TOY STORY : LA SEQUENCE, UNITE STRUCTURELLE (3)

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Nous avons vu précédemment l’analyse de Toy Story en 8 séquences.
La séquence A : TOY STORY : LA SEQUENCE, UNITE STRUCTURELLE (1)
et les séquences B & C : TOY STORY : LA SEQUENCE, UNITE STRUCTURELLE (2)

Abordons dans cette article la séquence D. La quatrième séquence d’environ une dizaine de minutes débute avec Buzz grimpant dans la voiture. Une courte ironie dramatique prend place au cours de ce premier acte de la séquence puisque Woody ignore que Buzz est déjà dans la voiture. Une ironie qui est rapidement résolue lorsque Buzz aide Woody à grimper dans le véhicule.

Le protagoniste de la séquence

Dans cette séquence D, Woody est de nouveau le protagoniste. En tant que tel, il s’est fixé un objectif : que Buzz retourne à la maison. La question dramatique s’impose alors d’elle-même : Woody parviendra-t-il  à ce que Buzz soit renvoyé à la maison ?

L’objectif majeur de Woody est inchangé. Il a besoin de retrouver sa place parmi les autres jouets ; une place teintée d’amour et d’admiration ; que les jouets partagent aussi avec Andy.

Le principal obstacle

Un protagoniste fonctionne de pair avec un antagoniste. Vous pouvez certes écrire de manière plus expérimentale mais placer des obstacles sur le chemin d’un protagoniste, c’est encore ce qui fonctionne le mieux auprès du lecteur/spectateur.

Au cours de cette séquence D, le principal obstacle de Woody dans son dessein de se débarrasser de Buzz car il ne peut y avoir qu’un seul jouet avec Andy au Pizza Planet est la colère que ressent Buzz après avoir été défenestré accidentellement par Woody.

Le telegraphing

Notez que cette séquence fait de nouveau usage du telegraphing. Cette technique narrative consiste à emmener le lecteur/spectateur vers une anticipation des événements.

Dans cette séquence, lorsque Woody dit à Buzz que lorsque Andy découvrira Buzz, il le ramènera à la maison et Buzz pourra expliquer aux autres jouets ce qu’il s’est réellement passé et que Woody n’a jamais voulu tuer Buzz.

Mais les auteurs se servent ici du telegraphing pour emmener le lecteur/spectateur vers une fausse anticipation comme les événements futurs le démontreront.
L’anticipation peut servir deux propos :
– soit prédire effectivement le contexte futur du récit tels que le déménagement au cœur même du problème des jouets ou bien encore l’anniversaire où le risque est grand de voir les jouets remplacés,
– soit prendre le lecteur et la lectrice à contre-pied en l’emmenant intentionnellement sur une fausse piste.

Dans les deux cas, le telegraphing sert à maintenir l’attention du lecteur/spectateur en créant dans son esprit une attente. En effet, s’il n’attend rien de l’histoire, pourquoi le lecteur/spectateur perdrait-il son temps à la suivre ?

Une coopération forcée

Les décisions que prennent l’autrice et l’auteur peuvent emmener le récit vers sa réussite avec les mêmes chances que vers son échec. Dans cette séquence D, il est montré que Buzz et Woody sont obligés de coopérer.
Plus exactement, il nous est montré que le protagoniste est dans la difficile position de convaincre son antagoniste d’une coopération nécessaire pour qu’ils parviennent tous deux à leurs objectifs respectifs.

La nécessité de coopérer n’est pas recherchée parce que les auteurs cherchent à minimiser les différences qui existent entre l’antagoniste et le protagoniste. Cet arrangement de proximité très serrée et constante sert en fait à créer davantage d’intensité.
Et cela fonctionne avec la comédie comme avec le drame.

Et au-delà de son seul aspect dramatique, l’intensité sert à garder l’attention du lecteur/spectateur.
Evidemment, tout serait bien morne si Buzz acceptait d’emblée cette proposition. Il s’ensuit donc un combat et pour conséquences, Woody et Buzz sont tous deux abandonnés à la station-service.

Il est important de nicher du conflit partout, même s’il est à peine perceptible. C’est ennuyeux un personnage qui dit oui à tout ou est d’accord avec tout. De plus, ce refus de Buzz de coopérer avec Woody génère un obstacle encore plus puissant que la colère de Buzz envers Woody.

La scène de récapitulation

Avec l’arrivée du camion d’essence, les auteurs ont mis en place une scène de récapitulation.

L’aspect pratique de la récapitulation est qu’elle permet de répéter une information que le lecteur/spectateur aurait pu manquer ou oublier. Parfois, une scène est spécifiquement dédiée à reprendre un certaine nombre d’informations déjà donnée afin de préparer l’action future.
La plupart du temps, cette scène consiste à avoir un ou plusieurs personnages qui passent en revue les informations les plus importantes afin de préparer l’action future. Elle prend son cadre dans le contexte où justement les personnages essaient d’imaginer quoi faire ensuite.

