LES THÉORIES DU SCÉNARIO

0
(0)

Fondamentalement, un scénario est une forme littéraire très spécifique. La lectrice et le lecteur d’un scénario ne sont pas les mêmes que celui d’un roman. Et c’est d’abord un outil destiné à un média visuel, donc qui servira à mettre en images une histoire. Il est appelé à être manipulé par d’autres créateurs qui en feront leur propre interprétation. Un scénario n’est jamais un produit fini même au bout de la dixième révision.

Un scénario se concentre sur la description des pensées et sentiments qui traversent les personnages de l’histoire. Cette description ne consiste pas à pénétrer l’intériorité des personnages. Car il n’est pas un roman.
Il lui faut évoquer ces pensées et sentiments à travers  le sous-texte (comme l’usage des métaphores), de l’action (des attitudes et des comportements qui révèlent un état d’esprit actuel du personnage ainsi que les relations entre eux) et bien-sûr le symbolisme (peut-être un peu délicat à manier).

Pour expliquer comment un scénario fonctionne, plusieurs théories ont vu le jour. Elles se présentent chacune avec leur propre terminologie et quelques particularités qui les différencient mais dans l’ensemble, leurs préceptes se recoupent. Une théorie du scénario consiste à étudier un scénario sous l’angle de sa structure. William Goldman (Butch Cassidy et le Kid, Marathon man..) affirme que le scénario est d’abord une structure.

La structure en trois actes

Cette organisation de l’histoire date de Aristote. On peut sommairement la résumer ainsi :

  1. Une mise en place
    Lieux de l’histoire et exposition des personnages
  2. Une confrontation (selon le vocabulaire de Syd Field)
    Il s’agit de mettre en place dans cet espace de l’acte Deux une délibération afin que les points de vue (forcément différents) de l’antagonisme et du protagoniste soient exposés sans que l’auteur ou l’autrice ne prennent parti pour l’un ou l’autre.
  3. Une résolution
    Au cours de ce troisième acte, le message de l’autrice et de l’auteur est clairement énoncé lors du climax, c’est-à-dire l’ultime confrontation entre les deux personnages clefs d’une histoire : le protagoniste et l’antagoniste. Ce dernier acte propose aussi un dénouement censé donner un aperçu sur le devenir des personnages après le climax.

Certains théoriciens dont Yves Lavandier préfèrent inclure le climax au cours du deuxième acte car ils le considèrent comme partie intégrante de l’action.

Le hero’s journey

Initialement formulé par Joseph Campbell, ce parcours héroïque qu’est le hero’s journey est un motif qui décrit la destinée commune des héros et des héroïnes à travers les mythes, légendes, contes.. telle que Campbell l’a repérée dans les différentes cultures et époques de l’histoire humaine.

Le héros aux mille et un visages écrit en 1949 est d’accès malaisé mais ce parcours du héros peut être ainsi structurellement résumé en quelques étapes fondamentales :

  1. Call to adventure
    C’est l’appel à l’aventure. Quelque chose ou quelqu’un propose au héros (ou à l’héroïne) de s’engager dans son aventure. Il peut décliner cette offre mais généralement après quelques réticences, il accepte enfin de prendre en charge son problème.
    Ce moment, ce choix qu’il fait, concrétise le passage dans l’acte Deux.
  2. Des épreuves
    Le héros ou l’héroïne connaîtront une série d’épreuves, tribulations, pérégrinations qui testeront leurs déterminations à réussir leurs objectifs, ces désirs parfois inconsidérés, mais leur permettront aussi de grandir.
    Au fil de ces épreuves, le héros ou l’héroïne découvriront sur eux-mêmes des vérités que le défaut majeur de leurs personnalités (que l’on nous a démontré au cours de l’acte Un) ne leur permettait pas de saisir. A la fin de l’acte Un, il est clair que la vie du personnage principal est dans une impasse. Il n’évolue plus. Les épreuves lui permettront alors d’ouvrir les yeux sur sa véritable nature.
  3. La récompense
    Après avoir triomphé de l’adversité dont le résultat est une connaissance de soi somme toute rédemptrice, le héros peut s’en retourner dans son monde ordinaire afin de partager avec sa communauté cette nouvelle sagesse acquise au cours de son aventure.
  4. Le retour dans le monde ordinaire
    C’est l’ultime épreuve qui attend le héros. Car ce retour n’est pas gagné d’avance. Il peut encore échouer. Ce moment de l’histoire se réalise dans un dilemme pour le héros ou l’héroïne. Il leur faut encore faire le bon choix pour réussir.
  5. Le partage de connaissances
    Ce que le héros a appris au cours de son aventure lui servira à tenter d’améliorer le monde. C’est le moment du dénouement. Parfois, le monde a changé lui aussi pendant l’absence du héros. Il se pourrait alors que le héros et son monde ne s’accordent plus. Et le héros pourrait décider de partir vers d’autres horizons.

