L’INVENTION DES PERSONNAGES

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scénarioL’écriture de personnages convaincants est l’un des défis les plus difficiles de l’écriture. Les personnages semblent être des individus certes fictifs mais non moins individuels que dans la réalité (si nous nous considérons uniques) qui sont emportés par les événements de votre histoire.
Mais ils ne sont en réalité que les matières premières que vous utilisez pour raconter votre histoire, dit Alex Epstein. Tout ce qu’un personnage fait devrait naître naturellement de sa personnalité – ses rêves, ses peurs, ses défauts. Vos personnages devraient sentir le souffle de la vie et le communiquer.

Mais ils n’existent que pour raconter votre histoire, et à chaque fois qu’ils ne font pas progresser celle-ci vers une expérience différente pour le lecteur/spectateur, ils font perdre de la puissance au récit. Les personnages remplissent des fonctions au sein du récit, c’est indéniable. Se limiter seulement à ces fonctions ne leur donnera pas l’apparence du réel.

Des personnages utiles

Les personnages qui semblent vifs et excitants, mais qui ne font pas avancer l’histoire, sont des personnages inutiles. Ils peuvent donner de la vie aux scènes dans lesquelles ils se trouvent. Ils peuvent même sembler être la seule chose qui vaille pour votre scénario, mais en réalité, ils ne font qu’entraver le déroulement de l’histoire.

Il est terriblement difficile de commencer à écrire avec un personnage et sans intrigue, mais si vous avez une intrigue, vous pouvez déterminer les personnages dont vous avez besoin et leur donner de la vie dans le moment de l’écriture (en télévision, c’est souvent l’inverse, constate Alex Epstein : quelqu’un qui développe une série invente d’abord des personnages à la personnalité bien découpée et une situation intéressante du moins prometteuse, et puis propose des intrigues l’une après l’autre pour les impliquer).

Les auteurs découvrent leurs personnages par de nombreux chemins secrets, tous parfaitement valables s’ils fonctionnent. La plupart des auteurs, soupçonne Alex Epstein, se font une idée des bons personnages et voient ce qu’ils peuvent en faire. Si ces auteurs fonctionnent à l’instinct, cela peut s’avérer profitable si cet instinct est suffisamment affûté (l’expérience peut combler certains manques en la matière).

Une façon pratique d’invention de personnages est de recourir au reverse engineering, propose Alex Epstein. Si vous avez une intuition concernant votre prémisse ou déjà posé un thème (quoique le thème s’infère du concret après coup hors de l’esprit et de l’imagination), vous pouvez découvrir les personnages dont vous avez besoin pour raconter votre histoire.

Vous pouvez commencer par le protagoniste et l’antagoniste (c’est-à-dire penser ces deux personnages centraux d’emblée comme fonction), et construire votre dramatis personæ (l’ensemble de vos personnages) à partir de là. Chaque nouveau personnage sera inspiré par votre prémisse sur laquelle viendra se greffer les personnages que vous avez déjà inventés.

Un outil

Cette approche est peut-être une hérésie car elle semble contre nature, admet Alex Epstein. Et cela l’est. Mais le fait de raconter une histoire l’est aussi. Les histoires sont artificielles : elles sont le fruit de la tâche d’un artisan tout comme l’artisan potier produit des objets de l’argile informe.

Alex Epstein soupçonne que de nombreux scénaristes qui utilisent des méthodes plus naturelles (Epstein ne s’étend pas sur ce qu’il appelle naturel. A mon avis, il utilise ce terme pour marquer le contraste avec artifice) prétendent ne pas le faire. Mais pour qu’une technique soit un outil, il faut savoir l’utiliser de manière explicite.

Votre prémisse vous donnera généralement votre protagoniste, ou héros. Si elle comporte un antagonisme (il est préférable d’ailleurs qu’elle en fasse mention même indirectement car on devrait pouvoir sentir la force d’un antagonisme à la lecture de la prémisse), la prémisse vous donnera généralement aussi l’incarnation de cet antagonisme.

Dans l’idéal, le méchant de l’histoire est en quelque sorte le reflet du héros. Le regard que porte le personnage principal sur ce qui se manifeste si durement envers lui est en fait un regard spéculaire. Batman et le Joker sont tous deux des hommes violents et en colère, qui s’habillent bizarrement et poursuivent leurs propres objectifs en dehors de la loi. Il se trouve que Batman se bat pour le bien et le Joker pour le mal. Ils peuvent être opposés, comme dans de nombreux films d’action où un homme du commun fatigué, décent, malmené et intuitif combat un méchant qui le surpasse en tous points mais cool, calculateur et amoral (Die Hard, Qui veut la peau de Roger Rabbit).
Comme Othello est passionné, Iago est froidement rusé.

Votre protagoniste et votre antagoniste expriment idéalement différents aspects de votre thème. Si votre thème est, par exemple, la rédemption, alors votre héros se rachète ; votre méchant ne sera pas sauvé. Si votre thème est le devoir, alors votre héros peut se sacrifier pour le bien du devoir, tandis que votre méchant utilisera ce motif du devoir comme excuse pour faire ce qu’il attend d’autrui.

Beaucoup de scénarios ont soit une amoureuse ou un amoureux, soit quelqu’un de proche ; à qui d’autre le héros pourrait-il se confier pour que nous puissions comprendre ce qu’il se passe dans sa tête ? Là encore, le héros et sa bien-aimée ou quiconque qui entretient une relation d’amitié avec lui (non de dépendance) doivent être en tension l’un avec l’autre.
Si l’un est physique, l’autre est mental. Si l’un est collet monté, l’autre sera plutôt rude dans ses approches. Si l’un est incroyablement courageux, l’autre a un respect approprié pour son ou sa vie. Dans les drames, les contraires s’attirent. On ne devrait jamais voir deux personnages s’accordant entre eux pour toute la durée d’une scène, rappelle Alex Epstein. Il vaut donc mieux qu’ils ne s’entendent pas d’emblée. Probablement, pour assurer le thème ou la raison d’être de la scène, l’un des deux personnages reconnaîtra le point de vue de l’autre car le déni incessant est infécond.

D’autres moyens que la prémisse

En pratique, cependant, si vous n’avez pas de prémisse, alors ce qui motive le projet déterminera les personnages. Si votre récit est une séquelle, vos personnages de départ sont ceux qui ont survécu aux épisodes précédents. S’il s’agit d’une adaptation, alors vos personnages seront issus du matériel d’origine, même si vous en coupez beaucoup et que vous en fusionnez d’autres.

Mais même si vous travaillez à partir d’autres matériaux, Alex Epstein conseille de s’assurer que vos personnages secondaires résonnent d’une certaine manière avec le point de vue de l’histoire et avec les autres personnages.

Aucun outil n’est plus important que l’histoire. Les outils existent pour vous aider à créer une histoire cohérente. Si vous pensez avoir besoin d’un certain personnage qui semble n’avoir rien à voir avec votre prémisse ou votre thème, alors créez ce personnage malgré tout et voyez s’il fonctionne dans le récit. Il se peut qu’il ait finalement quelque chose à voir avec la prémisse ou le thème.

Mais que cela soit ou non le cas, l’important est de faire une histoire qui atteindra son lecteur d’une façon ou d’une autre.

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