SCENE : N’EVOQUEZ QUE L’ESSENTIEL

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Est-ce que chacune de vos scènes et les personnages qu’elle contient a une raison d’exister ? A t-elle un but si on la rapporte à l’ensemble ?

Si vous décidez que non, alors il faut couper. Tout ce qui est hors de propos avec votre sujet, tout ce qui ne lui est pas nécessaire devrait être éliminé.
Ne soyez pas bavard ou répétitif. N’encombrez pas votre projet de choses qui ne lui sont pas pertinentes.
Une scène fonctionnelle peut avoir plus d’une action ou plus d’une idée à l’œuvre en ses entrailles.
En fait, une action secondaire (sorte d’intrigue secondaire localisée à la scène) peut renforcer son contenu principal.

D’abord le lecteur

Si un lecteur lit un scénario, c’est parce qu’il recherche une expérience émotionnelle. Et l’auteur doit lui fournir une puissante émotion.

Si vous écrivez une romance, le lecteur ou la lectrice devrait ressentir l’émotion de l’amour au même titre que votre personnage principal.
Et si vous donnez dans le thriller, vous devriez parvenir à donner l’illusion à votre lecteur qu’il est en danger mortel et qu’il a tout comme votre héros très peu de chances de s’en sortir.

Échouer à donner l’illusion de ces émotions, c’est échouer dans son projet d’écriture.
Et l’émotion se joue au niveau de la scène.

Pour qu’une scène puisse susciter l’émotion, il faut un minimum d’organisation.
Une structure en trois points est généralement reconnue :

  • Un but
  • Un conflit
  • Un suspense

Chacun de ces points est important.
Lorsqu’on écrit une scène, on attire l’attention du lecteur sur un personnage. C’est lui qui sera au centre de la scène. Ce qui ne signifie pas que la scène a été écrite pour lui. Il en est simplement le pivot.

Qu’est-ce que le but ?

C’est votre intention en écrivant cette scène. Concrètement, la scène décrit ce que le personnage au centre de la scène éprouve au cours de cette scène.
Comme il s’agit généralement du personnage principal de l’histoire, l’empathie fonctionne à plein régime et le lecteur devrait éprouver quelque chose de similaire à ce que ressent le personnage principal.

Il faut donc tenter de rendre la scène la plus efficace possible pour que le lien empathique fonctionne. Votre intention dans cette scène est cependant un peu plus que l’objectif.
Car vous devez établir pour le personnage au centre de la scène (habituellement votre héros) ce qu’il désire au début de celle-ci.

Le but rapporté au personnage est de faire comprendre immédiatement au lecteur ce que veut le personnage dans cette scène précisément.
Et c’est généralement différent de son objectif principal.

Nous avons déjà mentionné dans d’autres articles qu’un des traits de caractère d’un personnage principal est la proactivité.
Si ce n’est pas lui sur lequel se concentre votre scène, alors vous devriez assigné au personnage qui en sera le pivot la même caractéristique de proactivité.

La proactivité implique que le personnage fait l’action. Il n’est pas en quelque sorte la victime des événements de la scène, il en est l’actant. Il les provoque et entraîne l’action à sa suite.
D’où l’importance de bien définir qui est le personnage central de la scène (ce qui peut changer au cours de l’écriture de celle-ci ou même lors de sa réécriture).

Le pivot d’une scène n’attend rien de l’univers autre que ce qu’il peut en obtenir par lui-même. Et ce qu’il veut en obtenir est suffisamment puissant en soi pour justifier la présence du personnage.
Et le rendre intéressant.

Le conflit

Dans une fiction, le conflit se réduit aux obstacles que le personnage rencontre. Toutes ces épreuves, obstacles et autres tribulations et désespérance tentent de le décourager, de le détourner, de lui rendre apparemment impossible le fait qu’il veuille tout simplement s’accomplir, se réaliser dans l’obtention d’un objectif.