Le paradigme de Syd Field

Syd Field a ajouté à la structure en trois actes un point médian qui sépare l’acte Deux en deux parties. Ce moment s’avère nécessaire parce que la longueur de l’acte Deux (classiquement d’une durée deux fois supérieure à celle des actes Un et Trois) pourrait causer l’ennui du lecteur ou de la lectrice s’il ne lui était pas donné un élan supplémentaire en insérant en son milieu (qui peut s’étendre sur plusieurs pages) un événement dramatique important.

Les différentes articulations structurelles et qui sont toutes significatives dans l’élaboration d’un scénario (elles possèdent une véritable fonction structurelle qui permet de maintenir les éléments dramatiques ensemble) seraient selon le paradigme de Syd Field :

Une séquence d’ouverture (Opening Image)

Elle communique non seulement sur le ton de l’histoire mais devrait être aussi toute imprégnée du thème. Souvent, les autrices et les auteurs retravaillent cette séquence d’ouverture lors des réécritures.
Plus à ce sujet :

Un incident déclencheur

C’est le moment dans la vie de l’héroïne et du héros où un événement bouleversera leur quotidien. Ce n’est pas nécessairement la formulation du problème à venir. Mais à partir de ce moment, rien ne sera plus comme avant.

C’est souvent une rencontre comme dans Les 101 dalmatiens ou bien dans Rencontres du troisième type. Ce peut être la réception d’une lettre (Harry Potter). Quoi qu’il en soit, dès que cet événement surgit dans la vie du héros ou de l’héroïne, leur histoire personnelle et toute l’histoire subissent un point d’inflexion.

Il faut forcer le héros à s’engager dans son aventure. Ce n’est pas un processus immédiat. L’incident déclencheur fait partie des moyens qui permettront à l’auteur et à l’autrice de s’organiser afin que cet engagement du héros ou de leur héroïne soit plausible et crédible.

Plot Point 1

Ce moment correspond à la fin de l’acte Un lorsque le protagoniste prend en charge son problème. Dans Le Verdict, ce Plot Point 1 a lieu lorsque Frank Galvin est face à cette jeune fille dans le coma. Soudain, il prend conscience qu’il doit l’aider mais surtout qu’il s’agit pour lui de se réapproprier sa vie qui s’est quelque peu dissipée.
Dans Star Wars, ce Plot Point 1 surgit dans la vie de Luke lorsque ses parents adoptifs sont tués par les StormTroopers. Il n’a plus d’endroit où il pourrait retourner alors il décide de rejoindre la cause des Rebelles.

A la fin du Plot Point 1, l’histoire passe dans son acte Deux.

Pinch 1

Nous avons vu que Syd Field a subdivisé l’acte Deux en deux parties. De plus, à la moitié de la première partie (considérez toutes ces positions comme une approximation dans la durée du récit), une scène ou bien une séquence a pour fonction de rappeler au lecteur/spectateur le conflit majeur de l’histoire. Par exemple, dans Star Wars, ce Pinch 1 correspond à l’attaque du Millenium Falcon de Han Solo que Luke et Obi Wan viennent tout juste d’enrôler à Mos Eisley.
Cette séquence a pour but de nous rappeler que l’Empire est après les plans volés que détient R2-D2 et que Luke et Ben tentent de remettre aux Rebelles. C’est le conflit majeur de l’histoire.

