ailleurs, on ne se complaît pas dans l’erreur, c’est une question de croyances, de foi, d’évidences apparentes que l’on se donne subjectivement donc tout à fait conforme à ce que croit être un personnage, à sa vérité en quelque sorte même si celle-ci reste encore à découvrir. Ce qui distingue l’antagoniste du personnage principal, c’est que cette force antagoniste ne change pas. Puis s’il n’est pas incarné, un tsunami, par exemple, peut-il être autrement que destructeur ?

      Faites une liste de chacun des personnages qui apparaîssent dans les différents événements que vous avez certainement planifiés. Eux aussi, décrivez-les d’un seul paragraphe. Cette économie volontaire de mots est un moyen pour ne pas vous poser de limites alors que le processus d’écriture proprement dit n’a pas encore commencé. Ce recensement avec un portrait succinct mais révélateur de chacun des personnages pourraient vous permettre aussi de vous interroger sur la pertinence de vos personnages pour cette histoire singulière.
      En outre, la Fantasy est un genre qui apprécie la série. Il est possible qu’un personnage évolue au fil des épisodes (ou des tomes). Vouloir bien le connaître serait une curiosité maladroite.
      Merci encore pour votre intérêt en Scenar Mag et accrochez-vous à votre écriture.

      1. Bonjour William

        Pour votre premier paragraphe, merci de me confirmer j’avais sans doute la bonne méthode. En fait, toujours pour la même histoire de ma BD Fantasy, j’ai essayé de faire en sorte que ce soit l’intrigue qui mène l’histoire. J’ai vite compris que je n’aimais pas cette méthode. Je la trouve “froide”, beaucoup trop mécanique, ce qui me donne une impression artificielle du scénario et que si j’enlevais la moindre pièce, tout s’écroulerait. Comme un robot qu’on construirait de A à Z, et qu’avec la moindre pièce manquante du robot ne le ferait pas fonctionnait.
        Pourtant, je suis tout à fait conscient que le scénario est un assemblage d’événement, de temps fort, etc. qui créé le Tout, mais je préfère que le processus d’écriture soit plus “vivant”, donc que je découvre en même temps, pour ensuite remettre tout en ordre. En tout cas, je vais essayer d’appliquer ce que vous m’avez dit.

        Pour le 2ième, oui, je savais déjà tout ça, le fait qu’il faut que le personnage change et doit changer à cause de sa situation actuel, passé ou les 2 à la fois. Le plus dur c’est l’antagoniste, effectivement. Surtout dans la Fantasy où j’ai l’impression qu’on a plus de mal à donner une raison valable à l’antagoniste que si c’était un autre genre, et de ne pas tomber dans le cliché du méchant incroyablement méchant qui veut détruire le monde sans raison apparente. Après dans mon cas, j’essaye de faire en sorte que ma Fantasy reste assez terre-à-terre dans son traitement. Mais même en ayant cette chose en tête, j’ai quand même un peu de mal à justifier et à légitimer pourquoi est-ce que l’antagoniste agit comme ça. Par contre, ce que vous dites, que l’antagoniste ne change pas, ça je ne le savait pas… Après je suppose que ce qui n’est pas incarné, forcément, rien ne peut le changer. Mais quand l’antagoniste est incarné, et qu’il change, est-ce que ce serait toujours aussi intéressant ?

        Pour le dernier paragraphe, merci pour votre conseil. Je pense que c’est ce qui me manquait, même si je pense qu’il me manque encore beaucoup de choses. Mais en tout cas, j’essaye de donner le meilleur de moi-même dans chaque moment de l’histoire pour qu’elle soit la plus vivante possible.

        Merci de vos encouragement ! À vous de même d’ailleurs.

        1. L’antagonisme est une fonction, un concept. Après, il s’agit d’illustrer, de donner un exemple. En faire un méchant de l’histoire ne signifie pas qu’il soit véritablement méchant. Il ne se cache pas un Arès dans l’âme de tout antagoniste. La force antagoniste est une problématique d’opposition. Parfois, elle est même un reflet du héros représentant une face sombre. A propos de héros ou d’héroïne, le triomple qu’ils peuvent mériter s’explique en effet parce que eux ont su changer alors que l’antagoniste en a été incapable. Peut-être pourriez-vous lire notre article SCÉNARIO MODÈLE : QUAND HARRY RENCONTRE SALLY.
          C’est un exemple dans lequel il n’y a pas de véritable antagoniste. En fait, c’est comme si Harry et Sally sont mutuellement antagonistes. Et les personnages n’en sont pas moins intéressants. Au contraire.

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