QUELQUES MOMENTS DE L’ACTE DEUX

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Lorsque vous en avez fini avec l’exposition des personnages et des situations de départ, en somme, la mise en place de l’ensemble des relations, il est temps de passer à l’acte Deux.

Le deuxième acte est résumé par des grands noms tels que Aristote comme une tension montante ou des complications progressives. Ou bien dans la formule classique de l’écriture de scénario que nous rappelle Alexandra Sokollof, : le premier acte consiste à faire monter le héros dans un arbre, et le deuxième acte à lui jeter des pierres. Cette métaphore insiste bien sur la nécessité de ne pas être tendre avec son personnage principal.

L’acte Deux en 2 parties

Mais l’acte Deux peut être exaspérant à écrire. C’est, dit Alexandra Sokollof, parce que ce qu’il se passe dans l’acte Deux dépend totalement du type d’histoire que vous racontez. S’agit-il d’un mystère, d’un conte de fées, du récit d’un témoin réticent, d’une histoire d’identité usurpée, d’un voyage mythique, d’une épopée, d’une histoire d’amour interdite, de l’histoire d’un être choisi, du récit d’une journée magique, de plusieurs de ces histoires, ou de quelque chose d’entièrement différent ?

Le genre influe sur le contenu et apporte avec lui des conventions, un consensus provisoire (parce que c’est dans l’air du temps, tout évolue), mais une structure semble se répéter. La première partie de l’acte Deux peut souvent se résumer, selon Alexandra Sokollof, à la découverte d’un nouveau monde pour le héros, un monde dont il devra apprendre les rudiments (souvent aidé en cela par un mentor).

Ce monde, il ne le pénètre pas parce que quelque chose ou quelqu’un l’y a poussé. C’est un acte de volonté du héros de franchir un seuil dont il a confusément conscience qu’il s’agit d’une décision à un seul sens. C’est un point de non retour. Mais pour que ce personnage dont vous décrivez les actions et décisions évolue, s’accomplisse, soit un exemple pour le lecteur, il lui est nécessaire d’assumer de se lancer dans l’inconnu malgré l’angoisse parce que ce qu’il sait aussi plus ou moins confusément, c’est que dans cet univers, ce milieu inconnu, il y rencontrera ses propres démons.

C’est fou comme on s’habitue à vivre avec soi, se laissant bercer, si ce n’est se laisser berner par ses propres illusions, de croire qu’on rejette dans l’oubli traumas et autres souffrances ou bien les décisions passées qui ont plus ou moins façonnées notre ici et maintenant.

Un personnage de fiction n’est pas très différent. Certes, il imite mais sa révélation est aussi la nôtre. Nous avons rencontré un héros ou une héroïne dans un monde ordinaire jonché d’habitudes souvent mortifères et sclérosantes, et nous savons qu’il leur manque quelque chose, même s’ils ne savent pas exactement quoi.

Ils ont reçu un appel à l’aventure (Joseph Campbell le compare au héraut porteur de messages, celui qui annonce mais qu’il ne faut pas confondre avec l’incident déclencheur) et ont probablement résisté.

Mais il est maintenant temps pour eux de quitter leur zone de confort et de partir dans ce nouveau monde spécial (comme le comprend la littérature anglo-saxonne mais tout ce qu’il a de spécial, c’est que ni le personnage principal, ni le lecteur le connaissent) pour aller à la rencontre non pas d’un objectif, d’une mission qu’il ou elle se sont fixés mais bien pour confronter, poser un regard spéculaire sur cette image de nous-mêmes et devoir l’assumer.

Alexandra Sokollof constate que ce monde peut être effectivement physique, une sorte d’invitation au voyage avec souvent un changement de lieu. Mais il peut être aussi plus proche de nous. Dans Quatre mariages et un enterrement par exemple, ce sont bien la succession de mariages qui marquent les étapes du changement pour Charles.

Le nouveau monde

L’entrée dans l’acte Deux doit inspirer le sentiment qu’une aventure commence même si le récit est conté de manière très réaliste bien qu’il ne soit qu’une représentation, une interprétation. Il y a souvent un personnage qui remplit la fonction archétypale de gardien du seuil (Sokoloff suit le Hero’s Journey de Campbell).
C’est une technique de suspense très utilisée, mais souvent très efficace, assez anxiogène pour le lecteur, ce qui est à peu près le but du suspense. Au minimum, un gardien du seuil sera pour le personnage principal une source de conflit dans une scène (une fois vaincu, sa fonction est inutile).

Si cela n’a pas déjà été fait dans le premier acte, au tout début de l’acte Deux, le héros ou l’héroïne doivent formuler et énoncer leur plan, leur stratégie pour mener à bien leur mission.

Nous connaissons à ce moment du récit l’objectif (ce désir extérieur qui anime le personnage principal). Il peut être répété au besoin.

