AARON SORKIN : LE LECTEUR

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Une chose est certaine avec le lecteur. Il ne veut pas être un simple observateur, un témoin passif de l’événement. Il veut en faire partie. Il veut participer à l’événement qui se déroule devant ses yeux et ses oreilles et même si c’est par personnage interposé.

Aaron Sorkin prend une métaphore pour tenter d’expliquer cette part active du lecteur dans l’histoire. Il prend comme exemple le pointillisme. Si vous êtes proche du tableau, vous ne percevez qu’une série de touches bleues et rouges par exemple. Mais si vous prenez de la distance, votre esprit transformera ces touches de couleur en un motif totalement différent et surtout significatif.

De même, le lecteur aime assembler les choses. Prises séparément ces choses n’ont pas de sens. L’esprit du lecteur fonctionnera un peu comme celui de Sherlock Holmes. L’auteur dissémine des indices tout au long de son histoire et le lecteur s’en empare et les assemble pour leur donner une signification. Même si c’est Sherlock qui leur fournit la réponse.
C’est un jeu qui le satisfait.

Le lecteur est intelligent

Et effectivement, l’auteur fait appel à l’intelligence de son lecteur. Il ne le traitera pas comme un simple observateur. Et il ne cherchera pas à lui mâcher les choses.
La participation du lecteur dans l’histoire consiste à solliciter un effort de sa part pour lui permettre de comprendre de lui-même les tenants et aboutissants de ce qu’il se passe devant ses yeux (et ses oreilles).

On pourrait être amené à penser que si le lecteur comprend ce qu’il se passe, il sera capable de prévoir ce qu’il va se passer. C’est là que l’auteur joue avec lui parce qu’il fera en sorte de surprendre son lecteur sur les expectations que celui-ci se sera lui-même forgées.

C’est ce que l’on appelle un rebondissement. Et les coups de théâtre font parties de l’histoire. Par exemple, vous avez un personnage qui s’est toujours montré très égoïste, privilégiant ses propres intérêts avant ceux de la communauté. Pourtant, il n’hésitera pas à se sacrifier pour que les autres survivent.
C’est une surprise parce que tout ce que nous avions compris de ce personnage (et qui appartient à la vérité de cet être de fiction) nous avait convaincu qu’un tel geste venant de sa part n’était pas possible.

Vous ne trichez pas avec le lecteur. Cela fait partie de ce que Aristote nomme une impossibilité vraisemblable. Il est tout à fait possible que ce personnage ait eu une envie soudaine de rédemption.

Distribuer l’information intelligemment

Le lecteur reçoit des informations tout au long de l’histoire. Et elles doivent se produire dans un ordre logique. Aaron Sorkin prend l’exemple d’un personnage qui se rend au palais de justice. Une horde de journalistes l’attend au pied de l’institution. Et alors que le personnage et son avocat montent les escaliers, l’avocat prend son client à part pour lui expliquer ce qu’il va devoir faire.

Alors que cette information doit être connue du lecteur, Aaron Sorkin nous dit que cette scène de la montée des escaliers du palais de justice n’est vraiment pas le moment pour qu’un avocat discute avec son client de la stratégie à adopter pour sa défense.

Même si cela ne choque pas de plein fouet le lecteur, il relèvera cependant que l’information a déjà dû être donnée dans d’autres circonstances. En particulier, il imaginera (cela fait aussi partie de la participation du lecteur à l’histoire) le bureau cossu de l’avocat où ce genre de discussion trouve une place plus normale.

Autrement, l’avocat peut parler avec son client lors de la montée des escaliers à la condition toutefois que l’information communiquée est vraiment nouvelle et qu’il soit évident qu’elle n’ait pu être donnée ailleurs.

Dans le même ordre d’idée, l’auteur doit s’assurer que son lecteur comprenne bien ce qu’il se passe. La confusion est vite installée. Un moyen de vérifier que l’auteur ne digresse pas est de se demander si l’information communiquée fait bien avancer l’intrigue.

Il est important de faire en sorte que tout soit clair dans l’esprit du lecteur. Sinon, une certaine anxiété se fera jour dans son esprit et vous perdrez son attention. L’auteur en quelque sorte prend son lecteur par la main et l’entraîne tout au long de l’histoire. Si, ne serait-ce qu’un tout petit moment, le lecteur se sent perdu, il commencera à douter, ressentira un malaise.
D’où l’importance de le rassurer en lui montrant que vous maîtrisez bien ce qu’il se passe dans l’histoire.

Il y a cependant une dérive à éviter. Lorsque l’auteur n’est lui-même pas suffisamment assuré que les informations qu’il distribue seront bien comprises de son lecteur, il a tendance à en rajouter, à être trop précis, à rabâcher. Il alourdit son texte inutilement et le lecteur, qui est un bon juge, ne lui pardonnera pas.

Pour lutter contre cette dérive, Aaron Sorkin insiste sur le fait de ne jamais répéter ce que le lecteur sait déjà. L’information ne doit être communiquée qu’une seule fois et au bon endroit.

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