MONTRER LE THÈME, NON LE DIRE

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Voici quelques conseils donnés par Karl Iglesias pour exposer le thème pour qu’il soit d’abord une expérience sensible, une impression immédiate.

S’il faut raisonner, cela ne peut être qu’après coup surtout dans le scénario.

Le thème doit être une question

thèmeSelon Karl Iglesias, la façon la plus simple de révéler un thème est de le présenter sous la forme d’une question plutôt que d’une déclaration ou d’une prémisse, comme la plupart le font depuis la lecture de Lajos Egri, The art of dramatic writing (L’art de l’écriture dramatique).
Par exemple, plutôt que d’énoncer la prémisse de Roméo et Juliette comme “Un grand amour défie même la mort”, vous pourriez demander “Que défie un grand amour” ou “L’amour peut-il survivre même à la mort ?” et laisser l’histoire arriver à une conclusion naturelle, la rendant ainsi moins prévisible.

Posez une question, et laissez votre histoire nous fournir une réponse ou une solution en la percevant émotionnellement.

L’émotion et l’idée

On dit que les émotions unissent les gens et que les idées divisent. C’est pourquoi il est conseillé à un auteur de faire ressentir le thème au lecteur au lieu de le faire réfléchir en amont (la réflexion doit avoir lieu en aval afin de ne pas perturber l’engagement du lecteur avec l’histoire au moment où il la lit ou la voit).
Une idée exprimée seulement intellectuellement n’est qu’un essai. Mais lorsqu’elle est enveloppée dans une émotion, elle est plus puissante et plus mémorable.

Un récit est une démonstration créative et émotionnelle de la vérité que vous voulez exprimer. Ne jamais expliquer intellectuellement. Dramatiser émotionnellement.
Une technique utile consiste à choisir une émotion et à développer l’idée correspondante. Par exemple, si vous choisissez la colère, vous pourriez développer les idées d’injustice ou d’abus. Ou encore, choisissez la curiosité et combinez-la avec la perte de l’innocence ou le passage à l’âge adulte.

Un exemple qui a su tirer profit de cette technique est Chinatown, dont le thème, selon Robert Towne, était en fait une émotion – le sentiment de savoir ce qu’il se passe, tout en ne le sachant pas vraiment. Les idées qui s’y rapportent comprennent le mystère, la tromperie, la corruption et les secrets – tous magistralement tissés dans ce scénario classique.
Non seulement le détective Jack Gittes est dans l’ignorance lorsqu’il tente de résoudre le mystère, pensant qu’il sait ce qu’il se passe vraiment, mais les autres personnages le sont aussi. Le lieutenant Escobar ne sait rien, bien sûr, mais Evelyn, avec son sombre secret, ignore tout du détournement d’eau orchestré par son père. Même Noah Cross, le cerveau qui tire les ficelles, ne sait pas qu’Evelyn a l’intention de s’échapper de Los Angeles avec sa fille.

Le thème est lié au besoin du personnage principal et à sa nécessaire évolution

Quelle est la décision émotionnelle majeure que votre personnage principal doit prendre afin de résoudre le problème de l’histoire ? C’est là que vous trouverez le thème.
Parce que les histoires essaient de transmettre une vérité sur la condition humaine, et les histoires parlent à propos d’êtres humains. C’est une technique narrative courante que l’axe de l’arc dramatique (le changement intime de la personnalité du personnage principal) représente le thème.

Si le thème est la rédemption, le héros y parviendra à la fin, ou non, selon l’histoire que vous racontez. Si c’est le triomphe de l’esprit humain que vous avez l’intention de mettre en avant, il est évident que le parcours intérieur du protagoniste ira de l’échec d’abord jusqu’au triomphe.

Un bon exemple de cette technique est la comédie romantique Un jour sans fin qui raconte l’histoire d’un présentateur météo égocentrique, arrogant et cynique qui est maudit (ou béni) de revivre le même jour jusqu’à ce qu’il apprenne à le vivre correctement.
Il souffre tout du long, mais trouve progressivement le courage de se transformer en un être humain authentique, accompli.

En racontant cette histoire, le film touche à la vérité essentielle selon laquelle lorsque nous dépassons le ressentiment sur notre condition humaine et que nous acceptons notre situation, nous pouvons devenir authentiques et compatissants.
Mais le scénariste garde ce message en arrière-plan en se concentrant sur l’évolution du héros, qui passe de la confusion et du désespoir à la générosité et à une profonde compassion pour la vie et les autres. En maintenant cet arc dramatique sur le devant de la scène, le message résonne de manière émotionnelle et non intellectuelle.

