DAVID TROTTIER : LES 10 CLEFS D’UN PERSONNAGE

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Nous avons étudié lors de l’article précédent
DAVID TROTTIER : LES 10 CLEFS D’UN PERSONNAGE

  1. Le but et l’opposition
  2. La motivation
  3. Le passé
  4. La volonté ou détermination à agir
  5. Point de vue et attitudes
  6. L’évolution du personnage.

Continuons avec cet article l’étude des autres clefs qui définissent un personnage de fiction.

La première partie :
DAVID TROTTIER : LES 10 CLEFS D’UN PERSONNAGE

 La crédibilité

Une des raisons qui rendent un personnage de fiction intéressant est qu’il est obstiné, résolu à accomplir quelque chose et qu’il s’y consacre totalement.
Mais ce n’est pas tout. Un auteur doit créer un lien entre le lecteur et son personnage principal. Il y parviendra en le rendant le plus humain possible.

L’émotion

Une émotion partagée est un moyen privilégié pour créer un lien empathique entre le lecteur et le personnage. Que ce dernier aime, cherche à se venger, éprouve un sentiment de peur ou de terreur… Le lecteur doit pouvoir s’accrocher à ce sentiment, à cette émotion.

En quelque sorte, il devrait pouvoir ressentir une émotion par personnage interposé.

Comme il est préférable de montrer que de dire en matière de scénarios, un lecteur s’identifiera mieux si le personnage combat ce qu’il ressent plutôt qu’il ne l’exprime.

Par exemple, dans Démineurs, lorsque le sergent James se prend d’affection pour le jeune irakien Beckham qui le renvoie vers son statut de père et qu’il découvre ensuite ce qu’il pense être le corps de l’enfant.

Ce qui s’ensuivra est James luttant contre ses émotions et il le fait seul, sans personne alentour.
Et c’est bien cette détresse que le lecteur partage avec James dans un moment d’intimité. Ces moments où le lecteur est seul avec le personnage sont des moments de pure vérité.

Des traits humains

Pour qu’un être de fiction soit crédible en tant qu’être humain, il doit non seulement éprouver des émotions mais aussi posséder des traits de caractère, des valeurs, une dimension humaine.

Il est nécessaire qu’un personnage possède une personnalité et que celle-ci ne soit pas que l’ombre d’une réelle personnalité.
Demandez-vous qui est vraiment votre personnage. Quel est son trait de caractère le plus dominant ? Qu’est-ce qui le distingue des autres personnages ?

Maintenant, pour contraster le trait dominant, déterminez quelle est sa plus grande faiblesse qui est aussi un trait de sa personnalité.
Judicieusement choisis, ces deux traits de caractère généreront un conflit interne.

En société, comment se comporte votre personnage ? Porte-t-il un masque ? Comment les autres le voient-ils ?

Dans Pour le pire et pour le meilleur de Mark Andrus et James L. Brooks, Melvin adopte un comportement compulsif et agressif comme façade ou réponse à un monde qu’il perçoit comme effrayant.
Son masque est une défense.

Mais lorsqu’il apprend progressivement à faire face à sa peur, cette compassion refoulée commence à émerger et il devient meilleur. C’est cette dynamique qui se joue au cœur de son arc dramatique.

Une exposition pratique

D’un manière pratique, lors de la construction de votre personnage, prévoyez entre trois et cinq traits spécifiques incluant une faille ou une imperfection dans sa personnalité et un masque qu’il porte en société, dans la communauté où il vit.

Pour révéler ces traits à votre lecteur, idéalement, chaque scène devrait dévoiler quelque chose de nouveau sur votre personnage principal. Chaque rencontre nouvelle devrait aussi projeter un peu de lumière jusqu’à ce qu’il soit totalement révélé.

C’est avant l’incident déclencheur que devrait être introduit les traits majeurs de la personnalité du héros.
Afin que le lecteur puisse avoir une idée de qui il est avant que sa vie ne soit bouleversée. Éventuellement, d’autres personnages peuvent aider à révéler des informations sur votre héros.

