SYD FIELD : IDENTIFIER LE PROBLÈME

0
(0)
syd field
Syd Field

Vous savez qu’il y a quelque chose qui ne va pas mais vous ne savez pas ce que c’est ?, demande Syd Field.

Vous passez et repassez la scène ou la séquence, encore et encore, en l’examinant, en la réexaminant, en l’essayant d’une manière, puis d’une autre, et ça ne fonctionne toujours pas. Que faites-vous ? Comment s’y prendre pour essayer de corriger quelque chose quand on ne sait pas ce qu’il ne va pas ? Comment s’y prendre pour isoler et définir le problème ?

Mais quel est le problème ?

Vous en savez peut-être quelque chose ; la scène est trop lente, trop verbeuse, trop ennuyeuse, ou le personnage principal est un peu faible, ou il y a trop d’action, ou la fin est peut-être un peu lente, ou un peu trop précipitée, mais vous ne savez pas comment remédier à ce problème que vous percevez comme intuitivement.

Êtes-vous capable de voir le problème ? Pouvez-vous le définir, le démonter, le formuler ? Comment l’esquisser, l’isoler ?

Avant de pouvoir résoudre un problème créatif, vous devez savoir quel est ce problème. Et cela signifie que vous devez repenser et éventuellement réorganiser ce qu’il doit être amélioré, constate Syd Field.
Il faut donc réécrire ce que vous avez déjà écrit.

Et s’il vous faut modifier presque toute la seconde moitié de l’acte II, en changeant les intrigues secondaires, en supprimant certains personnages et en retirant beaucoup de graisse qui n’était vraiment pas nécessaire à la trame de l’histoire, il faudra la réécrire.

Le mot réécrire signifie “réviser et corriger”, et c’est exactement ce qu’il faut faire quand on cherche un problème. Que vous réécriviez le scénario entier, ou un acte, ou une séquence, ou juste une scène ou un plan, le processus de résolution de problème est le même.
Vous essayez de le reconnaître et de le définir, en cherchant des indices sur l’endroit où il se trouve et sur ce qu’il est. Ce processus devient le problème.

Syd Field est parfaitement conscient qu’il y a des moments où vous savez immédiatement de quoi il s’agit, peut-être que la scène est trop bavarde, ou trop moralisatrice, trop spécifique ou trop directe, mais si vous savez de quoi il s’agit, vous n’en savez pas vraiment assez pour y remédier.

C’est là qu’intervient le processus de la réécriture. La première chose que vous devez faire pour clarifier et définir le problème est de le sortir de son contexte actuel afin de pouvoir cerner ce qui ne fonctionne pas, qu’il s’agisse d’un personnage, d’une scène ou d’une séquence.

Brainstorming sur la recherche du problème

Jetez simplement sur le papier toutes les pensées ou idées que vous avez sur le problème, conseille Syd Field. Associez-les librement ; posez-vous la question Quel est le problème que je cherche ?

Il est important de se souvenir de commencer chaque question par quoi ou qu’est-ce (ou quelque chose dans la même veine). Essayez de formuler la question de manière à ce qu’elle commence par quoi ou qu’est-ce. Mais non pourquoi.
Si vous demandez pourquoi quelque chose ne fonctionne pas, vous obtiendrez un certain nombre de réponses différentes et elles seront toutes correctes.

Mais structurer une question qui commence par quoi implique une réponse spécifique. Et c’est ce que vous recherchez, quelque chose de spécifique.

Lorsque vous commencez à exprimer vos pensées et vos sentiments sur ce que vous pensez être le problème, vous entamez un processus créatif qui vous met en mode de résolution de problèmes. Et Syd Field en est persuadé.

