ROBERT McKEE : STORY EVENTS, STORY VALUES ET STRUCTURE

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Une structure (ou un récit si ce terme vous parle mieux) peut se comprendre comme une succession d’événements de la vie d’un personnage. succession qui est réglée de telle manière qu’elle éveille des émotions spécifiques et exprime une certain regard sur la vie. La responsabilité d’un personnage est toujours derrière un événement (ou Story Events) ou bien un événement affecte un ou plusieurs personnages. Ainsi, l’élément commun aux événements est le personnage, qu’il initie ou subit l’événement.

Les événements sont matières sonores et visuelles

Un événement doit être visible (à la fois visuel et sonore). Il prend place dans un cadre particulier et génère des images, de l’action et des dialogues. Vous devez ressentir une énergie, une force dont l’événement se nourrit pour se déployer. Cette énergie est souvent générée par le conflit à la source de l’événement. Cette force véhiculée par le conflit produit de l’émotion chez les personnages et par identification, compassion ou tout autre forme de reconnaissance ou de partage, chez le lecteur aussi.

Les événements (Story Events) choisis ne doivent pas cependant advenir de manière aléatoire dans votre histoire. Ils doivent être agencés afin d’être efficaces (Robert McKee précise qu’ils doivent être composés comme un morceau de musique).

Un événement doit amener un changement, une évolution par rapport à une situation précédente. Robert McKee donne l’exemple d’une rue qui se retrouve complètement trempée après un orage. Avant l’orage, les trottoirs étaient secs. Il s’est alors produit un événement (l’orage) et les trottoirs sont maintenant mouillés (tenez compte du rapport autrefois/maintenant dans l’élaboration de vos scènes).
Le monde tel qu’il était avant l’événement n’est plus le même. Il a été modifié par l’événement.

Cependant, un Story Events ne peut pas être dû au hasard lorsqu’il s’agit d’un scénario.
Dans votre scénario, les événements (Story Events) doivent être justifiés. Une coïncidence, le hasard ne peuvent pas être motivés. Bien sûr qu’un orage peut affecter un personnage s’il se retrouve foudroyé. Cela devient plus intéressant. Mais qui est à l’origine de l’orage ? Pourquoi ce personnage a-t-il été frappé par la foudre ? Cela n’a pas de sens. Il faut que vos événements aient du sens, une signification qui les explique, qui les relie d’une manière ou d’une autre à un protagoniste. Ainsi, en fiction, ce qu’il arrive est différent de la vraie vie. Dans la vraie vie, nous nous tenons souvent (peut-être trop souvent) aux effets des événements sur nous. Nous percevons l’effet et ignorons les causes. En fiction, le lecteur exige qu’on lui explique pourquoi et comment une telle chose advenant à un personnage est-elle seulement possible.

Valeurs et événements

C’est là qu’intervient le concept de Story Value. Un événement provoque un changement dans la vie actuelle d’un personnage et ce changement s’exprime et se vit en termes de valeurs.
Ce ne sont pas n’importe quelles valeurs qui entrent en jeu. Ces Story Values sont du domaine de l’expérience humaine. Elles peuvent être positive ou négative. Ce changement de polarité se produit en un instant, sans étape transitoire.

Par exemple, la vie ou la mort est une Story Value (offrant à la fois, un côté positif et un côté négatif). Une Story Value fonctionne toujours par pair. Par nature, la Story Value est duelle. Elle exprime des qualités de notre expérience humaine et peut changer de polarité à tout moment.

Quelques exemples de Story Values :
L’amour ou la haine ; le libre-arbitre ou la servitude  (ou soumission) ; la vérité ou le mensonge ; le courage ou la lâcheté ; la loyauté ou la trahison ; la sagesse (on peut douter qu’elle soit concrète à moins qu’elle ne réponde à une problématique) ou la sottise ou encore l’ignorance ; la force ou la faiblesse ; l’exaltation ou l’ennui…
Ces valeurs peuvent être de l’ordre de la morale : le bien ou le mal ou éthique : la droiture ou la malfaisance ou ne se réfère à aucun domaine particulier (l’espoir ou le désespoir sont reconnus par chacun dès qu’on les aperçoit). Comprenez bien qu’il s’agit d’une valeur pouvant présenter deux aspects et ce qui est intéressant, c’est qu’il y a une variation continue entre l’un et l’autre aspect d’une même valeur. Un même personnage peut osciller entre le bien et le mal tout au long de l’intrigue, par exemple. S’agissant de la même valeur (ou Story Value), et selon Robert McKee, ce n’est pas incohérent. Notons aussi que ces Story Values sont de l’ordre de la perception.

Illustrons une Story Value :
Nous sommes dans un paysage désertique. C’est la sécheresse. L’enjeu est évident : la survie. La Story Value la plus adéquate à cette situation serait une question de vie ou de mort (Vivre ou Mourir, c’est intéressant et très curieux à la fois, digne du moins de figurer au cœur d’une histoire).

Nous démarrons avec la côté négatif de la Story Value puisque la famine emporte des vies chaque jour.
Puis il pleut. Gardez à l’esprit que nous tentons d’illustrer le fonctionnement  d’une Story Value. La pluie ne serait pas de bon aloi à utiliser dans un de vos scénarios car on ne peut l’inférer à aucun personnage (sauf si la nature elle-même est personnifiée), et sauf encore si elle est utilisée comme un McGuffin mais là, c’est une autre histoire. La mousson a inversé la polarité de la Story Value  en ramenant la vie dans ce paysage désertique (symboliquement mort).

Pour qu’un événement puisse être qualifié de Story Events (et ainsi être adéquat à l’histoire), il ne doit donc pas se produire par hasard (et ce, quelque soit le potentiel des Story Values que vous impliquez dans cet événement).

Un Story Event crée un changement, met en œuvre des Story Values à fort potentiel (c’est une définition forcément subjective puisque ce potentiel sera évalué selon les propres valeurs de l’auteur) et se produit parce qu’il y a un conflit sous-jacent.
Illustrons de nouveau notre propos avec The Rainmaker de Richard Nash.

De nouveau, un paysage désertique où la sécheresse fait des ravages. Arrive un homme qui s’imagine être un faiseur de pluies (Rainmaker). Cet homme a un profond conflit intérieur entre sa croyance véritable qu’il peut amener la pluie bien qu’il n’ait jamais été capable de le faire et sa peur terrible d’être un fou ou un idiot (c’est une interrogation intime et non un jugement).

Il rencontre une femme, tombe amoureux, souffre alors qu’elle tente de croire en lui puis finalement elle se détourne de lui convaincue qu’il n’est qu’un charlatan ou pire. Il a aussi un grave conflit avec ses semblables. Certains le suivent comme s’il était un messie, d’autres veulent le jeter sans ménagement hors de la ville.

Enfin, il affronte les éléments naturels dans un implacable conflit : les vents brûlants, le ciel sans nuage, la terre craquelée..
Si cet homme parvient à affronter à la fois ses conflits intérieurs et personnels, ceux de la ville et à se battre contre les forces de la nature et que finalement, il parvient à faire tomber la pluie d’un ciel sans nuage, cette tempête aura une signification majestueuse, sublime parce qu’essentiellement, cette transfiguration de la situation est motivée par des conflits. Ce sont eux qui sous-tendent l’événement et en font un Story Event assez extraordinaire.

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