DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (87)

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Avant de poursuivre avec le chapitre 19 de la théorie narrative Dramatica, jetons un œil sur les bases de cette théorie qui se veut pratique (bien que complexe).

Dramatica assume totalement sa pertinence avec le comportement humain. D’un point de vue théorique, elle permet de comprendre le fonctionnement d’une histoire.

Sommaire de tous les articles :
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE
Dramatica se fonde sur l’idée que les fictions sont comparables aux processus de résolution de problèmes de l’esprit humain.
Cette théorie est très intuitive (bien plus que tout autre théorie) pour à la fois l’analyse des histoires mais aussi pour leur création.

C’est un modèle psychologique en somme. Et ce modèle particulier est tout à fait capable de donner une idée cohérente et légitime des comportements humains pour les appliquer aux personnages fictifs.

Un paradigme

Pour Dramatica, les histoires possèdent un esprit tout comme l’être humain. Bien sûr, cela ne fonctionne pas comme chez l’être humain. C’est une analogie.
La structure de l’histoire permet de représenter la psychologie de l’être humain et la personnalité de ce dernier est transcrite dans la façon de raconter l’histoire.

Ainsi, Dramatica nomme Storymind cet esprit abstrait des fictions . Ce concept décrit les attributs psychologiques de la structure d’une histoire. Tout comme une personnalité peut s’expliciter par des attributs psychologiques.
Dramatica cependant considère la réciprocité du Storymind. En effet, si le Storymind est une analogie des processus psychologiques du cerveau humain, alors une fiction bien construite peut aider à comprendre comment fonctionne ce cerveau humain, comment il résout les problèmes et comment maximiser les expériences positives.

Dans ce contexte, Dramatica peut être considéré comme un modèle, un paradigme ou une méthode.

Une injustice

Dans notre vie de tous les jours, nous rencontrons tous des problèmes. S’il y a problème, c’est que l’on peut supposer que quelque chose ne tourne pas rond et qu’il va falloir le redresser. Notre esprit a ainsi la capacité de mettre en œuvre des processus pour résoudre ce problème quelle que soit sa nature.

Pour Dramatica, une histoire fonctionne de la même façon. Il existe des problèmes et il faut les résoudre. Pour faire court, une fiction est un modèle simplifié de la psychologie humaine. C’est cela que Dramatica entend par Storymind.

Une histoire, c’est d’abord un moyen de communication. Mais ce n’est pas un simple instrument. Une histoire existe. En effet, elle existe et ce n’est pas un être humain, certes, mais elle est un être qui sert de canal par lequel transitera la pensée complexe d’un auteur vers son lecteur.

Le Storymind

Ce Storymind contient donc tous les ingrédients d’une histoire.

  • Des personnages
    qui ont une motivation à agir, à résoudre une injustice (ou un problème). Pour Dramatica, cette dimension du personnage est catégorisée sous le concept MOTIVATION.
  • Une intrigue
    L’intrigue décrit comment le problème sera résolu. Et qui est au cœur de l’intrigue ? Les personnages bien sûr. Ainsi, Dramatica n’emploie pas le concept d’intrigue mais il la considère comme une dimension des personnages que la théorie nomme METHODOLOGY.
  • Un thème
    Dramatica considère que l’effort vers la résolution du problème se mesure en terme de progrès. C’est par les progrès que font les personnages dans l’obtention par exemple de l’objectif que sera évalué le thème. C’est la nature de ce progrès qui permet au lecteur de savoir ce dont l’histoire parle.
    Et les personnages aussi évaluent où ils en sont au fur et à mesure que l’histoire se déploie. Cette capacité à saisir leur situation dans les moments successifs que l’histoire déroule appartient aussi à leur construction. Certains par exemple pourraient être plus lucides quant aux choses qu’il se passe dans leur vie. Cette dimension des personnages est dénommée EVALUATION par Dramatica.
  • Un genre
    Selon Dramatica, la raison pour résoudre le problème (on peut en effet laisser une liberté aux personnages) serait le genre. Le genre serait alors la raison d’être du pourquoi les personnages agissent. Un enquêteur par exemple mène des investigations. C’est en quelque sorte sa raison d’être dans l’histoire. Et c’est précisément cette raison qui détermine le genre (policier dans cet exemple). Cette dimension du personnage est appelée PURPOSE par Dramatica.
Une structure

La structure fait aussi partie du Storymind. Qu’est-ce qu’une structure ? C’est la manière d’assembler toutes les parties d’une histoire de façon à former un tout. Car une histoire est un tout. Vous en retirez une scène et toute l’histoire s’écroule.

La structure est le squelette de l’histoire sur lequel vient se greffer une chair narrative. Comme il s’agit d’une structure, il faut qu’elle fonctionne. Les pièces qui la constituent sont autant de rouages qui s’articulent. Tous ces rouages créent une dynamique, un mouvement. Dramatica les nomme des Story Dynamics.

Ensuite, structure, Storymind, Story Dynamics et d’autres choses encore se regroupent sous le vocable Storyform.

Une argumentation

Imaginez deux interlocuteurs. Chacun a un point de vue différent et essaie de convaincre l’autre du bien-fondé de son opinion. Cela crée une argumentation entre eux deux. Chacun expliquant à l’autre des raisons légitimes pour affirmer que ce qu’il dit est vrai. Et conséquemment que l’autre a tort.

