DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (110)

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Chapitre 24

Storytelling et les appréciations d’intrigue

Les appréciations d’intrigue (ou Plot Appreciations selon la terminologie de Dramatica) sont les moyens narratifs qui permettent au lecteur d’appréhender l’histoire, sa signification, le sens de ce qu’il s’y passe (le comment, le quand, le pourquoi…).

Avant d’entrer dans le vif de ce chapitre, quelques révisions s’imposent :

Chapitre 17 :
Appréciations de l’intrigue (sur le plan thématique)

DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (62)

Les appréciations

DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (63)
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (64)

Les appréciations (ou Plot Appreciations) se présentent soit sous une forme statique, soit sous une forme progressive.

Les appréciations statiques sont les objets dramatiques d’objectif, d’exigence et de conséquence. Même la notion de Concern d’une ligne dramatique aide à l’appréhension de l’histoire par le lecteur et est considérée comme statique.

Parmi les appréciations progressives, il y a la notion d’actes.

Un acte est une succession, une séquence, une série d’événements qui forment forcément une progression et cette progression est elle-même un objet dramatique porteur de sens, d’une signification à disposition du lecteur.
Cet article DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (96) vous permettra d’en savoir davantage sur cette notion d’acte mais en fait, une lecture ou relecture du Chapitre 18 : La progression de l’intrigue pourrait vous être bien plus profitable.

Nous avons donc vu que les types des domaines permettaient de construire les actes pour chacune des lignes dramatiques. En fait, ces types sont ordonnancés de manière à devenir un acte.

LES APPRÉCIATIONS STATIQUES

Nous avons identifié 8 appréciations statiques :

  1. Story Goal
  2. Requirements
  3. Consequences
  4. Forewarnings
  5. Dividends
  6. Costs 
  7. Prerequisites
  8. Precondition

Examinons quels problèmes ces Static Appreciations soulèvent.

Story Goal

Le Story Goal apparaît le plus souvent dans le domaine objectif (Objective Story Throughline associée à une classe donnée) du moins dans notre culture occidentale.
Car le Story Goal est susceptible de se manifester de manière tout à fait légitime dans chacun des quatre domaines possibles.

Comme le problème soulevé par le Story Goal est une question de choix pour l’auteur, nous avons besoin de nous pencher un peu plus sur la nécessité de ce Story Goal (que l’on peut réduire à la notion d’objectif pour en faciliter la lecture) vis-à-vis du lecteur (notre ultime interlocuteur).

Partant, Quel sera le type de contrôle que nous pourrons exercer sur notre lecteur simplement en décidant où placer cet objectif (ou Story Goal) ?

Le lecteur perçoit le Story Goal comme l’objectif central de l’histoire. Ainsi, il sera de même nature que le Concern de l’un des quatre domaines. Je vous renvoie à cet article DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (91) pour approfondir cette affirmation.

L’une des composantes d’un domaine étant la ligne dramatique, choisir le Story Goal selon une ligne dramatique donnée revient à vouloir mettre l’accent en particulier sur cette ligne dramatique dans le processus de narration (Storytelling tel que le vocabulaire de Dramatica le reconnaît).

Par exemple, si les expériences de votre personnage principal est ce qui importe le plus pour vous en tant qu’auteur, vous aurez alors tout intérêt à choisir pour le Concern de votre personnage principal et pour le Story Goal, une valeur (ou propriété ou attribut ou signifié) identique.

Quelques exemples d’un rapport entre Concern et Story Goal :

Blade Runner
Overall Story Concern : Obtaining
Overall Story Goal : Obtaining

Orange mécanique
Overall Story Concern : Progress (c’est-à-dire comment les choses changent inéluctablement)
Overall Story Goal : Progress

Concern : Alex est de plus en plus préoccupé de la façon dont sa liberté d’action (son libre-arbitre) est progressivement inhibé. Alexander est inquiet du changement politique qui se produit au sein de la société puis plus tard développe un désir de vengeance contre Alex.

Fred, le ministre de l’intérieur, veut voir sa carrière et son statut évoluer. La bande d’Alex veut voler de ses propres ailes et Deltoid veut faire avancer les choses en convainquant Alex de reprendre des études.