Au niveau de la scène, le conflit doit aussi exister. C’est un élément dramatique qui implique une lutte entre deux forces opposées.
Le conflit peut être interne ou externe. Lorsqu’il est externe, c’est le monde extérieur qui s’oppose au personnage central de la scène. Et lorsqu’il est interne, le personnage est en proie à ses propres démons.

Les forces opposées à l’œuvre dans l’intériorité d’un personnage provoquent un conflit psychologique entre deux émotions ou deux désirs opposés.
L’éthique les désigne comme vertu et vice ou plus globalement comme le bien et le mal.

Ce désaccord avec lui-même provoque chez le personnage une sorte d’angoisse. Du moins, il en éprouve un malaise. Et paradoxalement, cette angoisse paralysera le personnage. Il va devoir prendre une décision.
Mais il ne la prendra pas au cours de la scène (ce qui va créer un suspense et inciter le lecteur à vouloir connaître la suite).

Quelque soit la nature du conflit décrit dans une scène, celui-ci devrait mener le personnage central de la scène dans une impasse.
C’est là que l’action reprend ses droits car même si le personnage est animé d’un conflit personnel, intime, il va devoir se fixer un nouvel objectif.

Pour le lecteur, une nouvelle question dramatique est ainsi soulevée. Et cette question particulière participera elle aussi au suspense puisqu’il n’y sera pas répondu au cours de la présente scène.

Et puis, si le personnage au centre de la scène obtient ce qu’il veut au cours de la scène, cela est frustrant pour le lecteur. Aucun triomphe ne peut être de valeur s’il n’est embué de souffrance.

Le suspense

Vous créez une attente chez le lecteur. En le plaçant dans cette position, vous l’incitez à tourner la page.
Concernant le suspense, vous pourriez être intéressé par ces articles :

 Les conséquences

La structure de la scène ne serait pas complète si les conséquences de ce qui s’y est passé étaient éludées.
Ces conséquences s’articulent elles aussi en trois parties :

  • Une réaction
  • Un dilemme
  • Une décision

Ces conséquences seront implantées dans la suite de l’histoire. Elles seront l’objet d’une nouvelle scène. Mais celle-ci ne peut advenir immédiatement.
Car une nouvelle scène détermine un nouvel objectif. Et elle ne peut à la fois contenir un objectif et les conséquences d’une action précédente (les conséquences sont en effet à considérer comme une réponse à une action précédente).

La réaction

C’est la réponse émotionnelle à la suite de la mise en place du suspense lors de la scène à laquelle elle est reliée.
Une indécision ou une hésitation, une indétermination est le fruit du suspense.

Dans cet état psychologique, le personnage et le lecteur sont en quelque sorte hors du flux.
Alors la réaction ne peut être que viscérale, émotionnelle. Le personnage est emporté par ses passions. Il ne peut en être autrement.

Comme le formule à propos l’expression : il va falloir qu’il se remette de ses émotions, il va lui falloir un peu de temps pour balayer ce qui le bouleverse, ce qui le bloque dans son avancée vers son objectif.
Mais il ne peut souffrir ainsi jusqu’à la fin de l’histoire. Car le lecteur ne le suivra pas dans cette voie.

Il va falloir qu’il s’accroche à quelque chose. Aidé par la durée de l’intrigue, il va chercher des options. Et il n’y a pas tellement de possibilités.
Ce qui le mène inexorablement à un dilemme.

Le dilemme

Dans un dilemme, il n’y a pas d’évidences. Le suspense précédemment créé ne devrait pas montrer quel est le meilleur choix. Sinon ce ne serait pas un dilemme.

Cet élément dramatique (le dilemme) est un bon outil narratif pour impliquer davantage le lecteur dans l’histoire. Il doit se demander ce qu’il va bien pouvoir arriver ensuite.
N’hésitez pas à montrer le cheminement de pensée du personnage qui choisira une des possibilités.

