SCÉNARIO MODÈLE : LE PARRAIN

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Lorsque Le Parrain est sorti, nous eûmes l’impression que quelque chose de nouveau se produisait dans l’art de raconter une histoire au cinéma. Francis Ford Coppola considéra que ce qui pouvait apparaître aux yeux de certains comme une histoire toute emplie de clichés pouvait bien révolutionner le statut quo dans lequel s’enlisait Hollywood.

Pour nourrir son inspiration, Coppola se tourna alors vers le cinéma européen et en particulier l’avant-garde française des années 60 et 70 (la Nouvelle Vague) et le néo-réalisme italien d’après-guerre.

Les buts avoués de Francis Ford Coppola étaient la recherche d’une esthétique beaucoup plus réaliste dans laquelle les plans filmés en décors naturels prirent une grande part et un scénario à la narration intriquée et à plusieurs niveaux.

L’esthétique singulière de La Nouvelle Vague inspira Coppola lorsqu’il adopta cette esthétique sombre et anticonformiste qui caractérise Le Parrain en particulier avec ses ombres et ses couleurs particulièrement travaillées pour renforcer sentiments et émotions.

Le Parrain fut ainsi physiquement plus réaliste et psychologiquement plus intense. Il procurait à ses lecteurs/spectateurs une expérience viscérale de l’animalité à la fois dans un monde de prédateurs et de proies mais aussi dans cet homme sauvage mû uniquement par son animalité duquel nous sommes à peine sortis même si depuis, nous avons marché sur la lune.

Les origines du scénario du Parrain cependant étaient plus anciennes que les années 1970.
En racontant une histoire à propos de passions qui s’entrechoquaient dans un monde sombre et froid, Le Parrain renouait avec l’expérience de la tragédie donnant sa propre version d’Hamlet ou d’Œdipe.

Et la réponse du public fut plus que favorable. Nous allons étudier dans cet article le modèle narratif du Parrain en déconstruisant son scénario afin de nous permettre de comprendre les mécanismes narratifs à l’œuvre nous rendant peut-être capable d’écrire nous-mêmes notre propre tragédie.

Le dénouement

Pour déconstruire un scénario, mieux vaut commencer par sa fin. De manière corollaire, j’en déduit qu’avant de se lancer dans l’écriture proprement dite de son scénario, autant au préalable savoir comment il se terminera.

Nous avons vu dans cet article
PENSER LE SCÉNARIO
que ce qu’il fallait rechercher dans un scénario dont on veut se servir comme modèle ou bien lorsqu’on écrit son propre projet, était un effet cognitif sur le lecteur, c’est-à-dire l’impression que nous allions laisser à notre lecteur à la fin de l’histoire.

Voyons maintenant la conclusion du Parrain et essayons d’en isoler l’effet cognitif (du moins d’interpréter cet effet à la lumière de notre propre subjectivité) :

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Le scénario se termine avec l’ascension de Michael, le fils de Don Corleone, au trône de son père. Mais auparavant, alors que Michael se préparait à être intronisé comme le nouveau parrain, Kay, sa femme, le confronte sur la mort du mari de la sœur de Michael.

Dans un premier mouvement, Michael ignore Key lui ordonnant de ne pas se mêler de ses affaires mais comme Kay insiste, Michael s’emporte.

La scène se termine lorsque des hommes approchent Michael, lui rendent hommage (par le baise-main), l’appellent par le nom de son père.
Et pendant ce temps, la porte se referme sur Kay l’excluant en quelque sorte de la salle du trône et comme nous restons sur Kay, le fondu au noir symbolise Michael s’estompant dans les ténèbres.

L’interprétation du dénouement
Une approche mythique

Les romains croyaient qu’un homme aux pouvoirs d’un César pouvait littéralement faire de lui-même une déité. Le dieu le plus puissant du panthéon romain était Jupiter. On pourrait tout aussi bien parler de Zeus dont Jupiter s’inspire fortement mais le contexte du Parrain nous incite à mentionner Jupiter.

Qui était Zeus (ou Jupiter) ?

Bien qu’il soit connu pour être un grand dieu, Zeus est un être cruel puisque ses sanctions sont marquées du sceau de l’éternité. Ceux qui lui désobéissaient ou lui manquaient de respect étaient punis sans pitié comme par exemple Prométhée qui, pour avoir volé le feu aux dieux pour l’offrir aux hommes, se retrouva enchaîné pour l’éternité à une montagne où un aigle lui dévorait le foi chaque jour.

