LA PEUR : L’ENNEMI INTERIEUR DU HEROS

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Peurs, craintes, frayeurs, culpabilités… ne sont pas des choses que la bravoure peut vaincre. Celle-ci peut vaincre un ennemi mais elle est impuissante devant la peur de cet ennemi.

Ce qui peut vaincre la peur, c’est la confiance, la foi, la conviction. Pour remporter son combat intime, le héros doit avoir confiance en cette victoire, la foi ou la conviction en son triomphe.
La confiance en soi est la solution à bon nombre de problèmes. Dans une structure émotionnelle, acquérir cette confiance est ce qui fascine chez le personnage.
Et cet acte de foi exige que le héros doit commencer à faire confiance à quelqu’un d’autre avant de pouvoir appliquer cette confiance à lui-même.

Forcer le protagoniste en des situations où il apprendra à faire confiance

Lorsqu’un protagoniste nous est introduit, il est souvent assez satisfait de la vie qu’il mène. Il ne voit d’ailleurs aucune raison d’en changer.

Et c’est là qu’intervient cet autre personnage, crucial dans la construction de la structure émotionnelle qui sous-tend le récit. Cet autre personnage que la théorie narrative Dramatica nomme l’Influence Character va permettre au héros (et ce, dès leur rencontre) à comprendre son erreur.

L’auteur doit donc inventer un personnage dont la fonction sera d’apprendre au héros qu’il doit changer. Et malgré les difficultés, il devra mener sa mission au bout.
Certains auteurs pourraient éprouver une gêne à déterminer ainsi un personnage. En effet, cette fonction ne lui laisse aucun véritable pouvoir de décision. Il n’a pas d’autres choix. Mais c’est une fiction que vous écrivez et la relation qui unit ces deux-là est attendue par le lecteur.

A lire :
PERSONNAGE & BLESSURE PSYCHOLOGIQUE

Les personnages sont au cœur de la fiction et à l’intérieur de ce cœur est le parcours du héros, un parcours intérieur et singulier. Ce parcours du protagoniste est très semblable  à celui que nous tentons tous d’emprunter pour aller à la rencontre du bonheur et de la complétude de notre être.

Dans la vie réelle, nous nous efforçons de nous dépasser, d’être quelque chose de meilleur. Mais les blessures du passé ne nous quittent jamais vraiment.
De vieilles souffrances, des trahisons, des injustices… sont profondément ancrées en nous, dans nos souvenirs.

Une inquiétude morbide

Nous craignons tous de revivre des expériences douloureuses. Nous hésitons et nous réajustons ce que nous désirons ainsi que ce que nous sommes prêt à risquer pour satisfaire nos désirs (et pour nos besoins, l’hésitation est encore plus forte).

C’est bien la peur qui s’immisce dans notre projet de vie.
Le héros aussi possède son lot de cicatrices qu’il traîne dans son sillage. Et tout comme nous, il n’est pas très enclin à revivre des expériences pénibles et en vient alors à rabaisser ses prétentions, c’est-à-dire ses sentiments de satisfaction et de complétude.
Il préfère continuer à vivre dans l’indignité plutôt que d’avoir à souffrir de nouveau.

Parce que cette blessure influence si fortement le comportement d’un protagoniste (au point qu’il est prêt à faire n’importe quoi pour éviter de souffrir à nouveau jusqu’à commettre des actes immoraux), il est important pour l’auteur de bien comprendre comment ce trauma originel qui s’enracine dans le passé de son héros a façonné son personnage lorsque nous faisons sa connaissance.

Ces blessures émotionnelles sont bien plus que de douloureux souvenirs. Chacune d’entre elles nourrit en son sein le doute.
Est-ce ma faute ? Suis-je à blâmer ?
L’incertitude prend de l’ampleur avec le temps et érode l’estime de soi du personnage qui se sent indigne.

La nature humaine

C’est dans notre nature de rationaliser ce qui nous arrive de pire dans la vie, d’en donner un sens. Nous nous blâmons souvent en tentant de justifier que si nous avions fait d’autres choix, agis différemment, les choses auraient été différentes.

C’est la passion qui l’emporte sur la logique. Nous nous enchaînons à nos passions et nous anesthésions notre esprit critique ce qui nous mène à considérer les difficultés comme des échecs personnels.
Et ce d’autant plus que nous n’avions aucun contrôle sur les événements.

C’est ainsi que nous nous mentons à nous-mêmes. Nous nous amenons à croire que nous méritons ce qui nous arrive et nous devenons aigri, désabusé, mélancolique.
Les événements extérieurs deviennent si subjectifs que le mensonge est la seule solution que nous pouvons offrir à ce qui arrive qui prend alors une tournure si personnelle que cela devient ce qui nous arrive.
Nous intériorisons les événements extérieurs.

Angela Ackerman prend l’exemple d’une femme que le mari veut quitter pour une autre femme. Comment va t-elle résoudre son problème ? Elle se sent blessée mais plutôt que d’observer les faits objectivement, elle va s’accuser de cette situation. Elle va se persuader qu’elle a fait quelque chose de mal, qu’elle n’a pas été à la hauteur.
Et c’est là qu’elle commencera à se mentir à elle-même et à se dévaloriser.

