L’AUTEUR ET LA RÉSOLUTION DE PROBLÈMES

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Lorsqu’un auteur sent que ce qu’il vient d’écrire ne fonctionne décidément pas, une solution est de faire lire les quelques pages à quelqu’un qui sera sans concession à son égard.

Prenons une scène importante. Son importance signifie qu’elle doit être gérée de telle manière qu’elle fasse non seulement avancer l’intrigue (l’intrigue est un mouvement, une succession d’événements que l’on parcourt parce qu’ils sont ordonnés de manière à faire sens) mais aussi qu’elle donne des informations sur la personnalité du personnage principal.

L’auteur sent qu’il a un problème

Syd Field est clair sur ce sujet. Si l’auteur a le sentiment même des plus légers que la scène qu’il vient d’écrire sonne faux, c’est qu’effectivement, l’auteur a un problème.

Deux manières d’aborder un problème :

  1. La première consiste à dire qu’un problème est quelque chose qui ne fonctionne pas.
    C’est très simple.
  2. La deuxième façon est de dire qu’un problème est une opportunité, un défi qui vous permettra à terme de devenir un meilleur auteur.

Deux points de vue différents. Mais quelle que soit la façon dont on le regarde, c’est la même chose : un problème devient un ferment de la créativité.

Vous le considérez soit comme un obstacle (quelque chose de définitif, un problème reste une difficulté sans réponse), soit comme une opportunité dont l’auteur peut profiter pour passer à un autre niveau de son art.

auteurPour Syd Field, le problème n’est pas un problème. On peut avoir des difficultés à comprendre le problème, mais il n’y a pourtant que des solutions. Une solution n’est pas la vérité. Elle peut néanmoins servir à dépasser le problème actuel.

Syd Field pense que ce qui effraie la plupart des auteurs, ou n’importe qui d’ailleurs, c’est que la plupart du temps, ils savent qu’il y a un problème. Ils ne savent tout simplement pas de quoi il s’agit. Ils ne peuvent pas le définir ou le décrire. L’auteur a un vague sentiment de malaise, une insatisfaction imprécise.

L’art de la résolution de problèmes consiste à être conscient de ces sentiments flous et indéfinis, et à les utiliser comme une sorte de guide pour vous amener à examiner la cause ou la source du problème. L’art de la résolution de problèmes est en fait l’art de la reconnaissance.

Une source au conflit

Une scène manque de tension dramatique ou bien il ne sourde pas de menaces ? Syd Field conseille de s’interroger d’abord sur la source du conflit.

Prenez conscience qu’un petit problème même localisé à une scène de relative importance contaminera toute l’histoire.

L’écriture d’un scénario est un art si spécifique et si exigeant que lorsque quelque chose ne fonctionne pas, qu’il s’agisse d’une scène, d’une séquence ou d’un personnage, cela projette une profonde incertitude sur l’ensemble.

Cette scène, séquence ou personnage deviennent le germe d’un problème qui se révélera plus tard être un problème à part entière. Il est donc important de repérer et de prendre note de ces symptômes au fur et à mesure qu’ils se manifestent.

Notez comme la théorie narrative Dramatica utilise les mêmes termes que Syd Field : problème, solution, symptômes…

Si vous avez le sentiment d’avoir un problème et que vous ne pouvez pas le formuler ou le définir, vous ne pouvez pas faire grand-chose pour le résoudre. C’est juste une loi naturelle. Vous ne pouvez pas régler un problème si vous ne savez pas ce qu’il ne va pas.

Au fond, l’art de la résolution de problèmes est l’art de la reconnaissance, dit Syd Field.
Et c’est une compétence bien définie qui repose sur le sens de la compréhension et la conscience de soi. Si un auteur a le sentiment qu’il y a un problème – peut-être que son scénario est trop long, trop bavard, ou que les personnages ne sont pas assez marqués – que peut-il faire pour le corriger ?

Rien. Du moins, pas avant de pouvoir le décrire avec précision, martèle Syd Field. Tant que l’auteur ne sait pas quel est le problème, tout ce qu’il peut faire, c’est de tourner autour du pot ; il ne peut pas réparer quelque chose tant qu’il ne sait pas ce qu’il ne va pas.
Il y a beaucoup de scénaristes qui font des recherches sur un problème sans le résoudre, et il restera probablement comme l’une de ces scènes qui ne semblent jamais fonctionner, quoi qu’il fasse. Alors l’auteur laisse tout simplement tomber en espérant que personne ne le remarque.

Mais si vous savez comment définir et formuler le problème – peut-être que le personnage principal est trop passif et semble disparaître de l’action, ou qu’il est trop antipathique, ou peut-être que le dialogue est trop direct – vous avez la maîtrise du problème et vous pouvez le résoudre au mieux de vos capacités.

