PLOTTO, MÉTHODE DE SUGGESTIONS D’INTRIGUE

5
(3)

En 1928, William Wallace Cook publiait
PLOTTO
A New Method of Plot Suggestion for Writers of Creative Fiction
Une nouvelle méthode de suggestion d’intrigue pour auteurs de fiction créative. Vous verrez au cours de cette série d’articles l’importance qui sera accordée aux termes de suggestion (il s’agit en effet de suggérer des intrigues chez les auteurs) et de fiction créative.

Tout comme je l’ai fait pour la théorie narrative Dramatica, j’adopterai une approche de doxographe pour PLOTTO, c’est-à-dire que je ne me contenterai pas de seulement traduire le texte mais de le reproduire et de le commenter afin d’en comprendre la véritable signification derrière les mots écrits.
Dans les faits, il s’agit de traduire en notre langage la pensée d’un auteur étranger.

INTRODUCTION

La méthode PLOTTO

PLOTTO permet la création artistique en fiction par une nouvelle méthode de suggestion d’intrigue. Cette suggestion se fonde sur les thèmes (ou Masterplots) et les conflits.

Le thème

Chaque histoire possède un thème, c’est-à-dire une proposition sous-jacente qui indique son type. Le thème peut être clair et distinct ou bien brumeux et vague. Néanmoins, il est toujours évident et permet de différencier un type d’histoire de tous les autres types existants.
Autour de chaque thème, un nombre indéfini d’histoires distinctes et différentes peuvent être écrites.

Une histoire peut être construite avec ou sans un thème en tête. Rarement, peut-être, un auteur commence une histoire avec un thème bien défini. Il peut développer son intrigue à partir d’une situation ou d’un conflit. Néanmoins, comme l’intrigue se développe, le thème se développe avec elle. L’auteur ressentira le thème et, consciemment ou non, arrangera ses conflits d’une certaine manière. Cet ordre, accompli dans l’œuvre terminée, se conformera au thème. Lorsque l’histoire est construite autour d’un thème, ce thème devient un Masterplot.
[Masterplot relève du vocabulaire de PLOTTO et peut se comprendre comme le thème qui règle l’intrigue principale].

La méthode PLOTTO permet à l’auteur de commencer son histoire avec un Masterplot et d’assembler ses situations ou conflits en conformité avec ce Masterplot. Ou bien elle lui permet de commencer avec une situation ou un conflit et consciemment de se mettre à la recherche d’un thème particulier au cours du déploiement de l’intrigue.

Masterplot aux propositions interchangeables

Chaque Masterplot définit en termes généraux et en une ou deux phrases concises un certain type d’histoire. Un Masterplot consiste en trois propositions :

  1. Une proposition initiale définissant le protagoniste en termes généraux

  2. Une proposition centrale initiant et donnant son élan à l’action

  3. Une proposition finale continuant et finissant l’action.

Des suggestions pour exemplifier l’action avec des situations concrètes sont offertes par les conflits.

Les conflits

Le désir, dans certaines de ses nombreuses formes, est responsable de la prise de conscience d’un but, d’un dessein, d’une intention. Quelque chose de l’extérieur, qui affecte quelque chose d’intérieur, excite un sentiment ou une émotion et l’âme s’imprègne d’un but et le but devient action. Puis, quelque part sur le chemin de cette action continuelle, le but rencontre des obstacles. A ce moment, et à ce moment seulement, nous établissons ce que les auteurs de fictions créatives nomment une situation. L’objectif seul ne fait jamais une situation. Un obstacle seul non plus.
Faites en sorte cependant qu’un obstacle vienne frapper contre un objectif et une situation s’illuminera.

PLOTTO comme méthode de suggestions d’intrigue pour des auteurs de fictions créatives se fonde sur ce principe :
Un objectif, exprimé ou implicite, s’opposant à des obstacles, exprimés ou implicites, produit du conflit.

Buts et obstacles

Combien y a t-il de buts dans le monde ? Pas tant que cela bien que leurs variations soient infinies. Peut-être qu’en dernière analyse, un seul but général engloberait tous les autres : atteindre le bonheur. C’est la fin et but de toute vie sur la planète. Mais chacun d’entre nous conçoit le bonheur à sa manière.
Il y a le bonheur de l’amour et de la séduction, de la vie conjugale, d’être riche ou puissant par tous moyens (bons et diaboliques)… enfin tout ce qui peut être inventé par l’esprit humain. La religion peut être la voie du bonheur pour certains et la vengeance, celle d’un bonheur douteux pour d’autres. Les vertus ou les fautes d’une âme humaine définissent le motif de l’objectif pour cette âme.

