UNE STRUCTURE DRAMATIQUE EN 10 ÉTAPES – 3

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Continuons notre article sur la structure dramatique en 10 étapes.
Les deux premières parties :

  1. UNE STRUCTURE DRAMATIQUE EN 10 ÉTAPES – 1
  2. UNE STRUCTURE DRAMATIQUE EN 10 ÉTAPES – 2
6) Le point médian

Le point médian (approximativement le milieu de l’histoire qui peut s’étendre entre une scène de quelques lignes ou une séquence de plusieurs pages) est une articulation majeure de la structure d’une histoire.

A ce moment, les choses changent de nouveau. Le monde ordinaire du héros s’est dissipé au moment du passage dans l’acte Deux (l’intrigue proprement dite).
Et alors que le protagoniste se débat en tentant d’adapter ses anciens comportements aux situations nouvelles dans lesquelles il se trouve, lorsque le point médian se présente, c’est un moment de vérité que le héros va éprouver.

Le point médian est un élément de la structure. Maintenant, on peut respecter ce moment ou pas. L’auteur est seul responsable. Il est tout à fait possible qu’un scénario se passe du point médian sans que cela nuise à sa qualité.
Néanmoins, l’acte Deux étant le plus long, il risque d’user la patience du lecteur si un peu d’élan ne lui est pas donné de temps à autre. Le point médian pourrait être alors utilisé dans ce but.

Habituellement, le point médian reflète le dénouement. Comme dans un miroir, c’est-à-dire que les choses sont inversées. Un point médian tragique présage d’un dénouement heureux et inversement.
Voir à ce sujet :
LE POINT MEDIAN EN MIROIR

Encore une fois, ce n’est pas parce que vous avez décidé de suivre une structure particulière pour votre projet que vous devez vous sentir contraint par celle-ci.
Une structure apporte un sentiment de sécurité mais c’est aussi en contrepartie l’abandon d’un libre-arbitre. C’est comme de courir après le beurre, l’argent du beurre et… la fermière.

Vous pourriez tout aussi bien vouloir que les choses ne soient pas inversées au point médian et que celui-ci soit à l’image du dénouement. Un point médian tragique et une fin tragique ou bien un point médian heureux et un happy end.

Considérons Little Miss Sunshine de Michael Arndt. Richard, le personnage principal, a pour objectif que sa fille Olive gagne le concours de beauté. Nous savons qu’elle n’y parviendra pas. Richard n’a pas réussi son objectif.
Gardons en mémoire que ce qui importe est le besoin. Et ce besoin est que sa famille soit à nouveau une vraie famille. De ce point de vue, c’est un triomphe.

Maintenant, le point médian est représenté par la mort du grand-père. C’est un moment tragique qui renvoie à l’échec du concours de beauté. Le point médian oriente l’histoire dans une toute nouvelle direction. Ou bien il ajoute un élément nouveau à celle-ci. Cela répond à la nécessité de garder l’attention du lecteur.

Dans Certains l’aiment chaud de Billy Wilder et I.A.L. Diamond, le point médian a lieu lorsque Joe se fait passer pour un millionnaire pour séduire Alouette. Il doit maintenant assumer une nouvelle imposture ce qui jettera sur son chemin de nouveaux obstacles vers l’obtention de l’objectif.

Dans Aliens, Le retour, le point médian est ce moment où après avoir découvert que les colons avaient été massacrés, l’équipe décide de quitter les lieux. Mais leur vaisseau est attaqué par une des créatures et s’écrase. La seconde partie de l’acte Deux peut alors commencer avec un tout nouvel objectif.
L’objectif jusqu’au point médian était une mission de sauvetage. Dorénavant, il faut trouver le moyen de quitter la planète en vie. Deux lignes dramatiques fort différentes.

Un élément dramatique important aussi au moment du point médian est que celui-ci doit augmenter les enjeux pour le personnage principal. Dans E.T., le point médian est lorsque E.T. met au point son dispositif pour son téléphone maison (un moment de succès reflété dans la conclusion) mais c’est aussi à ce moment précis qu’on comprend que Elliot et E.T. sont liés par un lien empathique et que la santé de E.T. se détériore et cela joue aussi sur Elliot.
Si, pour une raison ou une autre, insister sur les enjeux alourdit ce qui est dit par ailleurs au point médian, alors la scène qui le suit (classiquement immédiatement) sera toute dédiée à amplifier le risque encouru par le personnage principal (s’il a plus à perdre qu’à gagner dans cette histoire).

Joseph Campbell dans Le héros aux mille et un visages voit les choses un peu différemment. En effet, il dénomme ce point médian Innermost Cave. C’est ce moment de l’histoire où le héros affronte son plus puissant ennemi : lui-même.
S’il remporte ce défi, alors il peut prendre l’élixir. Cet élixir est une métaphore pour expliciter qu’en se découvrant lui-même (comme une sorte de révélation), il acquiert ainsi ce dont il a besoin (comme une complétude de son être). Ce besoin comblé, il est maintenant armé pour continuer sa quête avec bon espoir de réussir.

