LES ÉVADÉS : ANALYSE DES PERSONNAGES

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Cette analyse des personnages concerne le roman de Stephen King : Rita Hayworth and the Shawshank Redemption que Frank Darabont a adapté pour écrire Les évadés. Il y a un débat quant à savoir qui de Red ou de Andy Dufresne est le protagoniste de cette histoire.
Vers la fin de l’histoire, cependant, Red prétend que c’est lui, et non pas Andy :
Well, you weren’t writing about yourself, I hear someone in the peanut-gallery saying. You were writing about Andy Dufresne. You’re nothing but a minor character in your own story. But you know, that’s just not so. It’s all about me, every damned word of it.

Eh bien, tu n’as pas écrit sur toi, ai-je entendu piailler. Tu as écrit sur Andy Dufresne. Tu n’es rien d’autre qu’un personnage mineur de ta propre histoire. Mais vous savez, ce n’est pas çà du tout. C’est tout à mon sujet, chaque foutu mot de ce truc.

Red a toutes les raisons de croire que cette histoire est son histoire mais Andy est le véritable agent de l’action dans ce récit. Il est la cause de tous les problèmes, prend les initiatives et l’histoire en fin de compte est comment il réussit à échapper à sa détention.
Red en quelque sort traîne derrière lui en une manière quelque peu désespérée.

Le thème

Andy personnifie le thème le plus fort de cette histoire : l’espoir. D’ailleurs, Red remarque qu’il se comporte comme s’il n’était pas en prison.
He had something that most of the other prisoners, myself included, seemed to lack. Call it a sense of equanimity, or a feeling of inner peace, maybe even a constant and unwavering faith that someday the long nightmare would end.

Il avait quelque chose que la plupart des autres prisonniers, moi-même inclus, semblaient manquer. Appelez cela un sentiment de sérénité, ou de paix intérieure, peut-être même une croyance continue et inébranlable qu’un jour ou l’autre ce long cauchemar toucherait à sa fin.

Ce sentiment de paix et de félicité rayonne sur les autres prisonniers et leur confère quelques pensées qui leur font oublier pendant quelques temps qu’ils sont coincés dans une petite cellule.
Cela se voit par exemple à la bibliothèque et Red se souvient :
I saw him gradually turn one small room (which still smelled of turpentine because it had been a paint closet until 1922 and had never been properly aired) lined with Reader’s Digest Condensed Books and National Geographies into the best prison library in New England.

Je l’ai vu progressivement changé une petite pièce (qui sentait encore l’essence de térébenthine parce qu’elle avait servi de débarras à peinture jusqu’en 1922 et n’avait jamais été proprement aérée) avec uniquement des Reader’s Digest et des National Geographies en la meilleure bibliothèque de prison de Nouvelle Angleterre.

Cela se voit aussi quand il récupère des bières pour les gars qui goudronnent. Les hommes font une pause pour déguster leurs bières et Red mentionne :
For those twenty minutes we felt like free men.

Pendant ces 20 minutes, nous nous sommes sentis des hommes libres.

L’optimisme au cœur du personnage

C’est assez étrange mais nous ne saurons jamais vraiment pourquoi Dufresne est si optimiste. Il n’a pourtant pas beaucoup à espérer de sa situation. Jeté en prison pour le reste de sa vie pour le meurtre de sa femme et de l’amant de celle-ci, alors qu’il est innocent.

Et pourtant, cet espoir qu’il porte en lui est si fort et si clair qu’il le garde en vie pendant plus de trente ans (près de 20 ans dans l’adaptation de Frank Darabont) alors qu’il croupit en prison. C’est peut-être cela : son refus de croupir mais de vivre en attendant ce jour où le cauchemar prendra fin.

Et ainsi, il aide les autres prisonniers par quelques petites attentions mais qui font leur chemin et comme le dit Red : We felt like free men.
Andy tente d’aider ses codétenus à se sentir mieux, à accepter leur vie en prison ou du moins à s’y adapter comme les activités manuelles qui procurent une occupation afin de ne pas ressentir l’amertume du temps perdu.

Andy n’est pas seulement plein d’espoir, il est aussi contagieux. Il partage l’espoir comme s’il voulait sauver ces hommes.
Cependant, il ne faut retenir que la dimension spirituelle de cet espoir car Andy Dufresne est un homme qui cache ses émotions et parle peu. C’est d’ailleurs cette froideur  qui a effrayé le jury lors de son procès. Voici ce qu’en pense Red :
I knew him for close to thirty years, and I can tell you he was the most self-possessed man I’ve ever known. What was right with him he’d only give you a little at a time. What was wrong with him he kept bottled up inside

Je le connais depuis près de trente ans, et je peux vous dire que c’est un homme qui a un sang-froid tel que j’en ai rarement connu. Ce qui allait bien chez lui, il vous le donnait au compte-gouttes. Ce qui allait mal, il le gardait enfermé à l’intérieur.

La problématique du secret

A vrai dire, personne ne connait vraiment Andy Dufresne. Ce qui nous amène à un autre thème important de cette histoire : le secret.
Mais ce n’est pas une réserve naturelle comme un trait de son caractère. Ce secret est un étai pour l’espoir. Comme le tunnel par exemple qui lui permet de savoir qu’il est en bonne voie de réussir une évasion spectaculaire.

Le secret conjugué avec l’espoir permet de faire avancer l’arc dramatique de Dufresne. Ce secret qui l’entoure cache aussi des émotions profondes.