PLOTTO se concentre sur un objectif général qui se décompose en trois types d’efforts :

1. Atteindre au bonheur dans l’amour et la séduction
2. Atteindre au bonheur dans la vie de couple
3. Atteindre au bonheur ou au succès dans la vie sociale

Pourtant bien que ce seul objectif général couvre tous les conflits, de nombreux objectifs secondaires se font jour au sein de chacun de ces efforts auxquels viendra s’opposer une infinité d’obstacles.

Il existe un seul et suprême objectif dans chaque vie : VIVRE. Et il existe un seul et suprême obstacle que chaque vie rencontre : MOURIR. Pour compliquer ce schéma et donner du piquant à l’intrigue de la vie, il y a un nombre incalculable de buts et d’obstacles secondaires traitant de toutes les activités dont la vie est capable.

Dans l’ombre de l’objectif suprême de vie et de l’obstacle suprême de mort, nous menons notre apparent combat de conquête et de gain. Mais, à tout instant, l’objectif suprême peut faire défaut et la mort s’invite dans nos plans calculés et limités pour instaurer une sorte de paix.
Il existe aussi un objectif prépondérant dans toutes les activités de moindre importance de notre existence et un obstacle prépondérant viendra s’opposer à cet objectif. Et eux-mêmes accumulent leurs objectifs et obstacles secondaires afin de nous permettre de continuer, d’aller de l’avant et de nous battre vaillamment pour tout ce que nous possédons ou espérons de posséder.

Les conflits dans PLOTTO sont de courtes énonciations d’objectifs en opposition active avec des obstacles (des situations qui devront être combinées avec d’autres situations). Par exemple, A qui aime B, n’est pas apprécié par P-B (le père de B). Nous verrons plus bas comment William Wallace Cook a donné des symboles aux personnages.

L’objectif implicite est d’atteindre le bonheur en amour (quel que soit la forme de cet amour comme la reconnaissance par exemple du point de vue social, une forme d’amour quémandée par soi-même aux autres) directement menacé par un obstacle directement exprimé.

Objectif et obstacle donnent des exemplifications concrètes du thème dans toutes formes de narration fictionnelle que ce soit une nouvelle ou un roman [ou un scénario].

Originalité

Les conflits proviennent tous du vaste réservoir offert par la nature humaine. Ils sont là, des millions d’entre eux, attendant que l’imagination s’en emparent et les assemblent en une combinaison originale.
Comme il n’y a rien de nouveau sous le soleil, l’originalité dans un travail créatif vient de notre propre usage des outils que la nature a abondamment mis à notre disposition. Tout ce qui est alors possible pour l’artisan (qu’est aussi l’auteur) est de pouvoir combiner un matériel déjà existant en quelque chose de nouveau et de différent.

Groupes et sous-groupes de conflits

Les conflits dans PLOTTO sont catégorisés en trois groupes principaux :

1. Les conflits en amour et en séduction
2. Les conflits dans la vie de couple
3. Les conflits dans la vie sociale

Les conflits en amour et en séduction se subdivisent en :

  • Les conflits lors des amours débutants
  • Les conflits dans les mésaventures amoureuses
  • Les conflits lors de demandes en mariage
  • Les conflits lors d’un rejet amoureux
  • Les conflits lors d’une rupture

Les conflits dans la vie de couple sont proches de ceux de l’amour et de la séduction. Nous détaillerons plus tard ces conflits.
Les conflits dans la vie sociale ou bien dans l’effort de s’adapter au monde entrent dans les catégories générales suivantes :

  • Les conflits liés à la malchance ou au malheur
  • Les conflits liés à une erreur de jugement
  • Les conflits liés à la bonté et à la compassion
  • Les conflits liés à l’émancipation
  • Les conflits liés aux idéaux
  • Les conflits liés aux obligations
  • Les conflits liés à la nécessité
  • Les conflits liés au hasard
  • Les conflits liés aux limitations personnelles
  • Les conflits liés à l’hypocrisie et au mensonge
  • Les conflits liés à la ruse et à la manipulation
  • Les conflits liés à la transgression
  • Les conflits liés à la vengeance
  • Les conflits liés aux mystères
  • Les conflits liés aux révélations

Avant d’aller plus loin et avant que je ne vous perde, PLOTTO fonctionne d’après une charte (tout comme la théorie narrative Dramatica mais de façon différente). Je rappelle que PLOTTO sert à suggérer des intrigues (et elles sont nombreuses).

Voyons comment fonctionne cette charte.

L’intrigue (ou Masterplot) consiste en trois propositions :

  1. Une proposition A qui est celle du protagoniste
  2. Une proposition B d’où émane l’action et qui la lance
  3. Une proposition C qui continue l’action et la termine.

N’importe quelle proposition A peut être utilisée en conjonction avec n’importe quelle proposition B et n’importe quelle proposition C.
La charte propose aussi des suggestions pour faire évoluer l’intrigue selon le modèle de Masterplot retenu.

