L’INDISPENSABLE TENSION

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Le rôle de la tension est essentiel dans toutes les histoires. Thriller ou Comédie romantique, aucune histoire, aucun genre ne peut faire l’économie d’une tension appliquée au lecteur qui se nourrit du suspense et des attentes qu’elle crée.Considérons Munich écrit par Tony Kushner et Eric Roth (dirigé par Spielberg). Nous allons tenter de discerner quelques éléments ou  situations dramatiques aptes à générer de la tension.
Gardez à l’esprit que si vous ne parvenez pas à distiller de la tension dans votre histoire, votre lecteur se sentira probablement frustré et considérera votre histoire comme ennuyeuse.

Un postulat indispensable à comprendre : la tension est générée par le conflit. Créer du conflit revient à créer de la tension. En fait, la tension est inhérente au conflit. Vous ne pouvez pas imaginer un conflit (y compris au niveau de la scène) sans prévoir la gestion de la tension potentielle liée à ce conflit.

Le conflit indispensable à la tension

Deux sortes de conflit sont à votre disposition :
– un conflit physique, interindividuel entre deux ou plusieurs personnages,
– un  conflit personnel entre l’individu et ses propres pensées ou émotions, voire son propre passé. En effet, une blessure dans l’enfance par exemple peut avoir encore des conséquences insoupçonnées chez un personnage.

Dans Munich, Avner le protagoniste commence à se demander si cette vengeance orchestrée discrètement par le gouvernement israélien n’appellera pas davantage de violence. L’histoire après tout a démontré que la violence engendre la violence.
Avner n’est pas un tueur à gages généralement dépeint comme un personnage à deux dimensions considéré du point de la vue de la fonction sans qu’aucune profondeur ne soit nécessaire. En effet, on ne demande pas à un tueur à gages de réfléchir aux conséquences de ses actes.

Dans Munich, la plupart de la tension puise dans l’intériorité d’Avner qui semble de plus en plus prendre conscience de ses contradictions. Nous allons maintenant déconstruire quelques unes des tactiques de mise en place de la tension dans Munich.

Incertitude et doutes personnels

Le protagoniste Avner est le leader réticent d’un groupe d’hommes. Il est hanté par l’ombre de son père qui fut un héros. Une tension est induite parce que ce héros n’est pas présenté comme le héros traditionnel, chef de meute, qui a la situation (quel qu’elle soit) toujours sous contrôle.
De la tension est créée parce que non seulement les autres personnages ne croient pas en lui mais parce qu’aussi lui-même a des difficultés à croire en lui.

Identités personnel et professionnel

Avner possède deux vies : d’un côté, sa famille avec sa femme enceinte et de l’autre, son activité d’assassin pour le gouvernement israélien. Ces deux facettes du personnage sont en permanent conflit. Cette technique de construction de la tension se rencontre souvent. Il est en effet facile de développer un protagoniste qui vit deux vies très conflictuelles dont le frottement permanent interfère sur les choix du personnage.

Dans Munich, cette opposition, ce conflit d’intérêts entre l’activité professionnelle et la vie privée d’Avner est ce qui porte les contradictions du personnage. Ce conflit émotionnel donc intime dans la personnalité d’Avner est à la source de la tension. C’est ce trait de caractère particulier du personnage qui permet à la tension de s’installer et d’être tangible, palpable.

Au fur et à mesure que l’histoire progresse, Avner réalise que ce principe de vendetta adopté par le gouvernement israélien ne fait rien d’autre que de propager la violence. Cette prise de conscience renforce la tension créée chez le personnage.
La tension engendrée par le point de vue du personnage prend le dessus progressivement sur la tension générée par la mission elle-même (c’est une opposition intérieur/extérieur en quelque sorte) et les choses deviennent encore plus tendues lorsque se révèle progressivement que le but de la mission a aussi d’autres fins politiques que la vengeance pour les crimes commis par Septembre noir.

La personnalité sympathique des antagonistes (ou cibles)

Munich insiste sur la personnalité des cibles qui ne sont pas présentées comme les méchants à abattre et qui porteraient tous les stigmates (destinés au lecteur) qui les désigneraient pour l’élimination. Avner entre même dans une agréable conversation avec l’une de ses cibles et se surprend à apprécier l’homme avant de l’éliminer.
De nouveau, cette position d’Avner entre l’objectif de sa mission et le cas de conscience que cela provoque en lui est utilisé pour produire de la tension.

Ce type de scène où un personnage (plus ou moins autorisé à tuer) se retrouve face à face avec sa cible ou inversement lorsqu’un criminel est face à son exécuteur (encore une fois, plus ou moins légal – cette légitimité à agir est nécessaire pour que le jugement du lecteur ne soit pas obscurci sur les motifs de la nécessité de l’exécution) est de la pure tension.
C’est comme si vous écrivez de la tension lorsque vous mettez en place ce genre de situation.

En préparant votre personnage principal à avoir des sentiments contradictoires lorsqu’il doit prendre une décision, faire un choix décisif pour l’histoire, vous ne montrez pas seulement le geste mécanique de ce qui doit être fait, mais vous incitez votre personnage et votre lecteur à s’interroger sur la finalité de ce geste. Ce questionnement est lui-même source de tension.

Poser un regard sympathique sur un personnage que tout désigne comme le méchant de l’histoire aide l’auteur à positionner sans heurt ces sentiments contradictoires chez son héros.

Le flashback

Le flashback n’est pas un outil dramatique facile à utiliser et il peut être une des raisons du rejet d’une histoire par le lecteur. Cependant, lorsque comme dans Munich, il est employé pour que le lecteur se remémore les raisons de la mission d’Avner et de son groupe, il est un puissant outil pour relancer un pic de tension.

Lorsque les raisons qui nourrissent la mission d’Avner, qui lui donnent son élan, son dynamisme s’estompent à la fois chez les personnages et le lecteur, des flashbacks brutaux viennent rappeler à la mémoire les faits qui la justifient.
Employé à bon escient, le flashback ne brise pas le flot de la narration et permet à l’auteur de dessiner un contexte entre les limites duquel il va pouvoir jouer avec la tension. Prenez garde cependant que le flashback ne vienne pas anéantir la tension innée de la scène dans laquelle il vient s’insérer avec force.

Dans L’échelle de Jacob de Bruce Joel Rubin par exemple, le flashback (élément dramatique de première importance dans cette histoire) est ce qui crée la tension dans le quotidien de Jacob (le souvenir de son service au Viêtnam ou la mort de son fils) .
Sans le flashback, ce quotidien n’aurait pas de tension innée.

Jouer sur l’innocence

La vulnérabilité ou la candeur, l’innocence d’un personnage sont un bon levier pour ajouter de la tension. On s’attache facilement à un enfant. Nous avons tous le besoin inné de protéger un enfant.
Par exemple, dans Munich, lorsque la petite fille prend le téléphone piégé, le cœur du lecteur ne peut que s’étreindre et il se laisse envahir par la tension induite par cette scène. L’auteur a atteint son but : créer de la tension.

Et même si le niveau de vulnérabilité n’est pas aussi marqué envers un personnage adulte, l’astuce de rechercher un attachement émotionnel (ce qui crée une identification, une reconnaissance) avec des personnes innocentes dont le lecteur sait que la vie est en danger peut fonctionner.
C’est ce que Munich propose avec les athlètes du village olympique.

Le compte à rebours

La technique du compte à rebours pour créer de la tension fonctionne à coup sûr et est constamment employée. Dans Munich, par exemple, un compte à rebours (parmi d’autres) est celui où les preneurs d’otages fixent une heure limite pour leurs revendications.


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