Parmi les caractéristiques qui définissent un personnage, il est bon de présenter quelques défauts qui parlent au plus grand nombre. Par exemple, si votre héros est ronchon tant qu’il n’a pris son café, cela n’ajoute rien à l’intrigue mais aide à lui donner une dimension humaine.

Et pour l’antagoniste, ces mêmes imperfections au lieu de créer une sympathie devraient plutôt irriter le lecteur.
Nous vous conseillons la lecture de cette série d’articles :
CREEZ DES PERSONNAGES FORTS ET CREDIBLES

Des valeurs positives

Nous apprécions les valeurs positives. David Trottier mentionne la famille Corleone. Des mafieux, certes, mais qui possède un sens de la justice, qui ont des familles et celles-ci comptent pour eux. Ce sont des valeurs positives que nous comprenons et qui nous facilitent une reconnaissance.
Donc même si votre héros est à l’image de Michael Corleone, faites en sorte que son code moral soit supérieur aux autres personnages de l’histoire.

Quel qu’il soit, votre personnage doit avoir un peu de bonté en lui. Réservez une scène où vous pourrez montrer cette bonté ou de la tendresse. Par exemple, trouvez un moment où votre héros s’adressera affectueusement à un jeune chien (même les méchants fondent devant un chiot). Cela renforcera le lien entre le lecteur et le héros. Cela créera un courant de sympathie, condition a priori du lien empathique.

Pour asseoir davantage le lien, placez votre personnage principal dans une situation délicate ou confrontez-le à une injustice flagrante. Cela crée de la sympathie envers lui.

Le lecteur peut ne pas être d’accord ensuite avec les choix qu’il fera pour se sortir de circonstances qui le mettent en danger mais il admirera son courage ou son héroïsme ou son endurance et sa détermination.

L’antagoniste, un être fascinant

Vous noterez aussi que plus l’antagoniste est fascinant, plus la sympathie accordée au héros est renforcée. Comme nous sommes généralement attiré par ce qui devrait nous faire fuir, nous compensons peut-être notre malaise avec le héros.

Quelque soit la raison, ne négligez jamais le méchant (du moins ce qui représente l’opposition principale envers votre héros).
A lire au sujet de ce méchant :
LE MECHANT N’EST PAS JUSTE FOU

Retenez aussi que personne n’est ni tout blanc, ni tout noir, ni totalement bien, ni totalement maléfique. Vos personnages doivent avoir de la profondeur.
Sur ce sujet  :
MORALITE : UNE QUESTION A EXPLORER

En fait, il n’y a ni héros, ni méchant mais seulement des individus qui ont des points de vue différents, chacun s’étant persuadé qu’il faisait la bonne chose, conformément à son propre code moral.

Ce peut être une personne ordinaire qui devient un héros ou une héroïne ou du moins quelqu’un de vraiment différent à la fin de l’histoire
Ou bien ce peut être une personne extraordinaire qui découvre qui elle est vraiment et peut enfin trouver le bonheur.

Il n’existe pas non plus de méchant en soi. S’il s’oppose au héros, c’est parce que l’antagoniste a des difficultés à reconnaître le point de vue du héros ou la réalité de celui-ci ou ses besoins.
Chaque antagoniste devrait avoir des motivations légitimes d’agir comme il le fait.

Petits détails qui font la différence

Les détails sont ces petites choses qui signifient beaucoup : idiosyncrasies, habitudes, bizarreries…
Tout ce qui peut caractériser un personnage un peu plus. Sans son imperméable usé, Columbo serait-il encore Columbo ?

Des expressions personnelles peuvent aussi faire la différence, tel le Saperlipopette de William Thacker dans Coup de foudre à Notting Hill.
Ce sont de minuscules caractérisations qui ajoutent à la crédibilité et à la définition d’un personnage.

Une aptitude

Si l’histoire s’y prête, donnez à votre personnage principal une aptitude, une capacité, une activité dans laquelle il excellera (ou du moins, il sera plutôt bon) comme le désamorçage de bombes pour James.
Ou dans Les Trois jours du Condor, la spécialité de Joseph Turner qui justifie qu’un rat de bibliothèque fasse preuve d’intelligence et de connaissance une fois dans la rue, un monde qui lui est pourtant totalement étranger.