Peu importe que vos pensées et vos observations soient correctes ou non. Il suffit de s’asseoir et de se lancer dans ce brainstorming : Qu’est-ce qui ne va pas dans cette scène, ou séquence, ou acte ?
Ne soyez pas trop général. Se demander ce qui ne va pas avec une scène, c’est aussi entrer dans le détail d’une attitude. Ne vous refrénez pas. Laissez couler ce qui vient. Quoi que vous pensez être le problème, que ce soit juste ou non, il suffit de s’interroger sur le matériel. Associez librement vos pensées, mots et idées sur ce que vous considérez comme ce qui fonctionne et ne fonctionne pas.
Que pensez-vous pouvoir faire pour rendre votre histoire plus forte, pour l’améliorer, pour la rendre plus dynamique ? Que vous dit votre instinct ? Écoutez-le.

Syd Field ajoute qu’il peut se passer plusieurs heures ou jours avant qu’une illumination se fasse jour et que vous compreniez quel est le problème et comment le résoudre.

Le problème ne vient pas du texte

Syd Field pense fermement que si vous avez créé le problème, vous pouvez le résoudre. Il faut donc chercher les réponses à l’intérieur de soi-même.

Les problèmes n’existent que pour pouvoir être résolus. La façon dont vous le faites n’a pas vraiment d’importance. La solution peut vous venir dans un rêve, ou en conduisant la voiture, en courant dans le parc, ou même en préparant le dîner. La réponse sera là quand vous vous y attendrez le moins.
Il vous suffit de la chercher. Faites-vous confiance. Laissez la réponse venir en son temps. Parfois, la réponse vient facilement, et parfois non. C’est ce qu’il y a de génial ; on ne sait jamais vraiment quand on aura une solution, ni ce qu’elle sera.

Il suffit de savoir que vous l’aurez, affirme Syd Field. La condition de l’espoir est de ressentir un malaise a priori… parce qu’on a l’espoir d’en sortir.

Relisez les pages qui vous semblent ne pas fonctionner et voyez si vous pouvez isoler ou définir le problème. Peut-être que votre histoire ne suit pas une seule ligne d’action, mais va dans plusieurs directions différentes à la fois. Ou peut-être que trop de choses arrivent à votre personnage principal.

Par exemple, votre personnage principal est un flic, mais vous pensez que vous devriez en montrer plus sur son partenaire, alors vous écrivez quelques scènes sur son partenaire, et vous vous apercevrez très vite que vous avez créé toute une intrigue secondaire qui va à l’encontre du récit ; et vous saurez alors que ce n’est pas la solution.

Ou peut-être voulez-vous montrer le méchant comme étant plus méchant, alors vous continuez à ajouter des scènes montrant à quel point il est mauvais ; c’est un moyen facile de combler ce qui peut paraître comme des lacunes, des manques dans le déroulement de l’histoire (du remplissage en somme) mais qui ne réussit qu’à se mettre en travers de celle-ci.
En passant autant de temps avec d’autres personnages, vous finirez par perdre de vue votre personnage principal et votre histoire finira probablement par aller dans plusieurs directions simultanément et elle sera obscure et confuse.

Le vrai problème (et c’est là où veut en venir Syd Field) est de perdre de vue le personnage principal, et c’est de lui qu’il s’agit vraiment dans votre histoire.

Le personnage principal est la solution

Parfois, lorsque les scénaristes ne savent pas quoi faire ou ce qu’il va se passer ensuite, ils vont simplement ajouter un nouveau personnage à l’histoire. Plutôt que de travailler à développer le contexte dramatique de la scène, de l’histoire ou du personnage, ou à élargir l’action, ils ne font qu’ajouter un nouveau personnage.

Mais cela ne fonctionnera pas parce que c’est vraiment un problème de développement de l’histoire, et non du développement d’une dramatis personæ, bien que l’un reflète et intègre toujours l’autre. Ou peut-être en vous relisant vous découvrez que vous avez trop de personnages, ou que votre personnage principal est trop passif ou trop réactif ou semble disparaître dans la situation tandis qu’un personnage secondaire surgit et reprend le fil de l’histoire.

