LE PROBLEME DU PROTAGONISTE

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Votre prémisse vous a inspirée une situation initiale pour votre protagoniste (donc un quotidien). Il va se passer quelque chose dans cette vie ordinaire qui va venir mettre sens dessus dessous la routine à laquelle s’était habituée (de plus ou moins bon gré) votre personnage principal (héros lorsqu’il est aussi protagoniste).

En effet, un personnage principal peut être différent du protagoniste si l’histoire l’exige. Maintenant, la question que l’on peut se poser, face à un personnage qui ne s’attend pas du tout à ce que sa vie change soudainement, est de savoir pourquoi après l’incident déclencheur (qui oriente la vie du héros sur une autre voie), ce héros justement considère cette autre voie comme un problème.
Pourquoi un conflit doit-il être inévitable ?
D’abord, il y a conflit. S’il y a conflit, cela signifie que ce qui arrive au personnage principal de l’histoire ne peut être quelque chose qui laisse un choix. Il n’a pas la liberté d’écarter d’un revers de main les conséquences de cet événement sur sa vie.

Certainement, c’est ce qu’il tentera de faire. Parce qu’il n’a pas vraiment envie que les choses changent même si elles le rendent inconfortable dans sa vie de tous les jours. Le personnage va donc élaborer sur un problème qui le touche personnellement.

Un bouleversement de la vie du protagoniste

Le protagoniste a une routine de vie probablement issue des expériences qu’il a vécues au cours de sa vie (et qui sont d’avant l’histoire). Ces expériences ont façonné le héros. Elles ont fait de lui ce qu’il est lorsque nous faisons sa connaissance dès l’acte Un.

Ce peut être son éducation, son milieu sociale, ses croyances religieuses ou politiques… ainsi que certaines blessures, certaines phobies, certaines peurs irrationnelles parce qu’il ne peut se les expliquer même si son entourage tente de l’en guérir. Enfin tout ce qui peut expliquer le présent des personnages se trouve dans le passé de ceux-ci.
Inutile aussi d’en faire des paragraphes entiers lors de votre recherche. Simplement pointez du doigt les faits les plus marquants qui peuvent expliciter les traits de la personnalité actuelle de votre protagoniste. Par exemple, Humbert Humbert (Lolita) est hanté par Annabel, un amour de jeunesse tragique.

Une histoire, ce n’est pas tant de faire la démonstration du comment une situation initiale change lors du dénouement. Ce qui fascine le plus le lecteur, c’est de voir comment ce changement de contexte va influer sur le point de vue du héros.
Quels changements en interne ce protagoniste endurera au cours de l’intrigue ? Voilà ce qui intéresse le lecteur.

Tenter d’expliquer par le passé le présent est très tentant. Et somme toute, cela facilite l’écriture. Evidemment, cela devient des vérités premières pour le protagoniste. On démontre son présent en puisant dans son passé mais on va rarement au-delà de ce passé qui devient ainsi le fondement du personnage sans que l’on s’interroge plus avant sur les conditions de ce passé.

Si votre protagoniste souffre de coulrophobie, vous pouvez montrer au lecteur quelques scènes qui expliqueront cette peur des clowns. Quant à l’origine de la phobie elle-même, elle n’est pas pertinente si votre histoire est de démontrer comment votre héros parviendra à surmonter cette peur irraisonnée.

Une appréciation du présent

Le passé permet d’évaluer le présent, c’est-à-dire qu’il donne au lecteur la possibilité de comprendre le présent en lui apportant une signification.
Et pour le héros, toutes les expériences passées qui se sont accumulées pour forger ce qu’il est aujourd’hui ont mis en lui une sorte de façon de penser comme s’il était prédestiné à vivre selon un plan déjà écrit.

On peut émettre des objections et penser qu’effectivement, tout est déjà écrit. Il ne s’agit pas ici de remettre en question les valeurs et les croyances de chacun. Seulement, sur un plan dramatique, il est efficace de montrer un quotidien du héros bien ordonné, fondé sur la certitude (à défaut d’une conviction) que tout est planifié.
Cette certitude est le fruit de nos expériences passées qui ont fait de nous ce que nous sommes. Et puis soudain, cette belle certitude (par ailleurs rassurante) vole en éclat lorsque ce qui est attendu ne se produit pas.

Et c’est là que le lecteur prend intérêt dans l’histoire. Comment ce personnage principal va gérer l’inattendu ? Comment va-t-il faire pour résoudre un problème qu’il n’a jamais anticipé ?
Il faut que ce soit quelque chose de nouveau pour lui, quelque chose auquel il n’a jamais eu affaire. Il n’a aucune expérience dans son passé qui peut lui permettre de résoudre son problème. Et même, s’il a vécu quelque chose de similaire, il tentera évidemment d’appliquer le même processus pour résoudre ce nouveau problème. Mais cela ne fonctionnera pas. Ce qu’il lui arrive maintenant est vraiment quelque chose qui le désarme totalement.

L’exposition

Dès la séquence d’ouverture (après un éventuel prologue dans lequel habituellement le protagoniste n’apparaît pas), nous devons comprendre ce qu’est le monde ordinaire. Cela nous servira de référence lorsque l’inattendu se produira.