En quelque sorte, il prend des risques avec les figures de l’autorité dans cette prison. Il les déjoue, il les dupe, il les ridiculise. Et le seul moyen d’y parvenir est de cacher ce qu’il pense.
Cela l’a certes mené droit en prison mais cela lui permet aussi de battre ces figures qui maintenant le contrôlent.

Simultanément, ce secret donne du poids à la relation entre Andy et Red. Ils ne parlent pas beaucoup mais quand ils le font, c’est à propos de choses secrètes comme la contrebande.
Lorsque Andy parle à Red de la prairie à Buxton, on pourrait penser que cette confidence qu’il fait à Red est l’annonce qu’il a perdu tout espoir de s’en sortir :

Andy Dufresne: Red. If you ever get out of here, do me a favor.
Red: Sure, Andy. Anything.
Andy Dufresne: There’s a big hayfield up near Buxton. You know where Buxton is?
Red: Well, there’s… there’s a lot of hayfields up there.
Andy Dufresne: One in particular. It’s got a long rock wall with a big oak tree at the north end. It’s like something out of a Robert Frost poem. It’s where I asked my wife to marry me. We went there for a picnic and made love under that oak and I asked and she said yes. Promise me, Red. If you ever get out… find that spot. At the base of that wall, you’ll find a rock that has no earthly business in a Maine hayfield. Piece of black, volcanic glass. There’s something buried under it I want you to have.
Red: What, Andy? What’s buried under there?
Andy Dufresne: [turns to walk away] You’ll have to pry it up… to see.

Andy :
Red, si jamais tu sors d’ici, rends-moi un service
Red :
Bien sûr, Andy. N’importe quoi.
Andy :
Il y a une grande prairie là-bas près de Buxton.
Tu sais où est Buxton ?
Red :
Eh bien, il y a… Il y a beaucoup de prairies par là-bas
Andy :
Une en particulier. Elle a une longue paroi rocheuse avec un chêne au nord. On dirait qu’elle est sortie d’un poème de Robert Frost. C’est là que j’ai demandé à ma femme de l’épouser. Nous y sommes allés pour un pique-nique et nous avons fait l’amour sous le chêne et je lui ai demandé et elle a dit oui.
Promets-moi, Red, si jamais tu sors… Trouve cet endroit. Au pied de cette paroi, tu trouveras une roche qui n’a rien à faire dans le Maine. Un morceau de verre noir, volcanique. Il y a quelque chose d’enterré dessous que je veux que tu es.
Red :
Quoi, Andy. Qu’est-ce qui est enterré ?
Andy (en s’éloignant) :
Faudra que tu creuses pour le savoir.

Pourtant, fidèle à la logique du personnage de Andy, cet échange porte encore cet espoir qu’un jour, lui et Red, se retrouveront hors des murs de cette prison. Le paysage quelque peu idéalisé par le poème de Robert Frost est une invitation contrastée et non  le stigmate d’un abandon.
Andy déclare à Red son amitié sincère. C’est un moment privilégié aussi rare que celui d’une demande en mariage.

RED

Nous n’apprendrons jamais le véritable nom de Red. Frank Darabont a créé un personnage au physique différent de celui de Stephen King probablement pour des raisons financières. Le budget du film a été considérablement réduit par le choix des acteurs, cependant, Tim Robbins et Morgan Freeman sont remarquables.

Nous savons de lui qu’il a tué sa femme pour toucher l’assurance et il le reconnaît. Cette honnêteté est rare dans la population de Shawshank où même l’autorité est corrompue.
Nous devinons en lui une sincérité même lorsqu’il est décrit comme un meurtrier au sang-froid implacable. Il assume ses actes et ne cherche pas à en atténuer la portée. Ce meurtre ne lui cause pas de conflits, ceux-ci ont été résolus par sa peine d’emprisonnement.

Derrière son apparence de gros bonnet capable de faire passer des choses en contrebande dans la prison, nous apprendrons au cours de l’histoire que Red est en fait terriblement effrayé par la vie au-dehors.

In here I’m the man who can get it for you, yeah. But out there, anyone can get it for you
Ici, je suis l’homme qui peut tout t’avoir, d’accord. Mais dehors, n’importe qui peut t’avoir.

Red est persuadé que ses compétences ne sont valables que dans la prison, qu’il est une personne importante entre les murs de la prison. Il n’y a rien d’étonnant donc qu’il n’est aucune motivation à vouloir s’échapper.

Pour Red, la vie de prisonnier est devenu un état d’esprit. Ce n’est plus seulement des murs et des barreaux. Il est tellement habitué à cette vie qu’il ne peut imaginer qu’il puisse y en avoir une autre.

Si l’on examine l’arc dramatique du personnage de Red, on s’aperçoit alors que l’Inner Journey de Red est de se libérer de cet état d’esprit et de voir la vie autrement qu’entre des barreaux.
Or, il ne peut y arriver seul. Grâce à Andy, Red pourra se libérer avant tout de lui-même. Sans l’intervention de Andy, l’arc dramatique de Red ne peut évoluer.

Ce qui a lancé le débat sur la fonction du personnage de Andy qui le détourne du personnage principal pour en faire un Influence Character.
L’Influence Character est un personnage dont l’influence sur le personnage principal est déterminante (et significative).

A en juger par ses réactions, l’on voit bien que Red est vraiment touché par les actions de Andy et leur amitié au fil des années se fait de plus en plus profonde.
Mais sans les efforts de Andy, sans l’impact de Andy sur le caractère de Red, cette relation entre les deux personnages n’aurait pu se concrétiser de la sorte.

shawshankRedemption_andyRed

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