Et maintenant, nous devons savoir comment le héros ou l’héroïne comptent s’y prendre pour atteindre cet objectif. Alexandra Sokollof précise que cette stratégie devrait être expliquée en termes clairs et précis.
Par exemple, il devient vite évident dans Le magicien d’Oz que Dorothée doit rejoindre la Cité d’Émeraude pour être renvoyée chez elle. Pour Alexandra Sokollof, cette stratégie est l’épine dorsale de l’histoire. C’est l’action centrale, dit elle. Comprendre cette action, définir une stratégie mise en œuvre par le personnage principal serait la clef pour écrire une histoire cohérente et complète (pour reprendre le credo de la théorie narrative Dramatica).

Il est dans la nature humaine de dépenser le moins d’énergie possible pour obtenir ce que nous voulons. Ainsi, le plan du personnage principal changera constamment, car il prend d’abord les mesures minimales pour atteindre son objectif, et cet effort minimal échoue inévitablement (il peut néanmoins connaître quelques succès mineurs au début de l’acte Deux créant en lui une fausse confiance).

C’est pourquoi, souvent à contrecœur, le héros ou l’héroïne devront s’adapter, changer de stratégie ce qui, du même coup, intensifie la pression sur eux et crée davantage de tension dramatique.

L’antagonisme n’est pas en reste

De plus, tout au long du deuxième acte, l’antagoniste a son propre objectif et son propre plan, qui est en conflit ou en compétition directe avec l’objectif du héros ou de l’héroïne. Nous pouvons en fait voir les forces du mal comploter (John Grisham le fait brillamment dans La Firme), ou nous pouvons seulement voir l’effet du complot de l’antagoniste dans le fait de contrecarrer continuellement les plans du protagoniste.

Les deux techniques sont efficaces pour Sokollof. Cette opposition continuelle des desseins du protagoniste et de l’antagoniste est la principale structure sous-jacente du second acte. Les plans du héros ou de l’héroïne doivent presque toujours être énoncés (même si quelque chose peut être caché même au lecteur/spectateur, comme dans Le Faucon maltais ou Casablanca.
Les plans de l’antagoniste peuvent être clairement exposés ou gardés secrets, mais l’effet de son complot doit être évident. Il est bon de raconter une histoire si nous, le lecteur ou le spectateur, sommes capables de revenir sur l’histoire à la fin et de comprendre comment les échecs du personnage principal ont été le résultat direct de la machination de l’antagoniste, explique Alexandra Sokollof.

Une autre technique importante de narration et de suspense (et le suspense se joue dans tous les genres, pas seulement dans les thrillers) est celle qui consiste à taquiner la proximité du protagoniste et de l’antagoniste. Pensez-y comme à un jeu d’échecs : les joueurs sont dans un espace très restreint, confiné, et passent toujours à quelques centimètres l’un de l’autre, qu’ils en soient conscients ou non.

Ils devraient se croiser souvent, conseille Alexandra Sokoloff, même si ce n’est qu’à la fin que le personnage principal et le lecteur comprennent que l’antagoniste a été là dans l’ombre, depuis le début.

L’acte Deux : la promesse de la prémisse

La première partie de l’acte deux est aussi le moment où vous devez vraiment tenir la promesse faite au moment de la prémisse. C’est-à-dire que si vous écrivez une fantasy, vous devez nous donner des scènes qui nous proposent l’expérience de l’émerveillement et de la magie. Si vous écrivez une comédie, vous avez intérêt à nous faire rire.

Si vous écrivez une romance (la spécialité de Alexandra Sokollof), c’est ici que nous voulons voir et sentir le héros et l’héroïne tomber amoureux, même si, de l’extérieur, il semble que les deux essaient de s’entre-tuer. Pensez à l’expérience que vous voulez que votre lecteur ou le spectateur aient. Ils ne sont pas de simples observateurs. Alors assurez-vous que vous créez cette expérience ; c’est une de vos principales tâches en tant qu’auteur ou autrice, selon Alexandra Sokollof.

Les alliés du héros ou de l’héroïne seront introduits dans le deuxième acte, s’ils ne l’ont pas déjà été dans l’acte Un. L’un des grands plaisirs de l’acte Deux, dans sa première partie, est de faire l’expérience du lien entre le héros ou l’héroïne et les alliés (les leurs comme ceux de l’ennemi ou de l’adversité).

Tout est une question de relations. Les toutes premières questions à se poser et dont les réponses fourniront de la matière dramatique est de s’interroger sur la nature des liens que les personnages ont posés entre eux.

Alexandra Sokoloff insiste aussi sur la notion d’équipe (team) qui unit le personnage principal à un ou plusieurs autres personnages. Les exemples qu’elle donne manifeste clairement ce qu’elle entend par cette notion de relations humaines, de relations sociales : Armageddon, Les douze salopards, Le Seigneur des Anneaux

Un autre moment qui peut être décrit sur quelques scènes et qui apparaît assez souvent est l’initiation du personnage principal avant de pénétrer les arcanes du nouveau monde (dont il ignore encore tout). Ce sera l’objectif du mentor.

C’est enseignement sera même la première difficulté que le personnage principal devra surmonter.

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