Il y aussi les objets qui aident à expliquer un personnage ou un état d’esprit de celui-ci.
A lire à ce sujetUNE METAPHORE DYNAMIQUE

D’autres objets peuvent aussi avoir d’autres significations comme le fouet de Indiana Jones dont il se sert pour se sortir d’affaire régulièrement (ce qui évite d’avoir recours au Deus Ex Machina pour désenclaver votre héros d’une situation dont vous ne vous sortez pas vous-mêmes).

Il faudrait peut-être voir du côté de la psychanalyse pour comprendre ce que ces objets spécifiques au personnage lui apporte mais si votre intuition vous désigne un tel objet, utilisez-le.

La recherche

Pour David Trottier, cette recherche entre dans l’élaboration d’un personnage. Il s’agit en fait d’affiner votre sens de l’observation et de piocher dans la vie réelle les éléments qui s’assembleront dans la personnalité de votre être de fiction.

Nous avons déjà traité de ce sujet dans DEVELOPPER UNE SENSIBILITE. Nous vous renvoyons à cet article.

Pour Trottier, cette recherche se concentre sur la biographie que vous pourriez écrire au moins au sujet de votre héros. L’opposition qui le confrontera mérite aussi une biographie, cependant.

Vous pourrez ainsi compléter un profil psychologique détaillé dont vous ne vous servirez pas de tous les détails dans votre intrigue mais cela vous aidera à dessiner votre personnage, à lui donner davantage de présence, d’existence.

Si Louise n’avait pas été violée dans le Texas, comment aurait-on pu autrement justifier et en fin de compte avaliser son geste lorsqu’elle tue Harlan  (Thelma et Louise) ?

Concernant les détails physiques ou la tenue vestimentaire des personnages, ne vous étendez pas trop. Indiquez seulement les informations (en quelques lignes ou mots) qui soient essentielles à l’histoire ou qui désignent l’essence du personnage.
A lire à ce propos :
DE LA BONNE INTRODUCTION DE VOS PERSONNAGES

Brainstorming

La recherche résume tous les autres points que nous avons abordé au cours de ces deux articles. C’est un corpus de questions que vous devriez vous poser et tenter d’y répondre

Comment se présente physiquement votre personnage ?

Son physique mais aussi sa tenue vestimentaire ainsi que l’endroit où il vit habituellement. Tous ces petits détails renseignent sur la personnalité.

Quelles sont les émotions qui l’assaillent habituellement ?

Si vous décidez que votre protagoniste est timide par nature, son comportement en sera affecté par exemple.

Quel est son point de vue sur le monde ?

Cela peut orienter, voire déterminer ses actions dans un contexte donné.

Comment gère-t-il ses relations avec les autres personnages ?

Gardez à l’esprit que les relations qu’il entretient sont un des éléments dramatiques les plus importants d’une histoire.

Quels sont ses complexes, ses phobies, ce qu’il considère être sa bête noire ?

Quelles sont ses croyances, sa peur la plus profonde, son plus grand secret, ses addictions ou ses hobbies, ses préjugés, ses inhibitions, ses frustrations, ses superstitions ?

Quel est son code moral ?

Souvenez-vous que quelques soient ses actions, le personnage pense qu’il agit bien. L’antagoniste n’a pas conscience qu’il fait le mal puisqu’il est persuadé de bien agir.

Votre personnage est-il extraverti ou introverti ? Plutôt agressif ou placide ? Intuitif ou réfléchi ?

Nous vous conseillons de lire notre traduction de la théorie Dramatica pour compléter cette approche
DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE

Comment réagit-il lorsqu’il est sous pression ?

Le stress est un bon révélateur de la véritable nature de quelqu’un.

Quelles sont les situations les plus à même de le bouleverser ? de le déstabiliser ?
Quelles sont ses valeurs ?

Gardez à l’esprit que personne n’est tout à fait blanc, ni tout à fait noir et que les valeurs s’expriment le mieux par couple. Un être est capable d’aimer comme de haïr.