Comprendre et interpréter le problème

Tout d’abord, définissez le problème. Cela signifie qu’il faut généralement repenser le matériel. Revenez sur votre matière dramatique ; analysez vos intentions. Quel est le but de la scène ? Pourquoi est-elle là ? Quel est le besoin du personnage (qui est différent de son désir qui correspond davantage à l’objectif qu’il s’est fixé) ? Qu’est-ce que votre personnage principal veut gagner, obtenir ou réaliser tout au long de l’intrigue ?

Permettez-moi d’insister car la théorie narrative Dramatica est dédiée à ce genre de questionnement. Elle cherche à faire prendre conscience à l’auteur de la cohérence de l’ordonnancement des événements qui doivent concorder afin de faire sens dans l’ensemble.

C’est généralement quelque chose qui peut être décrit assez simplement ; dans Thelma & Louise (de Callie Khouri), c’est le besoin de s’échapper en toute sécurité vers le Mexique. Dans Dances With Wolves (Danse avec les loups de Michael Blake et Kevin Costner), c’est le besoin dramatique de John Dunbar d’aller jusqu’au bout de la frontière et de s’adapter aux coutumes de la terre et des gens qui s’y trouvent.

Quel est donc le besoin dramatique de votre personnage ? Définissez-le dans le contexte de la scène. Si vous pouvez éclairer ce besoin dramatique – par l’action ou le dialogue – vous obtenez plus de contexte et de texture, et ajoutez ainsi plus de dimension à la scène.

La première étape de la résolution de problèmes consiste à repenser les besoins d’une scène ; vous devez la désassembler afin d’isoler et de définir les forces émotionnelles qui agissent sur et dans la dynamique de la scène.

La scène est la cellule vivante, le centre de l’action dramatique, et remplit deux fonctions fondamentales dans le scénario, avertit Syd Field. Premièrement, la scène fait avancer l’intrigue ; ou, deuxièmement, elle révèle des informations sur le personnage principal.

Ces deux éléments dramatiques que sont l’histoire et le personnage doivent être servis dans chaque scène, visuellement, si possible. Regardez n’importe quelle scène de n’importe quel scénario, étudiez n’importe quel film et voyez si cela est vrai ou non.
Il est très courant de lire les pages d’un scénario et de trouver des pages et des pages qui n’ont absolument rien à voir avec l’histoire qui s’y déroule.

Une structure dramatique et un contexte

Par définition, un scénario est une histoire racontée en images, en dialogue et en description (ou didascalies), et placée dans le contexte d’une structure dramatique.

Imaginons qu’une héroïne cherche à comprendre la mort mystérieuse de sa mère alors que l’opération chirurgicale qu’elle devait subir était tout à fait banale. Le besoin dramatique du personnage principal est de trouver les informations qui devraient lui permettre de comprendre.

Y a-t-il eu une faute ? Pourquoi une infirmière a-t-elle soudain démissionné ? Y a-t-il eu dissimulation ? Que s’est-il passé ?

Ces questions sont toutes importantes dans le contexte de l’histoire.

Et le contexte, affirme Syd Field, est l’espace qui maintient quelque chose en place. C’est l’espace à l’intérieur duquel est maintenu le contenu en place. L’espace à l’intérieur du contenant ne change pas. C’est ce contenant qui maintient le contenu en place. C’est le centre de gravité de la scène ; c’est le contexte.

Et Syd Field enseigne que ce contenant consiste à générer du conflit. A propos de conflit, nous pouvons vous renvoyer vers notre série d’articles sur Plotto qui décrit plus de 1400 situations conflictuelles.

Lorsqu’on pense le conflit, on baigne dans la tension dramatique. Par exemple, si votre héroïne parvient à connaître où vit l’infirmière mystérieusement disparue, elle peut se rendre chez elle. Mais elle ne la trouvera pas. Alors, elle peut décider d’attendre. Et l’attente est naturellement un phénomène qui crée de la tension.

De plus, l’absence de l’infirmière (à la fois à l’hôpital puis ensuite chez elle) met en place implicitement un passé. Il s’est forcément passé quelque chose qui justifie cette absence. Ni l’héroïne, ni le lecteur ou le spectateur ne savent néanmoins ce qu’il a pu se passer à ce moment du récit.

Maintenant que l’attente a été posée, il faut davantage de conflits.

Alors que pouvons-nous faire d’autre pour créer du conflit dans la scène ? Et si l’infirmière a un petit ami, et peut-être que le gars n’est pas trop intelligent et qu’il laisse entrer le personnage principal dans l’appartement avant que l’infirmière n’arrive à la maison. Il suppose qu’elles sont amies. L’héroïne pourrait donc déjà être dans la maison lorsque l’infirmière arrive.