Parmi les éléments qui figureront dans le quotidien du héros sachant que ce quotidien dans lequel le héros va s’inscrire importe peu (en effet, votre héroïne pourrait par exemple être une femme de ménage dans un grand hôtel), ce qu’il faut chercher dans l’invention de son personnage, c’est d’abord ce qu’il attend de sa vie.
Même s’il n’en a pas encore conscience dans la description que vous ferez de ce quotidien, il manque quelque chose dans la vie de votre protagoniste.

Il a donc un besoin peut-être inconscient mais ce besoin existe. Il y a quelque chose qui empêche ce personnage d’avancer dans sa vie. Il est dans une routine de vie et il ne peut s’en extraire.
Ce plan bien ordonné de son quotidien est une entrave. On peut admettre que son passé l’a engoncé si étroitement dans son présent (celui que nous découvrons) que même s’il semble heureux et satisfait de sa position, celle-ci se fonde néanmoins sur de fausses valeurs, de fausses croyances.

Il n’est pas nécessaire de tout expliquer dans l’exposition. Quelques indices peuvent suffire même si le lecteur n’en comprendra vraiment le sens que lors du dénouement. Mais connaissant ce dont votre protagoniste a besoin, il vous sera plus facile d’écrire son quotidien et les événements qu’il devra connaître au cours de l’intrigue afin que sa vie progresse effectivement.

Les raisons

Lorsqu’il passera dans l’acte Deux, le héros de votre histoire aura conçu un désir. Il voudra quelque chose (peut-être même quelque chose qu’il a toujours voulu sans se l’avouer). Pour trouver le besoin et formuler concrètement le désir sachant que le désir est dans le monde fictif alors que le besoin est à l’intérieur du personnage, il faut trouver les raisons de ce désir.
Pourquoi votre héros veut-il ce qu’il veut ?

Par exemple, votre protagoniste s’est fixé un objectif. Il veut devenir député pour faire passer une loi qui défendrait la cause animale. La réussite de l’objectif est donc que la loi passe. Mais ce but qu’il s’est fixé n’explique pas votre personnage. Pourquoi est-il prêt à tout risquer pour entrer en politique ? Il perdra sa femme et ses véritables amis dans cette quête.
Il faut trouver la raison qui l’anime si farouchement. N’est-ce pas lorsqu’il était enfant parce qu’il fut le témoin d’une scène horrible dans un abattoir ?

Puisqu’on a puisé cette information dans son passé, on peut en induire des peurs, des phobies, des choses qui l’effraient au point de le paralyser. Pourquoi veut-il que l’homme retrouve sa dignité dans les abattoirs au lieu que son instinct de prédateur ne lui fasse commettre les actes les plus horribles ?
Et maintenant, nous pouvons encore pousser la métaphore par les actes de violence que lui-même a subis de la part d’un père alcoolique et d’une mère trop faible pour le protéger.

Son manque devient alors évident. C’est un besoin d’amour et que peut-être son engagement politique qui lui fait perdre sa femme d’ailleurs est la recherche d’une reconnaissance. Et là, nous pouvons même aborder le cœur de son problème, il se ment à lui-même.
Il a transféré sur les animaux la maltraitance qu’il a lui-même subie. Mais s’il pouvait vraiment ouvrir les yeux sur le drame qu’il a vécu, à défaut de pardonner, il pourrait l’intégrer et le dépasser.

Comprendre

Parfois, les apparences, l’expérience sensible, nous renvoient la vérité des choses. D’autres fois, notre perception des choses nous trompe.
En fiction, nous considérerons cette seconde option et nous admettrons que l’esprit humain ne se contente pas de la surface mais aime à explorer le fond des choses. Comprendre le pourquoi des choses peut changer fondamentalement la perception que nous en avons.

Dans quel but ? Simplement pour nous donner les moyens d’anticiper notre futur. En connaissant le fond des choses,  nous pouvons ou croyons anticiper ce qui peut arriver. Après tout, c’est peut-être un mécanisme de survie que la nature nous a conféré ou que nous avons appris d’elle.

Donc, nous admettrons deux choses : d’abord, nous devons aller nous-mêmes à la rencontre de notre protagoniste. On fouille un peu sa vie et on en déniche quelques faits dont un sera un gros défaut dans sa personnalité.
Et dans un second temps, connaissant qui il est vraiment et ce qu’il apparaît être en surface, nous pourrons savoir comment il réagira dans telle ou telle circonstance dans laquelle nous le placerons.

Et ce trait marquant de sa personnalité, nous devons le forer et en extraire tout le jus que nous pouvons. Un homme qui se sent seul dans l’univers ne le manifestera pas directement. Il pourrait même avoir du mal à reconnaître ce malaise, cette inquiétude existentielle.
Pour en faire la démonstration devant les yeux du lecteur,  on peut écrire une métaphore comme de le voir occuper à retourner la terre, une bêche à la main, isolé dans un champ immense.
La solitude de l’homme est ainsi exprimée non seulement parce qu’il est seul mais aussi par l’immensité du champ qui rappelle la nature infinie que l’esprit ne peut saisir et qui instille en nous cette angoisse, ce sentiment d’être seul dans l’univers.

L’auteur peut aussi aborder un autre point de vue et se servir de mon exemple pour dénoncer que l’homme sans dieu est un être misérable. En se posant la question du pourquoi cet homme est seul (un manque d’amour, peut-être), on en vient à pointer sur le conflit interne qui le taraude.
Et c’est ce conflit que l’on doit d’abord rechercher lorsqu’on élabore un personnage.


Parce qu’on en a besoin. Merci

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