Voici quelques articles sur le dilemme qui pourrait vous intéresser :

C’est dans la construction du dilemme qu’une action secondaire dans la scène qui a mené à ce dilemme peut être intéressante à ajouter parce qu’elle renforce non seulement le sens de la scène où elle apparaît mais elle donne aussi au dilemme plus de poids, plus de signification.

Supposons une scène à trois personnages. Deux hommes qui sont liés par un lien de subordination de l’un envers l’autre.
Et un Golden Retriever nonchalamment allongé sur le tapis.

L’un des hommes, un homme à responsabilités, doit prendre une décision qui sera éminemment impopulaire parmi les gens sous ses ordres. Par exemple, il doit licencier une partie du personnel. Il est le patron des ressources humaines.

L’autre homme, un conseiller, a pour objectif de lui faire signer le document autorisant le licenciement.
Mais parmi le personnel qui doit être licencié se trouve la femme du directeur des ressources humaines.

Le Golden Retriever prendra de l’importance lorsque l’homme à responsabilités se tournera vers son chien et lui demandera son avis. Cette rupture dans la continuité logique de la scène a pour but d’insister sur la relation qui unit l’homme à sa femme et des possibles conséquences sur son couple s’il signe ce document.
L’action secondaire ainsi renforce l’intrigue principale de la scène portée par la question dramatique de savoir s’il va céder à son conseiller et signer le document.

Mais la scène n’apportera pas de réponse immédiate. Nous passerons ensuite à une autre scène avec un autre objectif.
Puis nous reviendrons, plus tard dans l’histoire, à l’indécision quant à la signature du document.

Et au dilemme. Doit-il obéir à la loi de l’entreprise au risque d’une brouille considérable avec son épouse ?

La décision

Une décision est une action. C’est un choix à faire parmi plusieurs options, plusieurs possibilités.
La décision est importante car elle place votre personnage principal de nouveau sous un angle proactif.

S’il ne prenait pas de décision, il serait simplement là à attendre que quelqu’un la prenne pour lui. Ce qui est très frustrant pour un lecteur qui s’attend à ce que le héros prenne des décisions.

La décision doit être possible même si elle paraît improbable. Le fait qu’elle soit seulement possible suffit à la faire respecter par le lecteur.
Ainsi, il aura envie de savoir si le personnage principal réussira son nouvel objectif.

Une autre façon d’écrire une scène

Pour donner de la puissance à une scène, il est intéressant d’opposer deux actions dans la même scène.
Comme par exemple dans Quatre mariages et un enterrement où lors de la célébration du mariage de Carrie et de Hamish, Gareth meurt foudroyé par une crise cardiaque.

Aller à l’essentiel ne signifie pas que vous devez limer chaque facette de votre scène, chaque allusion que vous souhaitez y glisser.
Vous devez guider le lecteur afin qu’il voit seulement que ce que vous voulez qu’il perçoive.

S’il vous faut cacher certaines informations dont la révélation  est trop précoce, cela participe à la scène. Vous forcez en quelque sorte le lecteur à interpréter ce qu’il voit.

Vous pourriez même finir l’histoire sur une interrogation. Dans Le pont de la rivière Kwaï par exemple, Nicholson, mortellement blessé, titube et s’effondre sur le détonateur au moment où le train franchit le pont.
Etait-ce par accident ? Autrement dit, avait-il le choix et pour son dernier souffle, a t-il choisi dans un dernier acte de courage et de lucidité de faire cet ultime sacrifice ?

Ne pas donner d’informations au lecteur, le laisser en quelque sorte dans l’obscurantisme, autrement dit vouloir briser les règles (dont nous en avons rappelé une au début de cet article) ne doit pas jouer contre l’auteur.

Adopter une telle attitude (c’est-à-dire assumer que les techniques du métier ne sont pas indispensables ou bien qu’elles seront instinctivement à portée, par osmose ou par une quelconque grâce divine) est dangereux.