La scène de récapitulation sert ainsi non seulement à donner au lecteur/spectateur les moyens de comprendre ce qu’il se passe dans le présent narratif en lui remémorant les événements passés mais elle crée aussi une anticipation ancrant davantage le lecteur et la lectrice dans le récit.
Faites attention cependant à ne pas dévoiler un rebondissement en donnant trop de signification à certains indices.

Donc, Woody dit qu’il est perdu ; que Andy est parti et qu’ils vont déménager dans deux jours.. Ainsi, il récapitule les problèmes importants qui articulent l’histoire de manière claire et puissante. De plus, il est important de conserver le lecteur/spectateur dans les méandres de l’histoire en faisant un point sur ce qu’il s’est passé, sur ce que cela implique pour les personnages, leurs plans, leurs espoirs et leurs craintes.

Un nouvel espoir

Les scènes de préparation suivent assez souvent une scène de confrontation. De plus, le lecteur/spectateur a le sentiment que tout semble perdu (c’est un All is Lost).

Mais surgit le véhicule Pizza Planet. C’est l’occasion pour Woody de tenter à nouveau de convaincre Buzz de coopérer. Woody est motivé par le regard que les autres jouets poseraient sur lui s’il revenait seul.
C’est alors que nous est donné un exemple d’indirection.

L’indirection

L’indirection est une technique narrative qui peut être visuelle ou verbale.

Considérons les dialogues. Les meilleurs dialogues sont ceux qui traduisent non seulement l’émotion qu’éprouve un personnage mais aussi la nature de ce personnage. Rien qu’à ces lignes de dialogue, on devrait pouvoir reconnaître un personnage même sans le voir.
Lorsque, d’ailleurs assez souvent lors de la réécriture (lorsque que l’on a un point de vue plus haut sur son histoire), des lignes de dialogues un peu trop directes (donc un peu inutiles) se font jour, il peut être pratique d’utiliser une indirection. Par exemple, lorsqu’un personnage est en colère, plutôt que d’exprimer cette colère (sur le plan verbal), ne pourrait-il pas être un peu espiègle, un peu taquin afin d’exprimer ce sentiment ? L’indirection offre ainsi un opposé au sentiment ressenti. L’expression et le ressenti (ou l’impression) sont contradictoires.

Et ce contraste n’est pas celui de valeurs contraires mais d’énergies qui  se fondent mutuellement pour renforcer une signification. Alors que des propos colériques, incohérents, proférés en phase avec l’émotion ont tendance à minimiser l’impact de la scène.

Dans Toy Story, une autre forme d’indirection prend lieu lorsque Woody décrit un plan à Buzz pour rejoindre le Pizza Planet avec le livreur. Il est clair cependant que l’intention de Woody est une tactique pour renvoyer Buzz chez Andy.

L’autre type d’indirection est visuel. Ce sont des événements qui sont montrés comme par exemple des réactions plutôt que des actions.

Dans la séquence C de Toy Story, lorsque Sid fait exploser le soldat, on entend l’explosion, la caméra tremble, des débris volent mais l’explosion en soi n’est pas montrée. Ce qui nous est montré, ce sont les jouets qui observent la scène c’est-à-dire leur réaction face à cet horrible événement.

Le premier tournant majeur de l’histoire

Arrivés au Planet Pizza, une nouvelle scène de préparation permet de jouer à nouveau sur le contraste. En effet, Buzz et Woody parviennent à se rapprocher de Andy.

Il est donné au lecteur/spectateur un indice sur la résolution positive de l’histoire, à savoir tout le monde est de nouveau réuni et Woody retrouve sa popularité auprès des autres jouets.

Mais juste alors que cette vision des choses est on ne peut plus claire, Buzz décide de faire des siennes et nous parvenons à la résolution négative de la séquence.

Nous pouvons considérer ce moment comme le point médian du récit. Habituellement, un point médian est négatif lorsque la résolution de l’histoire est positive. La résolution négative de la séquence correspond à ce point médian.
Sid (introduit lors de la séquence précédente) s’empare de Woody et de Buzz.

La réponse à la question dramatique

La question dramatique de la séquence a dorénavant sa réponse : Woody a échoué.

Son objectif majeur (retrouver la place qu’il occupait avant) l’a mené vers des difficultés encore plus sérieuses. De plus, la séquence se termine avec un cliffhanger concrétisé par la ligne de dialogue assez énigmatique de Sid :
Let’s go to my house and.. play ! Allons à ma maison et.. jouons !

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