Goal : Tous les personnages de cette histoire sont concernés ou préoccupés par les tendances psychopathes d’Alex et l’avancée du traitement qu’on lui fait subir afin de corriger si possible ses tendances.

Hamlet
Overall Story Concern : Memory
Overall Story Goal : Memory

Concern : Tout un chacun cherche à être en paix avec le souvenir du Roi Hamlet (à ne pas confondre avec son fils, le Prince Hamlet).
La plupart des personnages n’ont d’autres solutions que de faire disparaître ce souvenir mais Hamlet veut le conserver vivant et douloureux.

Goal : Hamlet ne cesse de ressasser le souvenir de son père qui semble avoir été un bien meilleur Roi que ne l’est Claudius. Cette attitude entre en conflit avec les efforts concertés des autres pour oublier le Roi Hamlet.
Claudius tente (ce qui nourrit le conflit) d’instaurer un nouvel ordre dans lequel le passé ne peut peser.

Le Parrain
Overall Story Concern : Obtaining
Overall Story Goal : Obtaining

Concern : Au cœur de l’histoire est la préoccupation de mettre en place un nouveau Chef de famille, un nouveau parrain. Le parrain prodigue des faveurs à ceux qui le lui demandent. Et ceci implique toujours un retour.

Cette mise en place crée une certaine désorganisation dont Sollozzo, Sonny, le Don lui-même, Barzini et chaque mafioso en fait cherche à tirer profit pour acquérir encore plus de pouvoir.
Kaye veut que Michael soit simplement son mari. Quant à Fredo et Carlos (le mari de Connie), ils cherchent à se faire respecter davantage. Tout un chacun cherche à concrétiser quelque chose dans cette histoire.

Goal : L’objectif pour la famille Corleone est de recouvrer leur position de pouvoir et de trouver un nouveau parrain capable de maintenir durablement cette position.

Comme vous le constatez avec ces quelques exemples, le Story Goal est souvent lié à la fois au Concern de l’Overall Story ainsi qu’à l’objectif de cette Overall Story, surtout si tout un chacun dans cette histoire est concerné de près ou de loin par le même problème.
Mais rien n’interdit que le Story Goal soit assigné au Concern et à l’objectif d’une des trois autres lignes dramatiques (Main Character Throughline, Influence Character Throughline ou Subjective Story Throughline).

Chaque ligne dramatique possède son propre Concern. Lorsque le lecteur considère chacune des lignes dramatiques séparément, il se concentrera sur le Concern comme le principal objectif selon ce point de vue particulier (une ligne dramatique est en effet une perspective, un point de vue singulier sur l’histoire).

Lorsque ce même lecteur voit l’histoire comme un tout, il se laisse envahir par la narration et instinctivement, il considérera une des quatre lignes dramatiques comme étant plus cruciale, plus importante pour l’histoire et le Concern de cette ligne dramatique sera pour lui l’Overall Story Goal.
Posé autrement et bien que les quelques exemples ci-dessus ne le montrent pas, nous pourrions avoir autre chose que l’Overall Story Concern (cela pourrait être aussi bien Main Character Concern que Influence Character Concern ou Subjective Story Concern).

Le Story Goal peut être d’importance pour certaines histoires et pour d’autres, il est moins préoccupant (par exemple lorsque l’objectif est un McGuffin, un artifice dramatique qui tente de rendre légitime le but à atteindre mais qui n’a en fait aucune importance dans le déroulement de l’intrigue).

En fait, chacune des quatre lignes dramatiques peut se manifester avec une égale importance ce qui résulte pour le lecteur à une confusion sur la question dramatique qu’il devrait se poser : globalement, Mais de quoi parle cette histoire ?

Bien sûr, ce n’est pas parce que l’Overall Story Goal ne peut être identifié que l’histoire souffre d’un manque. Chaque ligne a un objectif. Et le fait qu’aucun des objectifs ne se propose en primat signifie simplement que l’histoire n’est pas orientée principalement vers cet objectif.
Il peut être par exemple d’une moindre importance que la destinée d’un personnage (et l’objectif ou Story Goal serait alors un des instruments de cette destinée). La réception de l’histoire par le lecteur fonctionne alors parce que le lecteur perçoit les quatre lignes comme un tout. Il en fait la synthèse pour en tirer de la signification.