C’est d’ailleurs un motif qu’on retrouve dans la plupart des histoires. Le héros doit mettre de l’ordre dans sa tête avant de livrer son ultime combat (mais rien ne laisse présager qu’il puisse le remporter). Ce qui compte néanmoins, c’est qu’il soit enfin en accord avec sa véritable nature. Il a gagné sa dignité.

Après ce moment de vérité, le personnage principal est ainsi prêt à prendre l’initiative, à être véritablement proactif.

7) La seconde partie de l’acte Deux

Puisqu’après le point médian, le protagoniste est devenu suffisamment fort pour ne plus avoir à subir la pression de la force antagoniste mais au contraire de s’en soulager en s’étant libéré de ses propres insécurités, il va pouvoir mettre en place une stratégie pour lutter contre l’adversité.

Résumons ce que nous savons du point médian avant d’aborder cette seconde moitié de l’acte Deux qui mène directement  à l’acte Trois. Nous pouvons convenir d’abord (pour ceux qui le souhaitent) que le point médian est une scène ou une séquence importantes dans la structure parce qu’elle représente un changement majeur dans la dynamique de l’histoire.

Quelque chose d’énorme est révélé ou encore quelqu’un de proche du héros ou de l’héroïne meurt. En somme, le point médian illustre une catastrophe personnelle pour le héros.
Le point médian initie donc un mouvement qui ne peut que s’intensifier. Il est plus que jamais un point de non retour pour le héros qui en conçoit une obsession pour l’objectif.

Les événements doivent être à la mesure de cette obsession. Nous sommes, dans cette seconde partie de l’acte Deux, dans un crescendo qui ne s’apaisera qu’au moment du dénouement. Cette montée en tension sans concession ne se satisfait pas de demi-mesures. Au contraire, elles seront pour ainsi dire désespérées.

Le protagoniste devra faire des choix difficiles. Il lui arrivera souvent de dépasser les limites et nous verrons ainsi ce personnage prendre des décisions ou agir contre sa nature. Il aura un comportement presque autodestructeur ou carrément immoral.
C’est alors que face à cette détermination qui peut paraître incompréhensible aux yeux des alliés du protagonsite, ces derniers risqueront de suspendre temporairement l’aide qu’ils lui apportent (voire à se retourner contre lui).

En réponse à cette prise d’initiative soudaine du héros, l’antagoniste ne restera pas en reste. Lui aussi a un objectif à accomplir. C’est d’ailleurs pour cela que le protagoniste représente une telle épine dans son pied. Donc la réaction de cette force antagoniste sera à la mesure de l’offensive du protagoniste.

Dans cette seconde partie de l’intrigue doit figurer aussi un moment particulier. Blake Snyder (probablement inspiré par les Grecs de l’antiquité) l’a dénommé le All is Lost. C’est comme la nuit obscure de l’âme. C’est-à-dire un moment dans nos vies où s’effondre le sens que nous donnions à celles-ci.
Nous éprouvons alors toute l’absurdité de la vie. Nous prenons la mesure que notre vie n’a pas de sens, pas de finalité. Notre existence ne s’explique pas ou ne s’explique plus.

Notre état de conscience est alors très proche de la dépression. Plus rien ne fait sens dorénavant. Parfois, cela est provoqué par un événement extérieur, quelque chose que nous considérons comme un désastre ou une catastrophe personnels.
La mort d’un proche par exemple surtout si elle est brutale peut expliquer pourquoi nous sombrons dans la dépression.

Ce peut être aussi une conséquence interne. Par exemple, vous avez vécu votre vie en la construisant de vos mains,  Et la signification que vous donnez à votre vie, à vos activités, à vos réussites, la direction que vous avez prise pour vivre votre vie ou bien encore ce qui est important pour vous… Tout cela, toute cette signification que vous aviez donnée à votre vie, pour une raison quelconque, s’effondre.

En somme, c’est à cela que correspond ce moment dans la structure de l’histoire. Dans Le magicien d’Oz, ce moment particulier est lorsque Dorothée est enfermée dans la tour de la sorcière avec ce sablier qui s’égrène.
Maintenant, pourquoi le All is Lost est-il nécessaire ? Il faut le comprendre comme une métaphore du héros qui meurt et qui, tel le Phénix, renaîtra de ses cendres. Concrètement, cette désespérance va permettre au héros ou à l’héroïne de se ressourcer.

Il va imaginer un plan désespéré ou bien trouver la dernière pièce manquante du puzzle. Tout ce qui peut passer par l’imagination de l’auteur afin de faire sortir son personnage principal de cette longue nuit obscure. Et il en ressortira plus déterminé que jamais.

Dans le prochain article, nous envisagerons les étapes restantes et correspondantes à l’acte Trois.

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