Il força Héra, sa sœur, à devenir sa femme et se montra malhonnête envers elle multipliant les conquêtes. Notons l’ironie d’avoir choisi Héra, protectrice des femmes et déesse du mariage.
Parmi les exactions de Zeus, gardons en mémoire qu’il tenta de violer Aphrodite (et il semblerait qu’elle ne soit pas la seule victime de ce pervers) ou qu’il séduisit Perséphone sous les traits d’un serpent.

Zeus était aussi un être très égoïste ne se souciant guère que de lui-même.

Jupiter, à l’image de Zeus, est donc un dieu violent et un délinquant sexuel qui prenait ce qu’il voulait par le meurtre et le viol. Pour lui, le mensonge et la tromperie étaient des droits divins.
Junon (Héra chez les grecs) ne pouvait espérer qu’un tel être ne la considère comme son égal. L’attitude de Jupiter envers Junon était odieuse.

Comment les romains voyait un tel dieu ?

Ce qu’ils ressentaient (l’effet cognitif qu’il leur inspirait) était un mélange de terreur et d’émerveillement (c’était un dieu, après tout et le roi des dieux). Jupiter permettait aux hommes de prendre conscience de leur propre insignifiance.

Qu’est-ce que cela a à voir avec Le Parrain ?

C’est à un sentiment similaire que le dénouement du Parrain mène le lecteur/spectateur. Nous apercevons une grande force surhumaine (sublime, inaccessible) qui nous rejette avant que nous n’ayons pu la comprendre. Nous sommes dans la tragédie.

Le monde du Parrain

Le monde du Parrain au début de l’histoire est très similaire à celui de la fin de l’histoire parce que dans la tragédie, le monde détruit le héros et le héros ne peut changer le monde. Donc, dans un scénario tragique, la scène finale renvoie par symétrie au début de l’histoire.

Ainsi, dans Le Parrain, nous finissons sur l’image d’un pouvoir sublime et cela nous renvoie à la même impression que nous avons tirée dès la séquence d’ouverture (même lieu, même marque de respect envers Don Corleone) lorsque le Don obtient de Bonasera ce qu’il veut (et ce n’est pas l’inverse, ne nous méprenons pas, c’est bien l’intention du Don qui importe dans cette scène).

L’idée de pouvoir associée à celle de sublime est la règle qui régit ce monde. C’est pour cette raison que la scène commence par Bonasera en face caméra (mentionnée dans le scénario).
Ce face caméra de Bonasera n’est pas une intrusion du scénariste dans les prérogatives du metteur en scène.

Ce plan est constitutif de la signification de la scène dans son rapport au sublime parce que pour préserver un sens de majesté, il est nécessaire de cacher le dieu des regards car plus l’ombre s’étend et mieux est suggéré le sens du sublime (tout comme dans le dernier plan où le scénario fait se refermer la porte sur Michael et non sur Kay).
Lorsque le scénario devient prescriptif, il faut s’assurer que cela ajoute au sens. Dans Le Parrain, le dieu est homme. Il est justice et miséricorde.

Ce qui rajoute encore au sens de sublime qui emplit l’aura du Don, c’est que Bonasera nous conte comment il en est arrivé à considérer la justice des hommes comme un mensonge.
Bonasera a voulu croire dans le rêve américain et la liberté (illustrée par la mésaventure tragique qui est arrivée à sa fille qui fut traitée comme un animal pour satisfaire la luxure de certains hommes et qu’un juge a relâchés).

Alors Bonasera recherche une autre justice pour sa fille. Une justice que le rêve américain ne connaît pas. Et le corrélat avec le point de vue mythique que l’être humain est par nature un animal violent et sans moralité appelle le secours d’un patriarche puissant pour sauver l’homme de sa propre destruction, pour restreindre les instincts violents et mauvais de la nature humaine qui dégénère l’homme en animal.
En somme, on retrouve dans ce motif toute la mythologie qui entoure nos super-héros, justiciers modernes.

Nous avons besoin de retrouver ce temps où nous pouvions mettre notre foi en des hommes puissants afin de nous protéger, de nous tourner vers des César afin que justice soit faite.