Si votre protagoniste a un grand sens de l’honneur, rien n’interdit qu’il ne soit pas capable de commettre un acte immoral si les circonstances s’y prêtent.

Que fait votre héros lorsqu’il est seul ? Loin du regard des autres ?

Il est fort probable comme dans la vie réelle qu’il porte un masque en société mais dans sa vie privée, nul besoin de masque.
Et cela révèle des informations importantes sur sa personnalité et peut même aider à façonner votre intrigue.

Quel a été l’événement qui a le plus marqué votre personnage ?

et dont il garde encore des traces dans son comportement actuel. Ce trauma originaire peut participer aussi de son plus grand secret.

Un amour de jeunesse qui n’a pu s’accomplir pleinement à cause de la mort de l’un peut causer des troubles comportementaux chez l’autre par exemple.
Si ce n’est pas véritablement un trauma, ce peut être au moins un moment déchirant.

Quelle aptitude particulière possède-t-il ?

Savoir que votre protagoniste est bon en quelque chose renforce le lien avec le lecteur. S’il est médecin légiste, alors il devra être parmi les meilleurs, par exemple.

Ce n’est pas tant que l’on reconnaisse chez le personnage un talent que nous partageons. C’est plutôt que nous sommes attirés par nos contraires comme nous le sommes par ce qui nous inspire de la répulsion.

Quelle type de voiture possède-t-il ?

Cela peut donner une indication sur sa classe sociale ou participer du masque qu’il offre aux autres.

Quelle est la chose la plus terrible qui puisse lui arriver ?

Structurellement, le personnage principal doit connaître une crise profonde au cours de son aventure. Cette chose terrible qui crée un moment horrible de solitude pourrait illustrer cette crise nécessaire.

Qu’est-ce qui pourrait lui arriver de mieux ?

L’arc dramatique d’un personnage est une approche finaliste de son élaboration. La cause finale qui le caractérise est de devenir un être meilleur à la fin de l’histoire. C’est sa destinée et surtout le message que vous tentez de faire passer avec votre histoire.

Ce questionnement doit vous permettre de créer des aspects singuliers qui une fois assemblés sont appelés à distinguer votre personnage de tous les autres personnages qui ont vu le jour depuis  la nuit des temps.

Bien sûr, l’espace alloué à l’histoire ne permet que de mettre l’emphase sur certains aspects. Il vous faudra sélectionner ceux qui identifient le mieux votre personnage et dont votre histoire pourra aussi bénéficier.

Les relations

Les relations entre personnages sont primordiales et sources de créativité.
Nous vous conseillons la lecture de ECRIVEZ VOTRE ROMAN ETAPE PAR ETAPE pour comprendre comment fonctionnent les relations.

Certaines relations sont basées sur une compréhension mutuelle où chacun complète les besoins de l’autre et la dynamique de leur relation permet à chacun d’évoluer.
D’autres relations sont fondées sur un sentiment de rivalité ou parce qu’ils ont en commun certains intérêts.

Des contrastes avant tout

Dans toute la mesure du possible, créer des contrastes. Les différences entre personnages permet de les définir. Par exemple, dans Il était une fois (2007) de Bill Kelly, l’innocence de Gisèle contraste avec le cynisme de Robert Philip.

Le contraste peut s’établir dans les attitudes, leur façon d’aborder le problème de l’histoire, dans un statut social…
Le contraste joue aussi dans les fonctions que chaque personnage accomplit dans l’histoire (voir Dramatica à ce sujet qui explique l’importance des fonctions).

Parmi les personnages indispensables figure le sidekick. C’est une sorte de confident auquel le protagoniste peut se confier.

Lorsqu’il est parfois difficile de montrer les pensées, les sentiments ou les intentions de votre héros, le sidekick se révèle être un atout précieux. Il faut aussi le développer au-delà de sa fonction, comme l’on dit : l’habit ne fait pas le moine.

Tous les personnages devraient avoir un but, un désir, une intention ou un besoin. Ne créez pas de personnages transparents qui ne servent qu’à meubler certaines scènes. Des personnages secondaires insufflent de la vie dans les intrigues secondaires.

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