STRUCTURE : LA COULEUR DES SENTIMENTS

4.6
(9)

La Couleur des sentiments (The Help) de Tate Taylor, d’après l’œuvre de Kathryn Stockett, présente la particularité d’avoir trois personnages pour représenter le protagoniste (Aibileen, Minny et Skeeter).
La structure de La couleur des sentiments est certainement à l’origine du succès que cette histoire a rencontré. C’est une structure qui se fonde en fait sur quatre histoires (dont celle de Celia) qui se supportent et se renforcent mutuellement. C’est le principe du tout qui est différent de la somme de ses parties mais dont les parties sont elles-mêmes un tout qui se suffit à lui-même.

Trois protagonistes qui bénéficient chacun d’un arc dramatique bien défini et significatif. Pour faire une héroïne ou un héros, cependant, il faut un protagoniste qui soit à la fois protagoniste et personnage principal de la fiction. Alors qui choisir comme personnage principal ?
Aibileen semblait toute désignée puisqu’elle était mise en avant dès la séquence d’ouverture. Cependant, parmi les trois personnages faisant fonction de protagoniste dans ce récit, Skeeter est la plus présente. Elle nous conte sa propre histoire d’amour, est proactive et de plus, elle a un objectif.

Le héros : Skeeter ou Aibileen ?

Lorsque Skeeter nous est présentée, on doit bien admettre que sa vie actuelle est plutôt une impasse. Ce qui implique qu’il y a quelque chose dans sa personnalité qui la bloque, qui ne lui permet plus d’évoluer.
Tenant la fonction de protagoniste et de personnage principal, Skeeter pourrait alors être l’héroïne. Néanmoins, la structure de La couleur des sentiments permet à chaque lecteur/spectateur de prendre position ; et selon son propre point de vue décider que Aibileen soit l’héroïne de cette histoire.

Aibileen, somme toute, a un arc dramatique bien mieux développé que celui de Skeeter. Et surtout, Aibileen a quelque chose à apprendre de Skeeter. Cette nécessaire leçon, ce manque, est une caractéristique des héros. Néanmoins, chacun des protagonistes est dans une impasse. Et c’est ce qui participe aussi à la richesse de cette histoire.

Un seul antagoniste

StructureHilly Holbrook est clairement l’opposant. Les conflits qui l’opposent aux trois protagonistes unifient ces trois personnages. Alors que la pluralité aurait pu mener à la confusion du lecteur, ce dernier perçoit seulement le combat commun de ces trois femmes contre une femme raciste très populaire au sein de son cercle social.
Nous avons donc deux bonnes afro-américaines et une jeune femme blanche (écrivain en devenir) qui ont à lutter contre les préjugés raciaux et l’injustice d’une société en proie à un ordre établi miné par ses propres codes. C’est ainsi que l’on peut légitimer la présence de Celia dans cette histoire. Frappée d’ostracisme parce qu’elle est née pauvre et qu’elle soit considérée comme une parvenue après avoir épousé Johnny Foote. Cela lui a permis d’entrer de plain pied dans l’élite de la société de Jackson et du même coup la faire rejeter de cette même élite.

Celia est utile à l’histoire parce qu’elle illustre un autre aspect de la pression exercée par la société. Ce qui la pousse à croire qu’elle ne mérite l’amour de Johnny que si elle peut lui donner des enfants. Or Celia est sensible aux fausses couches.
Et il lui faudra réaliser que Johnny l’aime sincèrement pour ce qu’elle est et qu’elle peut vivre une vie heureuse même si elle ne répond pas aux codes exigés.

Un objectif similaire

Il serait bien aussi de comprendre que Celia est l’incarnation de la contradiction interne à cette société de Jackson. Et bien que l’histoire ne reflète que peu le mouvement des Droits Civiques de Martin Luther King, Celia pourrait être vu comme le moteur de cette évolution à venir de la société américaine.
Ou d’une façon plus globale, des mentalités.

Le cas de Celia mis à part, nos trois protagonistes mènent une même lutte contre la ségrégation (personnifiée par Hilly). Et leurs différentes histoires, cependant, nous incitent à continuer de tourner les pages de cette histoire en tentant de répondre à la question dramatique : réussiront elles ?

La couleur des sentiments nous donne quatre personnages sympathiques dans lesquels nous pouvons nous reconnaître par l’oppression qu’ils subissent, leur résistance et leur lutte (qui dépasse la simple lutte de classes) et dans cette recherche de solutions plus que de réponses qui l’emportent sur l’oppresseur.
La structure est donc quatre histoires qui se combinent et se renforcent mutuellement et qui englobent le thème majeur.

Question de ségrégation

Le thème central de La couleur des sentiments concerne la question de races et de racisme. Le racisme se manifeste dans les vies de ces bonnes afro-américaines de différentes manières. D’abord, il leur est refusé toutes opportunités pour l’éducation ou la formation professionnelle qui pourraient leur permettre de trouver une place plus égale en ce monde. Elles sont cantonnées dans un travail répétitif pour des familles blanches et doivent restreindre leur discours afin d’éviter les représailles. Et concrètement, elles doivent même utiliser des toilettes séparées.
Et certainement le plus horrible, ces personnes noires sont constamment soumises à un message social les qualifiant de sales, de fainéants et en tous points inférieures aux blancs.

Le message de l’autrice semble pourtant évident car à travers les détails marquants du racisme au quotidien, nous notons des exemples dans lesquels des bonnes afro-américaines entretiennent des relations sincères et très étroites avec les familles blanches qui les emploient.
Et à travers les efforts de Skeeter pour être le porte-parole des bonnes afro-américaines de Jackson, elle développe une amitié véritable avec Aibileen et Minny. Il serait donc possible par l’effort et la compréhension de parvenir à soigner les blessures du racisme, à défaut de l’éradiquer.

Un antagonisme très présent

Alors qu’une structure supporte plusieurs protagonistes, elle ne fonctionnera pas avec plusieurs antagonismes. Celui-ci doit être clairement désigné et c’est le cas avec La couleur des sentiments.
Hilly jette des obstacles sur le chemin des autres personnages dès le début de l’histoire. En conséquence, par leur combat contre Hilly, les autres évoluent et grandissent. C’est cette évolution progressive qui rend l’histoire émotionnellement satisfaisante. Nous avons des personnages qui changent émotionnellement, qui évoluent dans leurs vies respectives et au bout du chemin, triomphent de l’adversité.

Bien que nous nous procurons toute notre documentation d’occasions auprès de librairies solidaires, cela représente un budget conséquent pour Scenar Mag. Par vos dons, vous nous aidez à nous maintenir à vos côtés dans tous vos projets d’écriture. Et Merci pour cela.

Comment avez-vous trouvé cet article ?

Cliquez sur une étoile

Average rating 4.6 / 5. Vote count: 9

No votes so far! Be the first to rate this post.

Cet article vous a déplu ?

Dites-nous pourquoi ou partagez votre point de vue sur le forum. Merci

Le forum vous est ouvert pour toutes discussions à propos de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.