Quel est le sujet de votre histoire ? Et de qui s’agit-il ? C’est ce qu’il faut toujours garder à l’esprit, rappelle Syd Field.

Il est important de se rappeler que lorsque vous cherchez à comprendre le problème, vous relisez les pages en sachant que vous cherchez quelque chose qui ne fonctionne pas. Vous n’avez pas à vous soucier de la grammaire ou de l’orthographe (personne d’autre que vous ne le verra), alors jetez simplement vos idées sur le papier sans vous soucier de savoir si c’est bien ou mal écrit. Ne portez pas de jugements sur votre écriture ou sur ce qui en ressort ; vos jugements ont tendance à censurer et à étouffer votre créativité si vous les écoutez trop attentivement, prévient Syd Field.
Notez aussi que Syd Field raisonne par la négativité. Afin d’améliorer votre travail, vous recherchez ce qui ne fonctionne pas. Lorsque vous tentez la réécriture d’un passage, ce dont vous pouvez rendre compte d’abord, c’est de son inadéquation avec l’ensemble.

Il n’y a que trois choses à scruter, conseille Syd Field : l’intrigue, le personnage, et la structure. Ce sont les trois seuls domaines où vous pouvez avoir un problème.

L’histoire entière peut être décomposée en ces trois éléments dramatiques et ils deviennent le moyen du processus de la résolution de problèmes. Si vous constatez un problème dans le scénario – qu’il soit trop long ou trop bavard, ou il y a trop d’action et pas assez de personnages, ou trop de personnages et pas assez d’action… Quel que soit le problème, tout tombe sous la coupe de l’intrigue, des personnages et de la structure.

Si la ligne d’action s’éloigne trop de l’histoire, une solution pourrait être d’ajouter des éléments qui maintiennent l’histoire ancrée (c’est une autre manière de dire qu’elle est cohérente comme le souligne la théorie narrative Dramatica) et la pousse vers l’avant ; le problème proviendrait donc d’un élément de l’intrigue posé là sans justification ou bien parce qu’il manque.
En effet, le temps est irréversible. Même une analepse n’inverse pas le cours du temps.

Mais en modifiant l’intrigue, vous vous trouverez également obligé de restructurer le matériel. Les changements apportés à l’intrigue et à la structure affecteront les actions et les réactions de votre personnage, ce qui nécessitera davantage d’ajustements. Et c’est comme cela que vous cernerez le problème. Ces trois éléments dramatiques seront toujours liés entre eux ; seule l’approche diffère.

La relation prévaut

Lorsque vous pourrez isoler et définir ce qui ne fonctionne pas dans le scénario, vous verrez que tout problème aura une sorte de rapport avec ces trois domaines. Et cela ne devrait pas être si surprenant. Dans la vie, tout est lié à tout le reste ; rien n’existe par lui-même, mais seulement dans sa relation à quelque chose d’autre. C’est une affirmation de Syd Field. Il est difficile cependant de nier que les choses n’existent pas indépendamment des autres, qu’elles n’existent pas en soi.
Dans un récit, c’est l’arrangement des choses (événements, incidents ou autre) qui crée du sens. Mais ces choses prises séparément ont aussi une signification qu’elles perdent au profit du récit lorsqu’elles lui sont intégrées pour donner un tout autre sens.

Ainsi, pour Syd Field, tout problème dans le scénario existera toujours dans une relation quelconque avec l’intrigue, le personnage et la structure.

Supposons que vous ayez un problème avec le climax. Peut-être qu’il arrive trop vite, ou peut-être qu’il n’est pas dynamique ou assez fort. Que faites-vous ? Vous devez l’étendre par de l’action a priori, comme conditions du climax – donc pour résoudre votre problème, vous devez davantage préparer ce climax, créer plus d’incidents qui développeront davantage l’action, ce qui signifie qu’il faut se concentrer davantage sur le personnage principal ; une fois que c’est fait, il faut restructurer le matériel.