Le conflit

Nous avons vu dans cet article
ET LE PERSONNAGE EST
que le conflit naissait lorsqu’un personnage s’opposait à la règle du monde dans lequel il évolue.

Une fois que le monde du Parrain a été établi (dans ce qui peut être considéré comme un prologue), la séquence d’ouverture introduit Michael (le personnage principal).

Michael est un héros tragique en conflit avec son monde. Il est le fils de Don Corleone. Mais plutôt que de nous le présenter comme un fils totalement soumis à la règle de son père, le scénario nous le dépeint minutieusement comme détaché et en conflit avec sa famille.

Le premier indice nous est donné juste après le prologue lorsque Don Corleone veut faire une photo de famille mais Michael n’est pas présent et Don Corleone refuse de prendre la photo.
La distance de Michael est ensuite renforcée lorsque Michael arrive en uniforme des Marines.

Ce choix vestimentaire traduit l’effort de Michael dans son refus des liens familiaux qui perpétuent l’autorité du Don. Parce que comme le Don le proclame à propos de son gendre, tout ce qui concerne les affaires doit rester dans la famille.

En signant avec les Marines, Michael s’est engagé pour défendre une certaine liberté. Cette même liberté à laquelle Bonasera ne croit plus. Pourtant, Michael a décidé de risquer sa vie pour quelque chose de plus grand que la famille. Il accompagne au combat des camarades qu’il ne connaît pas, avec lesquels il n’a aucun lien de sang. Michael marque ainsi son indépendance vis-à-vis des liens familiaux.

Les liens du sang sont précisément cette règle qui régit le monde du Parrain. La liberté que défend Michael, cette certaine idée de la démocratie, représente la menace la plus insidieuse contre le pouvoir de son père qui dépend entièrement de la famille patriarcale. Le thème du Parrain pourrait être le combat de la démocratie contre l’oligarchie despotique d’une puissante famille, ce qui assurément est une idée universelle.

Mais nous sommes dans une tragédie. Et dans une tragédie, les peurs les plus intimes des personnages se réalisent toujours et Michael ne peut faire autrement que de devenir le nouveau parrain.

Pour introduire notre propre héros tragique, nous pouvons emprunter le même mécanisme qui a servi dans le scénario du Parrain. Il faut établir que la plus grande peur du personnage principal est de se soumettre à la règle qui régit le monde de l’histoire et lui faire déclarer clairement son indépendance vis-à-vis de cette règle (Dans Le Parrain, par exemple, le port de l’uniforme des Marines lors du mariage de sa sœur ainsi que par les quelques répliques qu’il échange avec Kay lorsqu’il lui dit C’est ma famille, ce n’est pas moi).

L’ironie de la tragédie est que cette position sincère du personnage principal est précisément ce qui va le conduire à sa propre perte et c’est ce qui va fonder toute l’intrigue.

L’intrigue du Parrain fondée sur la vengeance

L’intrigue suit l’arc dramatique de Michael. Á travers les tribulations de l’intrigue, Michael prendra la place de son père, sera en totale harmonie avec les lois de la famille et deviendra ce patriarche qu’il redoutait tant de devenir.
Et le scénario organise l’intrigue simplement et élégamment en se fondant sur la vengeance.

Concernant cette intrigue sur la vengeance, je vous propose ces quelques articles :

La vengeance nourrit l’intrigue, lui donne son élan.  Elle participe de l’explication du devenir de Michael qui, étape par étape (une séquence de nœuds dramatiques que l’on peut planifier avant d’écrire le scénario)  rejettera le sens de la justice selon l’idéal de la démocratie et le ramènera vers la famille. La seule loi ou la loi véritable est celle de la famille.

Ce qui motive le désir de vengeance est bien souvent de vouloir venger un être cher d’une iniquité. Il y a une victime et le héros demandera réparation au nom de cette victime.
Dès le prologue, c’est déjà ce que Bonasera réclame. En venant auprès de Don Corleone pour réclamer justice pour sa fille, Bonasera tente de faire amende honorable pour retrouver une place symbolique au sein de la famille, pour que sa fille soit de nouveau sous la protection de son parrain et non sous celle des lois d’une société démocratique qui ne lui a pas rendu justice.

Notez que l’auto-victimisation ne pourrait pas fonctionner avec Le Parrain. La raison en est simplement l’intention de cette histoire qui veut que Michael devienne comme son père.

