LE CONTENU DU POINT MÉDIAN DE L’HISTOIRE

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Le point médian est approximativement le milieu de l’histoire. D’un point de vue géométrique, il sépare en deux l’acte Deux. Ce point médian est très utile lorsqu’il s’agit de redonner de l’élan à l’histoire. En effet, l’attention du lecteur a tendance à se dissiper.

Il faut donc en quelque sorte le rappeler à l’ordre avec au point médian une nouvelle information qui orientera l’histoire dans une toute nouvelle direction.
Ce point médian n’a pas non plus de durée prédéterminée. Il peut occuper une ou plusieurs pages et ne pas se situer exactement au milieu du scénario. Ce sont les exigences de l’histoire qui l’imposeront au bon endroit.

Nous allons passer en revue quelques outils dramatiques qui permettent de construire et de justifier la nécessité de ce point médian.

Une vraie relation

Lorsque l’histoire commence, nous sommes introduits avec deux personnages. Ces deux-là sont en quelque sorte obligés de coexister ensemble dans le même espace. Le souci est qu’ils ne s’entendent pas.
Et cette mésentente parfois violente s’étend jusqu’au… point médian. Au point médian de l’histoire, ces deux personnages vont vivre un moment d’intimité physique ou émotionnel et parfois physique et émotionnel. Cet événement créera entre eux un lien fort.

Ce lien est suffisamment puissant pour orienter l’histoire dans une nouvelle direction car ce ne sera plus deux points de vue opposés sur le monde mais bien un seul cœur et une seule âme qui affronteront l’adversité.
Gardez en mémoire que ce qui fait la valeur d’une histoire, ce sont les relations entre les personnages. La théorie narrative Dramatica met en avant le personnage principal et un Influence Character (dont la présence auprès du personnage principal influera grandement ce dernier). Chacun de ces personnages possède sa propre ligne dramatique.

Il existe cependant une troisième ligne dramatique qui décrit la relation qui existe entre le personnage principal et son Influence Character. Cette ligne dramatique particulière porte en elle toute la charge émotionnelle de l’histoire. Imaginez alors qu’au point médian, l’évolution de la relation qui existe entre le personnage principal et l’Influence character amène cette relation à un point qui donnera à l’histoire un nouvel angle pour résoudre le problème.

Lorsque débute l’acte Deux, le personnage principal a une intention. Il s’est fixé un objectif qui devrait résoudre le problème de l’histoire s’il parvient à l’atteindre. Jusqu’au point médian, nous pouvons supposer que la relation qui l’unit à l’Influence Character contrariait cette intention.
Au point médian, ils portent tous deux le même regard et cette complicité sera un véritable atout. Maintenant, de nombreux auteurs estiment que le point médian devrait être un moment de crise majeure pour le personnage principal. Tout semble perdu pour lui.

Cette façon de faire est alors tout à fait compatible avec l’établissement d’une vraie relation à l’autre parce que cette union de deux êtres si différents qui se comprennent est toute emplie d’une énergie suffisante pour relancer l’histoire.

La désunion

Au début de l’histoire, on nous présente deux personnages apparemment dans une relation saine et enrichissante. Mais le point médian est un pivot qui inverse la donne. S’il y a un point d’infléchissement quelque part dans l’histoire, c’est bien au point médian qu’il doit se produire.

Donc, cette relation est testée et souvent, elle ne résiste pas. Cette désunion peut servir à démontrer le thème. On peut aussi marquer ce point d’inflexion par les premiers indices qui marquent la fissure et insister sur la séparation tout au long de la seconde partie de l’acte Deux puisque par définition un point médian est une limite entre deux choses.

Le retournement de situation

En somme, jusqu’à présent, les choses allaient d’une certaine façon pour le protagoniste. Et le point d’inflexion va consister alors à ce que les choses soient radicalement différentes.
Par exemple, jusqu’au point médian, le héros n’a connu qu’une série d’échecs (gardez en tête qu’un bon antagoniste est quelqu’un ou quelque chose qui est supérieur en tous points (physique, psychologique) au personnage principal). Donc cette série d’échecs que connaît le héros d’une histoire est tout à fait crédible.

Mais la chance peut aussi tournée (ou bien, le personnage principal a beaucoup appris de ses cacades et autres turbulences) et est capable de prendre les actions qui mènent au succès. C’est comme dans la vie réelle. Quand on tombe dans des situations que nous n’avons jamais connues, il nous est difficile d’y répondre correctement d’autant plus que nous fouillons dans nos expériences passées pour trouver des solutions forcément inadaptées aux circonstances présentes.

De même, un personnage qui ne connaît que le succès dans la première partie de l’acte Deux (enfin qui connaît majoritairement le succès, quelques échecs peuvent se glisser pour expliciter davantage les choses) peut très bien comprendre soudain (donc au point médian) que sa vie n’a aucun sens.
Après le point médian, il va donc chercher à se réaliser pour tenter de trouver le bonheur et l’histoire s’infléchit vers une toute nouvelle direction. C’est comme s’il y avait une inversion de polarité dans le cours normal des choses du héros. Dans un sens ou dans l’autre, cela conduit d’ailleurs souvent à une crise, une dépression. Un creux se forme et nous sommes entraînés.