Le point médian

Le point médian est un moment important du scénario. Que ce soit un revers de fortune pour le héros et l’héroïne ou bien une révélation majeure, c’est toujours un point d’inflexion pour le récit qui change alors de direction. Ce nouvel élan donné à l’histoire éviterait selon Field à la deuxième partie de l’acte Deux de s’affaisser sur elle-même.

Pinch 2

Ce moment fait écho au Pinch 1 précédent et se situe à la moitié de la seconde partie de l’acte Deux. Il a la même fonction : un rappel du conflit majeur. Dans Star Wars, ce Pinch 2 se réalise dans l’attaque des StormTroopers lorsque la petite équipe tente de libérer la princesse Leia des entrailles de l’Etoile de la Mort. Les Pinch 1 & 2 rappellent l’opposition de l’Empire (principal antagonisme) et le même motif (l’attaque des StormTroopers) unifient ces deux moments.

Plot Point 2

Le Plot Point 2 marque le passage dans l’acte Trois. Après la confrontation, nous pouvons enfin assister à la résolution du scénario. Traditionnellement, ce Plot Point 2 est le moment d’une crise majeure du héros ou de l’héroïne. Après toutes ses tribulations, ils ne croient plus en leur victoire. Ils sont foncièrement découragés et il ne semble plus y avoir aucun espoir de réussir leur objectif. C’est ce qui arrive au Sergent Miller de Il faut sauver le soldat Ryan. Après avoir retrouvé ce dernier (c’était son objectif), celui-ci leur répond qu’il préfère rester auprès des seuls frères qu’il lui reste désormais : ses frères d’armes.

Mais le découragement est un allié pour le personnage principal. Et il lui permet de trouver en lui des ressources qu’il ne soupçonnait même pas. Il trouvera en lui la force de se relever. Les probabilités deviennent des possibilités. Le personnage principal est d’abord un protagoniste, c’est-à-dire une force capable de faire avancer l’intrigue. Cela ne signifie cependant pas qu’il réussira.

Le climax

Seul le climax peut communiquer le message de l’autrice et de l’auteur. Selon le résultat de celui-ci, ils exposent enfin à leur lecteur/spectateur ce qu’ils ont vraiment à lui dire. Cette ultime confrontation (le héros affronte seul à seul le problème principal de l’histoire) a lieu dans l’acte Trois.

Le dénouement

Les éventuelles intrigues secondaires sont maintenant résolues. Normalement, il est répondu à toutes les questions dramatiques mais l’autrice ou l’auteur peuvent vouloir que le lecteur/spectateur continue à s’interroger en gardant une certaine ambiguïté lors du dénouement (comme un sourire énigmatique sur le visage du héros ou de l’héroïne..).
Le dénouement montre le héros et l’héroïne de retour dans leur monde ordinaire mais cette fois dans un état psychologique bien meilleur que lorsqu’ils l’avaient quitté.

L’approche séquentielle

Connue aussi comme une structure à huit séquences, cette approche séquentielle rappelle les débuts du cinéma où chaque bobine durait une dizaine de minutes. Ainsi les auteurs et autrices approchaient l’écriture de leur scénario en tenant compte de la durée d’une bobine donc en séquences. Chaque séquence dure entre 10 et 15 minutes et se compose elle-même de trois actes.

Les deux premières séquences correspondent à l’acte Un. Les quatre séquences suivantes forment l’acte Deux. Et les deux dernières séquences forment la résolution et le dénouement de l’histoire. Une des particularités de l’approche séquentielle est que la résolution de chaque séquence prépare la situation de la séquence suivante.

A lire :

Nous nous procurons toute notre documentation auprès de librairies solidaires. Cela représente un coût. Merci de nous aider par vos dons afin que nous persévérions à vos côtés en vous offrant le plus d’informations possibles pour que vous meniez à terme tous vos projets d’écriture.

 

Comment avez-vous trouvé cet article ?

Cliquez sur une étoile

Average rating 0 / 5. Vote count: 0

No votes so far! Be the first to rate this post.

Cet article vous a déplu ?

Dites-nous pourquoi ou partagez votre point de vue sur le forum. Merci

Le forum vous est ouvert pour toutes discussions à propos de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.