Tenant compte de la volonté de l’intrigue à vouloir ramener Michael dans le giron de la famille, une victime toute désignée est alors apparue : son père puisque Michael est destiné (la détermination est une des conventions de la tragédie, on n’échappe pas à son destin) à remplacer son père à la tête de la famille.

Seulement, il n’est pas crédible de poser une victime sans donner l’explication des circonstances qui sont à l’origine de ce fait. Un événement ne peut être dû à La Providence (sauf dans l’incident déclencheur où l’intervention du hasard peut être acceptée).
Il faut une cause (en fiction, la causalité a une grande importance).

Ainsi, Don Corleone refusera de s’associer à Sollozzo (le véritable méchant de l’histoire dans ce scénario) dans le trafic de drogues faisant paradoxalement de lui un mafieux soucieux des intérêts de sa communauté.
Don Corleone devient une cible. Le scénario parvient alors à expliquer le réveil de la loyauté latente de Michael envers sa famille lorsque de cible, le Don devient une victime.

Planifier l’arc dramatique de Michael

Admettons qu’un personnage possède une essence, elle est sa véritable nature. Sa finalité est de recouvrer cette essence. Or l’essence n’est pas la cause qui fera qu’un personnage évoluera au cours de l’intrigue. Elle est un but et comme tous les buts, on ne peut l’atteindre qu’à travers certaines étapes qui nous en rapprochent.

Nous avons vu que Michael était destiné à prendre la place de son père. C’est la finalité de ce personnage. Quel que soit le jugement que l’on peut vouloir porter sur ce destin tragique, c’est la destination de Michael, nous le savons et si nous étions l’auteur d’un tel personnage, c’est cette conclusion que nous voudrions pour lui alors que nous ne savons pas encore comment il peut y parvenir.

Le préalable est de poser ce que l’on veut de son personnage et ensuite seulement, nous réfléchissons aux moyens qui nous permettront de réaliser ce personnage selon la visée singulière qui le concerne.

L’arc dramatique sera déconstruit de nœuds dramatiques en nœuds dramatiques en partant de la fin jusqu’à remonter à l’événement qui a initié ce mouvement vers l’avant.
L’événement initial qui permettra à Michael de se comporter conformément aux lois de la famille se produit lorsqu’il visite son père à l’hôpital et que les gardes du corps ont été volontairement éloignés.

Á partir de ce moment, son point de vue sera progressivement changé. Son comportement deviendra celui d’un gangster. Il n’y a en effet qu’un pas entre une défense passive et la décision d’abattre un baron de la drogue.
Avec cette réponse (probablement émotionnelle), Michael est pris dans un vortex de vendetta aussi vieux que le monde et dont il ne ressortira plus.

Et les différentes étapes se succéderont (sa nouvelle femme tuée dans un attentat, l’assassinat de son frère Sonny) pour entraîner de plus en plus profondément Michael dans l’assouvissement de sa vengeance.
Mais Michael ne peut en sortir vainqueur. C’est le monde de cette histoire qui ne peut que l’emporter conformément à la convention tragique qui l’anime. L’uniforme du Marines sera remplacé par le costume du Don, évolution tragique de notre héros.

Pour reproduire un mouvement similaire (la similitude ne porte que sur le mouvement du tragique), il suffit de construire à rebours une série d’événements au cours de l’intrigue qui mèneront le personnage principal à suivre la règle du monde à laquelle il s’opposait lorsque nous avons fait sa connaissance.

Si la règle du monde est la cupidité, le personnage principal qui était généreux deviendra avide de richesses. Si la règle du monde est la guerre, le personnage principal de pacifiste deviendra un ardent combattant.
Et si cette règle est que nous n’échappons pas à notre destin, alors le héros accomplira la prophétie de sa destinée.

La tonalité tragique du Parrain

Nous avons vu dans cet article
LE NARRATEUR DONNE LE TON
que le narrateur tout-puissant était la voix de la tragédie. Un scénario tragique confère à l’œuvre une aura divine mêlée aux sentiments humains.