La tension s’intensifie

Ces éléments ajouteraient beaucoup de conflits à la scène, dit Syd Field qui en est totalement persuadé.
L’infirmière arrive à la maison, elle est furieuse contre son petit ami d’avoir laissé entrer un étranger, et on peut voir par sa défiance et son attitude qu’elle est effrayée. Il est certain que cette femme sait ce qu’il est arrivé à la mère du personnage et qu’elle ne veut rien dire à ce sujet, pour quelque raison que ce soit. Peut-être même qu’elle se prépare à quitter la ville. Mais elle est tenace et ne veut rien révéler.

Qu’est-ce que cela fait à la scène ? Il est évident que cela aiguise les forces dramatiques qui s’y trouvent. Ce qui était faible montre maintenant plus de potentiel de tension et de conflit ; et la scène en profite énormément.

Syd Field préconise l’intérêt d’écrire de courts essais sur votre histoire et vos personnages, de définir et approfondir les événements et les relations. Même si l’infirmière est un personnage mineur, elle est importante pour l’histoire, et devient donc une scène importante dans le développement de l’histoire et ne peut pas être « floue » dans son exécution.

Qu’est-ce que l’infirmière a vu exactement à l’hôpital ? Que sait-elle ? Que s’est-il réellement passé ? L’auteur pourrait créer une série d’événements, étape par étape, du point de vue de l’infirmière, qui ont conduit à la mort de la mère.

Il pourrait définir la relation entre l’infirmière et son « petit ami ». Et trouver plus de détails qui pourraient être exploités pour une valeur dramatique maximale. L’auteur peut se livrer à un brainstorming sur leur relation. Simplement pour affiner les éléments de la scène.

Où l’infirmière l’a-t-elle rencontré, depuis combien de temps sont-ils ensemble, s’agit-il d’une relation sérieuse ? Ou peut-être que c’est fini ; peut-être qu’ils se préparent à se séparer.

Les réponses à ces questions vous permettent d’étendre les forces dynamiques qui agissent de l’intérieur et de l’extérieur de la scène. Syd Field insiste que ce sont des mesures qui doivent être prises pour que les éléments dramatiques nécessaires pour faire avancer l’histoire puissent être renforcés et définis.

L’auteur prend conscience de son malaise

L’auteur a créé plus de possibilités pour son scénario en écoutant simplement ses sentiments de désarroi quant à ce qui n’allait pas dans ce qu’il avait écrit.

Écrire, c’est poser des questions et attendre les réponses. Les réponses seront toujours là et, dans la plupart des cas, elles se révéleront de manière totalement inattendue.

Cela fait partie des aspects positifs du processus d’écriture, affirme Syd Field. Henry James dit la même chose : What is character but the determination of Incident? And what is incident but the illumination of character?
Qu’est-ce que le personnage sinon la détermination d’un incident ? Et qu’est-ce que l’incident si ce n’est l’illumination du personnage ?

Passons donc à un autre niveau. Nous savons tous que le drame est un conflit. Sans conflit, vous n’avez pas d’action ; sans action, vous n’avez pas de personnage ; sans personnage, vous n’avez pas d’histoire ; et sans histoire, vous n’avez pas de scénario.

Vous n’avez qu’une succession d’incidents et d’événements qui se succèdent jusqu’à leur conclusion. Cela ressemble à une histoire, cela agit comme une histoire, mais il n’y a vraiment rien d’autre qu’un tas d’accroches gratuites, de subterfuges dramatiques ou d’effets spéciaux, nous prévient Syd Field.

Afin de comprendre les forces du conflit qui agissent sur l’infirmière dans cette scène, Syd Field a suggéré à l’auteur de faire un autre exercice ; qu’elle écrive la scène du point de vue de l’infirmière. En d’autres termes, si cette histoire concerne l’infirmière, si elle est le personnage principal, comment réagirait-elle si elle savait quelque chose sur l’incident, quelque chose qu’elle ne voulait révéler à personne, et qu’ensuite la fille de la victime venait fouiner, essayant de trouver des informations sur ce qu’il s’est passé ?

Changer la perspective de la scène de cette façon, simplement comme un exercice, aide à clarifier et à préciser le point de vue du personnage, et met ainsi le conflit dramatique en relief.

Ce que vous essayez qui ne fonctionne pas vous montre toujours ce qui fonctionne. L’art de la résolution de problèmes est l’art de la reconnaissance.

Soit vous considérez un problème comme quelque chose qui ne fonctionne pas, soit vous considérez un problème comme un défi, une opportunité d’élargir vos compétences en matière d’écriture de scénario.

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