Bien sûr, c’est en écrivant que l’on se forge au métier. Mais si vous ne comprenez pas le métier, quel que soit votre talent, vous serez un peu comme Leni Riefenstahl qui ne pouvait pas plus expliquer son art que la politique qu’elle servait.
Elle ne savait pas vraiment ce qu’elle faisait mais elle savait comment le faire.

Retarder l’information

On explique souvent que ce qui légitime une scène est soit qu’elle fait avancer l’intrigue, soit qu’elle révèle des informations importantes sur les personnages.

Force est, cependant, de constater qu’une scène est satisfaisante sans qu’elle révèle quoi que ce soit. En retenant des informations primordiales pour les divulguer plus tard, l’intérêt peut être aiguisé et le suspense redoublé.

Il faut laisser mûrir l’information. Hitchcock a dit qu’un raseur était quelqu’un qui vous racontait tout tout de suite.
Se retenir en limitant les informations qu’une scène est capable de donner préserve l’alchimie entre l’auteur et le lecteur.

Apprendre à connaître son personnage est une bonne chose. Mais parfois, il faut bien l’admettre, le protagoniste d’un drame est bien plus fascinant lorsqu’il n’est pas totalement expliqué au lecteur.
Il faut avoir le courage de laisser ses racines dans les terres sanctifiées et impénétrables de notre imagination.

Iago est l’un des personnages les plus maléfiques et machiavéliques de toute l’œuvre de Shakespeare. Mais qu’est-ce qui motive cette malfaisance ? Peut-on vraiment parler d’une malignité sans aucun fondement ? Ou était-ce un signe de l’époque ?

Les questions à se poser pour aller à l’essentiel

Est-ce que le conflit (et celui-ci est protéiforme) intensifie l’action ?
Est-ce qu’il élève l’urgence ?
A propos de l’urgence, nous vous conseillons la lecture de :
BUTS, ENJEUX & URGENCE

Est-ce que chaque étape vers le climax construit l’antagonisme et rend la confrontation de plus en plus inévitable ?
Nous vous conseillons la lecture de :
LE CONFLIT EST L’ESSENCE DU DRAME

Avez-vous appliqué scène après scène suffisamment de pression pour maintenir l’attention du lecteur ? Avez-vous délivré votre exposition progressivement tout en en gardant le meilleur pour le troisième acte ?
Scène après scène, l’auteur empile dans l’esprit du lecteur des indices, des surprises (voire des chocs) et l’entraîne dans des diversions.

Une technique qui fonctionne bien est l’accumulation de points dramatiques apparemment isolés, marginaux rapportés à l’intrigue et qui ne semblent n’avoir aucun lien de causalité.
Mais lorsque l’histoire est complétée, tous ces éléments dramatiques offrent un tout compréhensible pour le lecteur. Celui-ci aperçoit enfin le réseau de significations quand l’auteur souhaite lui révéler. Usual Suspects est un très bon exemple de cette pratique.

Est-ce que chaque scène se développe sur ce qui l’a précédé ?
Il est important de vérifier que le hasard et les coïncidences ne président pas à l’élaboration de vos scènes. Des séries d’événements déconnectés les uns des autres ne peuvent raisonnablement contribuer à l’unité de l’action. Des événements qui viennent de nulle part ne peuvent que mener nulle part.

Chaque scène devrait ou contenir ou suggérer un rapport avec ce qui s’est passé avant afin d’assurer l’indivisibilité du tout.
Dans le domaine fantastique, par exemple, le contact avec un être fantomatique est toujours une question de vérité trop dissimulée par celui qui éprouve cette présence.

Chaque scène devrait contenir un rapport avec ce secret et progressivement le dévoiler.
L’apparition fugace d’une créature ressemblant à une lamie dans un miroir peut être bien plus qu’un effet de surprise mais le rappel du meurtre d’un enfant dans cette maison hantée, par exemple.

Passé, présent et futur

Une histoire part du passé, s’enfonce profondément dans le présent afin d’explorer et de défier ce qui est à venir.
En somme, un bon motif auquel se fier pour écrire.

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