En cherchant à comprendre le problème, vous devrez peut-être revenir sur le matériel et chercher des moyens de rendre le personnage principal plus actif et plus énergique, et vous ne pourrez le faire qu’en introduisant des éléments plus dramatiques.
Ensuite, bien sûr, vous devrez restructurer l’acte et faire passer votre personnage principal avec force à travers l’intrigue comme si vous le tissiez dans celle-ci.

Dès que vous êtes en mesure de faire une distinction, d’isoler et de définir le problème comme étant un problème de l’intrigue par exemple, alors vous pouvez commencer à le préciser. Supposons que votre climax, ou un certain nœud dramatique, repose sur un point de l’histoire ou un élément d’information particulier qui semble fabriqué et prévisible ; si vous pensez qu’il s’agit d’un problème lié à l’intrigue, vous devrez retourner dans le fil de l’histoire et introduire ou mettre en place correctement un incident ou un événement, un événement qui est naturellement lié à l’histoire.

Dans The Shawshank Redemption (Frank Darabont), le meurtre de la femme d’Andy Dufresne est mis en scène dès la première page. La toute première scène le montre assis dans sa voiture, en train de boire.
Toute l’histoire est structurée autour de cet incident, et celui-ci revient dans la seconde moitié de l’acte II, lorsqu’un jeune condamné raconte à Andy qu’un ancien compagnon de cellule lui a dit qu’il avait commis les deux meurtres et c’est la première fois que l’on se demande si Andy a vraiment tué sa femme.

Si cet incident n’avait pas été mis en place dès le début du scénario, la fin ne serait pas aussi puissante qu’elle ne l’est. Des incidents ou des événements de ce type doivent être soigneusement introduits dans le scénario pour que la fin soit convaincante et qu’elle soit exécutée avec un maximum de valeur dramatique.

Et comprendre la relation

L’écriture de scénario, dit Syd Field, est un processus qui consiste à comprendre la relation entre les parties et l’ensemble, les relations entre l’intrigue, le personnage et la structure (un critérium trinitaire totalement assumé par Field).

Tous les éléments d’une histoire, l’action, les épisodes, les personnages, les lieux, la musique, les bruits ou les effets spéciaux, les nœuds dramatiques, sont liés les uns aux autres. Field assume aussi qu’un élément dramatique appartenant à un récit n’existe que dans son rapport aux autres éléments. Chaque aspect d’un récit se reflète dans n’importe quel autre.

Ce n’est qu’après avoir localisé le problème que vous pourrez le définir. C’est-à-dire pouvez-vous déterminer s’il s’agit d’un problème d’intrigue, de personnage ou de structure ? C’est le point de départ.

Si vous n’arrivez pas à séparer le problème, essayez de le définir comme vous le voyez : par exemple, le personnage principal est trop faible, le dialogue trop direct ou ennuyeux. Rédigez ensuite votre brainstorming. Il vous amènera à déterminer la nature du problème.
Ce n’est qu’une fois que vous aurez compris la nature du problème, qu’il s’agisse de l’intrigue, du personnage ou de la structure, que vous serez en mesure de clarifier et de définir ce problème.

Soutenez Scenar Mag. Depuis 2014, nous ne cessons de vous donner le plus d’informations pertinentes pour vous servir dans tous vos projets d’écriture. C’est un effort de partage de connaissances. Nous vous les offrons gratuitement parce que nous croyons que la connaissance se donne et ne se vend pas. 
Scenar Mag a un coût cependant. Merci de participer à la pérennité de Scenar Mag par vos dons. Nous existons grâce à Vous. Ne restez pas indifférents. Soutenez l’initiative de Scenar Mag. Merci

Comment avez-vous trouvé cet article ?

Cliquez sur une étoile

Average rating 0 / 5. Vote count: 0

No votes so far! Be the first to rate this post.

Cet article vous a déplu ?

Dites-nous pourquoi ou partagez votre point de vue sur le forum. Merci

Le forum vous est ouvert pour toutes discussions à propos de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.