Voici la liste des propositions A :

PROPOSITIONS A

1. Un personnage amoureux
2. Un personnage marié
3. Un personnage sans foi ni loi
4. Un personnage égaré (perdu dans la vie)
5. Un personnage bienveillant
6. Un personnage protecteur
7. Un personnage idéaliste
8. Un personnage contraint par le devoir
9. Un personnage soumis à des conditions défavorables
10. Un personnage rancunier, aigri
11. Un personnage qui n’est pas ce qu’il paraît (faux-semblant, simulacre)
12. Un personnage délicat, raffiné
13. Un personnage influencé par l’occulte et le mystérieux
14. Un personnage normal, banal
15. N’importe quel personnage

Les personnages eux-mêmes sont codifiés dans PLOTTO. Lorsque PLOTTO énonce un conflit, la méthode utilise des symboles pour désigner les personnages. Ces symboles indiquent la relation entre le protagoniste et d’autres personnages. La relation est explicitée dans l’énoncé du conflit (nous verrons ces conflits ultérieurement). Les symboles A et B désignent le protagoniste.

Ces symboles apportent une certaine uniformité aux personnages (un peu comme des archétypes) et facilitent les transpositions de personnages (selon les exigences de l’histoire).

LES SYMBOLES DE PERSONNAGES

(mais aussi d’objets ayant une fonction dans l’histoire)

A : Le protagoniste masculin
A-2 : Un ami de A
A-3 : Un rival ou ennemi de A
A-4 : Un personnage masculin inconnu (un étranger)
A-5 : Un criminel masculin
A-6 : Un représentant masculin de la loi
A-7 : Un personnage masculin subordonné à une quelconque autorité
A-8 : Symbole mâle d’un objet ayant une fonction dans l’histoire
A-9 : Un personnage masculin d’autorité

B : Le protagoniste féminin
B-2 : Une amie de B
B-3 : Une rivale ou ennemie de B
B-4 : Un personnage féminin inconnu (une étrangère)
B-5 : Une criminelle
B-6 : Un représentant féminin de la loi
B-7 : Un personnage féminin subordonné à une quelconque autorité
B-8 : Un symbole féminin d’un objet ayant une fonction dans l’histoire
B-9 : Un personnage féminin d’autorité

F-A : Le père de A
F-B : Le père de B
M-A : La mère de A
M-B : La mère de B
BR-A : Le frère de A
BR-B : Le frère de B
SR-A : La sœur de A
SR-B : La sœur de B
SN-A : Le fils de A
SN-B : Le fils de B
D-A : La fille de A
D-B : La fille de B
U-A : L’oncle de A
U-B : L’oncle de B
AU-A : La tante de A
AU-B : La tante de B
CN-A : Un cousin de A
CN-B : Un cousin de B
NW-A : Un neveu de A
NW-B : Un neveu de B
NC-A : Une nièce de A
NC-B : Une nièce de B
GF-A : Le grand-père de A
GF-B : Le grand-père de B
GM-A : La grand-mère de A
GM-B : La grand-mère de B
SF-A : Le beau-père de A
SF-B : Le beau-père de B
SM-A : La belle-mère de A
SM-B : La belle-mère de B
GCH-A : Le petit-fils de A
GCH-B : Le petit-fils de B

CH : Un ou une enfant
AX : Un personnage masculin mystérieux ou bien inhabituel ou encore qui sert de prétexte à l’intrigue
BX : Un personnage féminin mystérieux ou bien inhabituel ou encore qui sert de prétexte à l’intrigue
X : Un objet (inanimé, mystérieux ou d’une quantité non défini)

BR-A, BR-B, SR-A, SR-B, SN-A, SN-B, D-A, D-B, CN-A et CN-B peuvent être si nécessaire pour l’histoire désignés simplement comme BR (frère), SR (sœur), SN (fils), D (fille) et CN (cousin ou cousine).

Lorsqu’il s’avère nécessaire de désigner un ami de B ou une amie de A, les symboles aB-2 et bA-2 peuvent être utilisés. De même, bCN-A désigne la cousine de A et aCN-B, le cousin de B.
bGCH-A sera la petite-fille de A et aCH sera spécifiquement un enfant mâle et ainsi de suite.

X ajouté à n’importe quel personnage donne à ce personnage une suggestion de mystère.

Dans le prochain article, je listerai les propositions B et les propositions C.

 

Comment avez-vous trouvé cet article ?

Cliquez sur une étoile

Average rating 5 / 5. Vote count: 3

No votes so far! Be the first to rate this post.

Cet article vous a déplu ?

Dites-nous pourquoi ou partagez votre point de vue sur le forum. Merci

Le forum vous est ouvert pour toutes discussions à propos de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.