Maintenant supposons que cette blessure ait lieu avant le début de l’histoire. Lorsque ce personnage sera introduit au lecteur, nous découvrirons qu’elle évite les relations sincères avec les hommes ou qu’elle virevolte d’hommes en hommes et nous comprendrons plus tard dans l’histoire qu’elle a une bien piètre estime d”elle-même parce que son comportement actuel sera fondé sur ce mensonge qu’elle s’est faite à elle-même lorsque son mari l’a délaissé pour une autre femme.

La peur devient la faille

En fiction, il est presque une obligation qu’un personnage nous soit présenté blessé. Mais ce n’est pas la blessure qui est apparente.
Le personnage s’est équipé d’une armure émotionnelle afin de ne pas avoir à revivre ce qui l’a tant bouleversé, ce qui l’a tant ravagé.

C’est ce mécanisme de défense qui cause la faille dans la personnalité du personnage. La peur de l’agression suite à un trauma dans l’enfance par exemple, peut conduire un personnage à être méfiant, à n’avoir confiance en personne, à être paranoïaque ou à avoir une attitude fuyante pour éviter toutes relations aux autres (ce qui en fait un être asocial).
Tout comportement a une cause et cette raison se niche dans le mensonge après une blessure.

Le personnage offre aux regards des autres une persona qui le rassure. Mais ce jeu d’apparences ne fait que limiter son engagement social, sa liberté, ses choix et décisions ainsi que sa spontanéité. Tout lui apparaît biaisé par le point de vue qu’il porte sur le monde.
Il ne peut plus évoluer et ne peut ainsi atteindre le bonheur.

Le passé, source du mal

C’est dans le passé du personnage que l’auteur doit inventer la blessure. Généralement, celle-ci existe déjà lorsque nous faisons la connaissance du héros.

Ce moment douloureux doit être bien documenté par l’auteur. Il doit maîtriser qui et quoi ont détruit la personnalité du personnage pour qu’il en soit arrivé ainsi à questionner sa propre dignité, à perdre son authenticité.
Il faut donc aussi inventer cette fausse croyance sur lui-même, ce mensonge qui préside à son comportement actuel.
L’idée est que le personnage prenne conscience de ce mensonge, qu’il le dépasse afin de connaître la plénitude de son âme.

Quelques blessures qui reviennent souvent :

Et que vous pouvez utiliser en les remaniant selon vos intentions.

Une blessure physique

Un handicap, une condition sociale défavorisée, n’importe quoi qui situe le personnage hors de la norme, qui en fait en quelque sorte un monstre mènent à des complications (tout lui semble plus difficile), à des doutes, à une piètre estime de soi.
La confiance en soi est fortement endommagée et cette faible opinion de lui-même lui fait croire qu’il n’a pas sa place dans le monde.

 Une iniquité

Etre la proie d’une injustice, se sentir opprimé, être la victime d’événements sociaux… apportent leur lot de déséquilibres qui influent sur le comportement d’un individu. Le mensonge qui apparaît alors devient culpabilité.

L’échec

Paradoxalement, l’échec est toujours ressenti comme personnel. L’erreur vient de nous. C’est ce que nous sommes amenés à croire.
Que ce soit un manque de lucidité ou une méconnaissance de soi, ce sentiment d’échec nous paralyse. Nous n’avançons plus dans nos vies.

La trahison

Elle surgit lorsqu’on a bien mal placé sa confiance. Dépendre beaucoup de quelqu’un peut être parfois nécessaire pour surmonter des moments difficiles.
Se sentir alors abandonné peut causer une grande peine.
Cette trahison peut se situer dans la relation entre parents et enfants, dans une amitié ou encore par l’infidélité de l’être aimé…

L’isolement

L’isolement ressenti dans le passé a des effets durables sur le présent. Cela peut être un problème relationnel telle une mère qui préfère un autre enfant au protagoniste. Une discrimination peut être à l’origine de la mise à l’écart : race, pauvreté…
Ces situations restreignent les opportunités, la liberté de choix et limitent les possibilités de complétude, de se réaliser dans la vie.

Le rejet

Ou bien l’indifférence, l’abandon. C’est ce qui se passe lorsque la personne ou l’entité chargées de prendre soin de nous, nous néglige, nous ignore ou nous abandonne.
Ce peut être entre un médecin et son patient, entre un paroissien et son église, entre une mère et son enfant et de manière plus globale entre l’individu et la société. Le rapport à autrui peut être exploré à travers le rejet.

La désillusion

Croire en un chose et découvrir que c’est un mensonge est assez bouleversant. Notre propre système de croyances est ébranlé. Découvrir qu’un leader politique est corrompu, ouvrir les yeux sur certaines croyances, mettre au jour des comportements immoraux sont autant de chocs qui renversent notre point de vue sur le monde.

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