Le positif chez le héros, le négatif chez l’antagoniste

Une autre technique pour révéler subtilement votre thème est de façonner l’antagoniste de telle façon qu’il illustre le côté sombre de l’évolution habituellement vers le bien du personnage principal.

En d’autres termes, opposez le héros et le méchant sur le plan thématique. Montrez l’aspect positif de votre thème à travers le parcours du protagoniste vers habituellement un devenir meilleur, tandis que vous révélez le côté négatif à travers l’antagoniste. Il faut montrer l’avers et le revers de l’arc dramatique comme s’il y avait un prix à payer (c’est d’ailleurs bien plus dramatique).

Le classique Vol au-dessus d’un nid de coucou fait un très bon usage de cette technique en ayant le héros, McMurphy, qui représente la liberté, tandis que l’infirmière Ratched représente la répression.
Belloq dans Les aventuriers de l’Arche perdue répond à Indy qu’il est le reflet le plus sombre d’Indiana.

Le thème dans l’intrigue secondaire

Karl Iglesias a une conception un peu singulière pour l’intrigue secondaire. En effet, il pense que l’intrigue secondaire pourrait être le lieu de la description de l’arc dramatique du protagoniste, cette trajectoire intime vers un changement.

Il accepte néanmoins que le thème pourrait être tout aussi bien communiquer au cours d’une intrigue secondaire. Par exemple, Tootsie, dont le thème principal est le rôle des femmes dans la société américaine, parle d’un homme qui découvre qu’être une femme fait de lui un homme meilleur.
Déguisé en Dorothy, le héros, Michael, découvre les humiliations quotidiennes que les femmes subissent aux mains des hommes. Ce qui distingue cette comédie romantique de toutes les autres, outre son thème universel, c’est le nombre d’intrigues secondaires, cinq au total, chacune représentant un personnage différent et une façon différente dont les femmes sont traitées.

Chaque intrigue secondaire représente un aspect du thème principal.

Chaque personnage incarne un aspect du thème

C’est le cas dans Tootsie. Dans chaque intrigue secondaire s’incarne un personnage différent. Cependant, vous pouvez également utiliser cette technique si votre histoire ne comporte pas d’intrigue secondaire, ou si l’intrigue secondaire n’est pas adaptée à votre thème.
Dans ce cas, chaque personnage de l’histoire illustre une facette différente de votre thème.

Plus il y a de personnages, plus les angles explorés sont nombreux, plus le thème est profond. C’est le cas dans Le Parrain, qui traite du pouvoir : Vito Corleone veut le garder, malgré les changements modernes dans le trafic de drogue, Michael ne veut rien avoir à faire avec cela au début, mais ensuite il est forcé ou séduit, et Sonny ne peut pas le contrôler.

Deux arguments opposés aussi vrais l’un que l’autre

Cela peut paraître un paradoxe. Néanmoins, de la dialectique de ces deux arguments, de la confrontation des thèmes qu’ils défendent, votre message en ressortira plus puissant.

Parfois, les auteurs sont tellement passionnés par leur message qu’ils présentent à tort un argument partial et unilatéral qui transforme souvent leur histoire en sermon.

Pour y remédier, et faire ressortir votre vérité, vous pourriez présenter l’argument opposé avec autant de force et de passion que votre vérité. Cela rend l’histoire plus impartiale. Pour ce faire, vous créeriez des scènes qui illustrent les points de vue positifs, négatifs et différents de votre thème, le tout de manière tout aussi convaincante.

La théorie narrative Dramatica qui se veut pratique malgré la difficulté de son approche ne préconise rien d’autre.

thèmeC’est ce qu’a fait Spike Lee dans Do the Right Thing, qui examine le racisme dans toute sa complexité, en évitant les réponses simples et en transmettant plutôt une mosaïque de points de vue différents.
Chaque fois que vous pouvez transmettre un thème où les deux parties ont raison, vous avez un drame, comme dans Kramer contre Kramer. Bien que le lecteur soit du côté du père, puisque c’est le personnage principal qui passe le plus de temps avec son fils, il comprend également la mère. Tous deux avaient des arguments tout aussi convaincants.

Tisser le thème dans les dialogues

Faire allusion à un thème par les dialogues est une technique courante. Cependant il n’est pas recommandé d’énoncer le thème trop directement. Mais il peut être dit s’il découle naturellement d’une situation et, plus important encore, s’il est sous-entendu dans le texte plutôt que dit par un dialogue explicite.

Cela est fait brillamment dans Casablanca, où Rick répète la phrase “Je me sacrifie pour personne” à différents moments du film, renforçant ainsi le thème de l’égoïsme et de l’individualisme contre l’altruisme à travers quelques lignes de dialogues.

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