Le héros devient proactif

Être proactif est la marque des héros puisque la définition d’un protagoniste embarque avec elle la nécessité pour lui de faire avancer l’histoire. Ce sont donc ses actions et ses décisions qui provoquent les événements (même si ceux-ci sont dotés d’un rapport de causalité et s’enchaînent logiquement les uns des autres).

Il apparaît néanmoins dans beaucoup de scénarios que le héros est plutôt réactif aux choses (il fait preuve d’une certaine passivité en se contentant de réagir et de subir et non d’agir).
Le point médian va donc changer les choses et soudain, le protagoniste prend les choses en main. Il devient proactif ce qui change la tournure que semblait prendre l’histoire et qui n’aurait certes plus convenu au lecteur.

Durant toute la première partie de l’intrigue, le personnage principal est dans une posture défensive. C’est une attitude essentiellement passive. Il est ce qui est chassé et non le chasseur.
Après le point médian, le protagoniste va alors adopter une stratégie qui le rendra moins réactif. Cette fois, il a pris conscience de son intention et va mettre en œuvre ce qu’il faut pour accomplir ce dessein.

Le héros sort de l’obscurité

On peut dire que jusqu’au point médian, le héros errait quelque peu dans l’histoire. Quel que soit le chemin qu’il empruntait, il faut bien admettre qu’il faisait un peu n’importe quoi et que cela ne le menait nulle part.
Evidemment, le lecteur se sent désolé pour lui et peut trouver un certain divertissement à le voir ainsi badauder à travers les événements. Mais cela ne durera pas car même si le lecteur peut y reconnaître une certaine ressemblance avec lui-même (ce qui crée l’empathie), il va avoir aussi très vite hâte que ce personnage fasse quelque chose, ne serait-ce que pour comprendre où l’histoire veut en venir.

Le lecteur exige ce point d’inflexion et c’est précisément à ce moment que certaines vérités sur le monde (comme par exemple des informations éclairant la nature de l’antagonisme) seront révélées. Ainsi, après le point médian, le héros se concentre davantage sur le problème. Ses actions pour le résoudre seront plus ciblées. Nous nous orientons plus clairement vers le climax censé apporté la solution  à l’histoire.

Une révélation

Apporter une information qui remet tout en question est probablement la technique la plus utilisée pour infléchir l’histoire. Par exemple, il s’avère que le meilleur ami du héros est en fait le méchant de l’histoire.

Quel que soit le secret qui est révélé (parce qu’effectivement, c’est un non-dit que l’auteur avait soigneusement conservé), l’efficacité de cet outil dramatique est qu’il précipite les choses. Lorsque la révélation est faite, on est face à une évidence.
Prenons comme exemple que des signes apparemment extraterrestres sont apparus dans un champ. Le héros enquête sur ces signes et jusqu’au point médian, les preuves nous sont apportées qu’il s’agit d’un canular. Et tout est fait pour que nous en soyons persuadés. Et nous le sommes car à chaque fois qu’un doute ait pu surgir dans notre esprit, l’auteur a savamment démontré l’artificialité des signes.

Au point médian, cependant, une manifestation de la présence extraterrestre est certaine. Tout ce en quoi le héros et le lecteur croyaient s’effondre. Nous sommes contraints de réévaluer tout ce que nous avons vu (ou lu). Cette découverte emmène l’histoire vers un horizon auquel nous ne nous attendions pas.

L’histoire se lance

Il peut sembler étrange d’attendre le point médian pour lancer l’histoire. Mais prenons l’exemple de Hunger Games. Toute la première partie de l’intrigue consiste en la préparation de Katniss aux jeux commandités par le gouvernement. Pourtant, ces jeux sont précisément ce qu’annonce la prémisse.

Pour que le concept de l’histoire puisse se développer, il est nécessaire que Katniss se retrouve dans l’arène. C’est autour de cette notion d’arène que toute l’histoire s’articule depuis une Katniss volontaire pour remplacer sa sœur qui n’avait aucune chance d’y survivre, en passant par la cérémonie funèbre inattendue et le sacrifice que Katniss et Peeta s’apprêtaient à commettre.

Seulement, on ne pouvait pénétrer l’arène immédiatement. Il fallait du temps pour représenter Panem, découvrir qui étaient Katniss et Peeta et d’autres choses encore nécessaires à la compréhension de l’histoire. Tout ceci a occupé l’espace jusqu’au point médian.
A ce moment, l’histoire pouvait s’infléchir vers son véritable sujet. La compétition ne pouvait avoir lieu qu’après un temps de préparation dont la limite imposée fut le point médian.

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