On peut assimiler qu’une histoire fait la même chose. L’auteur pose une question. Il en donne tous les aspects possibles tels que le pour et le contre. Et au dénouement, il assène son affirmation qui ne saurait être davantage questionnée parce que somme toute il l’a bien documentée (ou argumentée).
Cette façon de faire est dénommée Grand Argument Story par Dramatica. Il existe une force persuasive dans un Grand Argument Story.

Pour mettre en place son argumentation, l’auteur utilisera quatre perspectives différentes pour expliciter sa question. Ces perspectives sont illustrées par des lignes dramatiques (Throughline dans la terminologie de la théorie).

L’Objective Story Throughline

Cette ligne dramatique est souvent considérée comme l’intrigue. Elle décrit la situation globale dans laquelle tous les personnages sont impliqués. Si le sujet de l’histoire, par exemple, est un procès, alors tous les personnages seront impliqués dans ce procès à des degrés certes différents mais ils ne pourront y échapper.

C’est la perspective du ILS (ou ELLES).

La Subjective Story Throughline

Il existe dans toute histoire une relation très particulière entre deux de ses personnages. La Subjective Story Throughline explore cette relation sous ses aspects les plus émotionnels.
L’émotion qui doit se trouver dans toute histoire pour que cette dernière soit appréciée du lecteur est véhiculée par cette ligne dramatique de la Subjective Story.

C’est la perspective du NOUS.

La ligne dramatique du personnage principal

Cette ligne dramatique décrit ou illustre le parcours du personnage principal dans l’histoire. C’est un parcours singulier.
C’est la perspective du JE.

Notez aussi que le personnage principal et le protagoniste ne sont pas forcément le même selon la théorie Dramatica. Ce peut être en fait deux personnages différents. Habituellement, le protagoniste est le personnage responsable de l’effort vers l’obtention de l’objectif (un objectif que Dramatica appelle Story Goal).

La ligne dramatique de l’Influence Character

Cet Influence Character est un personnage qui représente un point de vue alternatif et différent (voire opposé) de celui du personnage principal. Mais il a aussi une caractéristique très importante dans toute histoire. L’Influence Character est celui qui est à l’origine de l’évolution personnelle du personnage principal au cours de l’histoire.

Souvent, en effet, le personnage principal n’a plus la même personnalité entre le début de l’histoire et son dénouement. Il grandit de ses expériences, apprend de nouvelles choses au cours de son aventure.
Cependant, ce progrès personnel n’est pas quelque chose de foncièrement naturel.
C’est alors qu’intervient l’Influence Character. En quelque sorte, il permet d’éviter que le personnage principal ne se débarrasse de son problème d’un revers de main.

Il représente la perspective du TU dans une histoire.

L’intention de l’auteur

Lorsqu’il écrit, l’auteur a une intention. J’ajouterai personnellement que l’acte d’écriture ne vaut vraiment la peine que si l’auteur s’engage dans ses écrits.
C’est par la combinaison des quatre lignes dramatiques listées ci-dessus qu’il réussira à communiquer son message d’une manière totale et cohérente.

Dans toute histoire est présenté un problème. Bien souvent, on peut dénoter sous ce problème une injustice quelconque mais suffisamment grave pour qu’elle motive un personnage à agir. Cette injustice est le mécanisme dramatique qui à la fois motive l’histoire et les personnages à entreprendre des choses dans cette histoire.

Que traduit cette injustice ? Un déséquilibre dans l’ordre des choses tel qu’il s’établit au début de l’histoire. Même une rencontre apparemment anodine peut initier une réaction en chaîne qui aboutira à ce déséquilibre. Comme je l’ai écrit de nombreuses fois au fil des pages de Scenar Mag, la vie ordinaire du héros est bouleversée.

Il y a une injustice (ou bien une menace) qu’il faudra corriger. Cela crée une motivation à agir. Et plus le déséquilibre sera grand et plus la motivation sera crédible et puissante.
Seulement même la meilleure des motivations rencontre toujours une certaine résistance dans sa tentative de réparer une injustice. Et cela crée du conflit (la base fondamentale de toutes fictions).

Rétablir l’ordre des choses

Considérons un individu qui désire quelque chose. S’il a ce désir, c’est qu’il manque de ce quelque chose. Le désir de posséder crée une tension dramatique parce qu’entre le désir et le manque, il se crée un potentiel. Et la fiction va se charger de l’explorer.

Que va t’elle explorer ? Soit le désir parce que lorsque la chose est possédée, le désir s’éteint. Soit la possession et il sera montré dans l’histoire comment le manque de quelque chose sera comblé.
L’auteur doit donc savoir s’il est seulement intéressé par une étude sur le désir ou bien s’il veut explorer comment une chose peut être acquise.

Dans un cas comme dans l’autre, c’est le processus de résolution de problème qui est engagé. Mais comment identifier le problème ? C’est ce qui résiste à une résolution immédiate. Parce que dans ce cas, il faut établir une stratégie et la poursuivre pour aboutir à une solution.

Pour corser les choses, la stratégie adoptée comme solution possible peut s’avérer impraticable. Il faut donc trouver une solution à la solution. Pour maintenir le rythme de l’histoire (et surtout ne pas l’alourdir inutilement), ce procédé peut être répété quatre fois.
Chaque étape se montrant de plus en plus difficile pour corriger le problème. Selon Dramatica, au-delà de quatre étapes, le problème disparaît de l’observation directe.

Dans le prochain article, nous aborderons un concept important de Dramatica : Justification.

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