Par contre, le Concern de chaque ligne dramatique doit apparaître clairement. Si l’auteur se montrait confus sur l’un d’entre eux, l’histoire s’avérerait manquer de quelque chose parce que le Concern est d’abord une Appreciation (un moyen de comprendre l’histoire) et ensuite, ce Concern appartient à la structure de l’histoire.

La narration ou Storytelling se déploie sur cette structure d’où le concept d’appréciations structurelles que l’on peut retenir dans la définition de Concern.
Concern ne dépend pas du Storytelling pour exister. Il est nécessaire au Storytelling pour que celui-ci existe. Le Story Goal en revanche est un élément dramatique qui relève totalement de la narration et si la narration n’en a pas besoin véritablement pour s’exprimer, l’histoire n’en souffrirait pas.

Pour sélectionner un objectif, certains auteurs préfèrent se pencher d’abord sur le Concern des lignes dramatiques. De cette façon, ils ont déjà une idée des objectifs potentiels (puisque le Concern est similaire à l’Objective Story Goal).
Ils ne leur restent qu’à décider quels seront les Concern et Objective Story Goal sur lesquels ils souhaitent développer ce qu’ils ont à dire.

D’autres auteurs ne se posent aucune question sur l’objectif puisqu’il ne fait pas partie de la structure de l’histoire. Ils choisissent un Concern et laissent l’inspiration (ou leur imagination et son processus imaginaire ce qui me semble plus juste) faire apparaître presque organiquement, naturellement, une ligne dramatique et un Story Goal sur lesquels l’attention du lecteur sera particulièrement sollicitée.

D’autres auteurs préfèrent partir avec un objectif en tête. Pour le moment, ils ne se préoccupent pas du Concern et donc du domaine dont le Story Goal relèvera. La question que se pose l’auteur est alors simplement : De quoi parle mon histoire ?

Quelle que soit la méthode retenue pour choisir un Story Goal, l’auteur créera malgré lui un Storyform  qui reflétera l’intérêt que cet auteur a à raconter son histoire.

Pour le Storyform, je vous conseille de relire SECTION 2 : L’ART DE LA NARRATION.

Nous avons vu qu’il existait 4 classes différentes parmi lesquelles nous pourrions choisir un Story Goal. Chacune des classes possède 4 types uniques.

Concrètement, la question essentielle que nous pourrions nous poser d’abord serait de savoir si l’objectif de notre histoire est quelque chose de physique ou bien de mental. Par cette décision, nous limitons notre réflexion soit aux classes UNIVERSE et PHYSICS (qui décrivent un monde physique), soit aux classes MIND et PSYCHOLOGY (qui décrivent un monde mental).

Les quatre classes nous offrent 16 types d’objectifs possibles. En optant pour un monde physique ou bien un monde mental dès le début, la problématique se réduit à 8 types d’objectifs possibles. Pour continuer sur ce mouvement réducteur qui n’en est pas moins créateur, nous pouvons nous pencher sur les désignations des types :

PHYSICS : Understanding, Doing, Learning, Obtaining
UNIVERSE : Past, Progress, Present, Future
MIND : Memory, Preconscious, Conscious, Subconscious
PSYCHOLOGY : Conceptualizing, Being, Conceiving, Becoming

Notez que le suffixe en ing indique un état mental. Cela peut paraître étrange vis-à-vis de PHYSICS. Nous pourrions comprendre que PHYSICS décrit notre rapport au monde alors que PSYCHOLOGY serait davantage un descriptif de phénomènes purement mentaux.

Certains de ces types sont facilement reconnaissables. D’autres sont un peu plus opaques ou obscures. Cela peut s’expliquer car notre culture occidentale favorise certains types de problèmes alors qu’elle ne prête qu’une attention superficielle à d’autres.
Cela se reflète dans les mots que nous utilisons au quotidien ou bien dans un langage plus technique. Les mots utilisés pour définir les types sont assez précis. Certains d’entre ces types méritent néanmoins une réflexion un peu plus approfondie. Une définition peut aider en cela.

Quelle que soit la manière dont vous choisirez votre Story Goal, optez pour le type qui représente le mieux le type d’objectif sur lequel vous souhaitez vous concentrer dans votre histoire.

Nous continuerons l’étude des appréciations statiques dans le prochain article.

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