Cette impression imprègne chaque scène du Parrain mais aussi les transitions entre les scènes. Étudions cette scène qui reflète le fonctionnement de nombres d’entre elles :

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Sonny fait payer cher à Carlo d’avoir battu sa sœur Connie (encore une fois, un acte de vengeance qui aurait été moins intense si Connie n’avait pas été la sœur de Sonny).
Il faut retenir la réplique : Si tu touches encore une fois à ma sœur, je te tue

Puis nous basculons sur le mariage de Michael aux images emplies de chants d’église et ce prêtre célébrant l’événement dans un latin liturgique.
Cette transition appartient de plein droit à la narration en accouplant la violence du monde à une crainte spirituelle, la brutalité à la spiritualité, principe fondateur et organisateur du tragique sublime. Peur et révérence forment le sentiment du tragique et du sublime.

La technique narrative que nous pouvons déduire de ce principe est que l’un des plus puissants moyens de générer une certaine atmosphère est de bien penser ses transitions entre les scènes.
En choisissant minutieusement là où se termine une scène et où débute la suivante, nous pouvons créer une juxtaposition significative d’où émanera le ton particulier que nous cherchons à créer.

La scène où tout bascule

Alors que l’incident déclencheur peut être l’événement de la tentative d’assassinat de Don Corleone, cet événement n’est pas encore celui où Michael s’engage irrémédiablement vers son destin. Je vous renvoie à cet article sur le concept des deux événements tel que l’a décrit Syd Field :
SYD FIELD & LA NOTION DES DEUX EVENEMENTS

Avant que Michael ne commence à s’accomplir comme parrain, le scénario a besoin de créer un moment particulier lors duquel Michael sera intronisé dans le domaine du parrain.

La toile de fond pour que ce moment existe consiste à créer un conflit à l’intérieur du monde de l’histoire. Ce conflit sera incarné par le débat que se livre Sonny et Hagen, le conseiller du Don, à propos de la suite à donner à la tentative d’assassinat du Don.

Hagen, conforme en cela à sa personnalité, est un être qui sait rester calme dans les situations difficiles, quelqu’un de lucide alors que Sonny est tout le contraire : passionné, impulsif et prenant les choses personnellement.

Le scénario est très malin parce qu’il va se servir de l’hospitalisation du Don pour justifier une crise familiale par le désaccord entre Sonny et Hagen. Comprenez bien que l’hospitalisation du Don est parfaitement légitime puisqu’il est gravement blessé.
Par contre, la crise familiale ne coule pas de source et pourtant, l’auteur cherchait le moyen de faire basculer Michael sur un chemin tragique.

Donc, Sonny argumente pour répondre par un bain de sang alors que Hagen demande à tempérer parce qu’une guerre totale serait plus que néfaste pour les intérêts familiaux (c’est-à-dire les affaires). Ce conflit va créer une ouverture pour Michael dans laquelle il va s’engouffrer et cela lui donne une motivation à agir.

Le plan de Michael associe la logique de Hagen à la passion de Sonny. Il envisage de tuer un flic (ce qui serait effectivement catastrophique pour les affaires) mais de contenir le choc en retour par les influences que les Corleone possèdent dans certains milieux.

Vous pouvez vous servir de cette scène comme d’un archétype pour votre propre héros tragique. Dans la tragédie, le héros est avalé par la vague de la règle du monde contre laquelle il luttait. Cette conversion doit cependant être initiée.

Le principe consiste à créer un conflit entre deux aspects de la règle du monde. Chaque aspect sera incarné par une voix unique dont les attributs seront bien établis dans l’esprit du lecteur (Hagen et Sonny, par exemple, ont deux personnalités bien marquées et très distinctives).
Ce conflit a une finalité : il va permettre de créer un sentiment de sympathie du héros de l’histoire envers la règle du monde contre laquelle il s’opposait jusqu’à présent. Le héros s’identifiera à cette règle, il se reconnaîtra en elle.

C’est le premier mouvement qui mène à la conversion du personnage. Celle-ci ne sera cependant effective que lorsque le héros résoudra le conflit entre les deux aspects. C’est une approche assez ironique, somme toute, puisque le héros ressentira une certaine sympathie envers ce qui le répugnait jusqu’à ce qu’il se sente obligé d’accepter cette règle.

Malgré lui, il va participer à la restauration du monde de l’histoire qui a été malmené par les circonstances précédentes sans se rendre compte que ce même monde le consumera. Mais c’est cela l’essence de la tragédie.

Le héros tragique est un personnage que l’on nous présente comme s’opposant fermement à la règle majeure qui régit son monde. Puis, petit à petit, nous assisterons à sa lente descente aux enfers jusqu’à ce qu’il devienne ironiquement cette règle même.

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