QUESTIONS D’INTRIGUE (LA MOTIVATION) – PART 2

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Des histoires, il y en a tout autour de nous. Mais toutes les histoires ne peuvent être racontées telles quelles car les histoires doivent faire quelque chose, elles doivent aller quelque part.
On ne peut pas raconter l’histoire d’un homme qui s’en va pécher et s’en tenir là. Il faut une raison, une motivation particulière à ce que cet homme aille pécher.
Ou bien, lors de sa pêche, il se produit un évènement qui va bouleverser durablement sa vie ou cette pêche pourrait être une métaphore pour quelque chose d’autre.

Il vous faut une situation qui va permettre à votre histoire d’aller de l’avant.
Attardons-nous un instant sur cet ancien mythe grec du minotaure. Le minotaure est un monstre fabuleux mi-homme, mi-taureau né des amours coupables de Pasiphaé (la femme du roi Minos) et d’un taureau blanc envoyé par Poséidon.
Si l’histoire s’arrêtait là, ce ne serait qu’un fait, certes pas banal, mais il n’y aurait pas d’histoire. Par contre, cela devient nettement plus intéressant lorsque la légende du minotaure se greffe d’éléments dramatiques tels qu’une guerre, un sacrifice (les sept jeunes garçons et sept jeunes filles envoyés en sacrifice en Crète), de l’héroïsme et de la trahison. Investie de ces éléments dramatiques, nous avons maintenant une histoire car nous avons une intrigue.

Minos, roi légendaire de Crête, déclare la guerre à Athènes car il pense que les athéniens ont tué son fils, Androgée. Athènes souffrait à ce moment de terribles maux (famine, peste, sécheresse) et n’était pas vraiment encline à répondre à cette déclaration d’une guerre qui s’annonçait longue. Les athéniens consultèrent leur oracle qui leur dit de céder aux exigences de Minos. Celui-ci leur imposa de lui envoyer chaque année sept jeunes garçons et sept jeunes filles qu’il servirait en pâture au minotaure, le fils contre-nature des amours de Pasiphaé et d’un magnifique taureau blanc que Minos avait enfermé par honte et colère dans un labyrinthe insondable construit par Dédale. Minos tenait enfin sa vengeance contre Athènes. Si les jeunes sacrifiés n’étaient pas tués par le minotaure, ils mourraient de toutes façons de faim ne pouvant sortir du labyrinthe.

Un des plus grands héros d’Athènes, Thésée, s’offrit en sacrifice à la place du tribut réclamé par Minos. Il s’agissait en fait d’une feinte, Thésée ayant l’intention de trouver le minotaure et de le détruire.
Lorsque Thésée arriva en Crête, Ariane, l’une des filles de Minos, tomba amoureuse de lui. Pour aider Thésée, elle lui donna une bobine de fil afin qu’il la déroulât dans le labyrinthe et pût retrouver son chemin. Le plan fonctionna à merveille, Thésée tua le minotaure et s’enfuit de Crête avec Ariane.

Quel est l’ingrédient clé de la légende du minotaure ? La mission de Thésée de détruire le monstre.
Il s’agit d’une motivation qui permet à l’intrigue de se déployer.
Il est inutile de creuser trop profondément pour trouver des histoires qui utilisent ce type de motivation : c’est une poursuite, une mission à accomplir. Ce motif a souvent été utilisé et il le sera encore.

Georges Polti, il y a plus de 60 ans, a proposé 36 situations dramatiques censées couvrir toutes les opportunités d’histoires. C’était une démarche louable et exhaustive. Un peu trop exhaustive.

Lorsque l’on parle d’ambition (qui est une réelle motivation tout à fait apte à propulser une intrigue), peut-on en dire autant de la cupidité ?
La cupidité a-t-elle suffisamment de force pour servir de motivation puissante à une intrigue ? ou ne pourrait-on y voir plutôt un effet de l’ambition lorsque celle-ci se déchaîne ?

Il est alors plus simple afin de ne pas diluer son intrigue de ne retenir que l’ambition comme motivation principale et si nécessaire, comme effet auxiliaire, y ajouter de la cupidité si les tours et détours de votre intrigue imposent cette possibilité.
Et il n’y a pas que la cupidité qui puisse être appelée par l’ambition. Des sentiments tels que la jalousie, l’arrogance ou une satisfaction excessive de soi peuvent aussi être convoquées.

Certaines motivations sont cependant fondamentales dans la construction des histoires. Elles ne sont pas des intrigues en elles-mêmes et ne génèrent pas non plus de situations dramatiques. Elles sont seulement aptes, et c’est primordial, à faire avancer l’intrigue. Elles sont à la source des situations dramatiques.

Comment déterminer quelle motivation sera le moteur de votre intrigue ? Simplement en vous demandant pourquoi le héros fait-il ce qu’il fait.
Pourquoi Hamlet fait-il ce qu’il fait ?
Parce que l’ambition et l’esprit de vengeance l’animent. Sans ces deux puissantes motivations, Hamlet ne serait qu’une poupée de chiffon posée là sans but.

Quelles sont les motivations qui servent de fondements pour les situations dramatiques les plus diverses (sachant que une ou plusieurs de ces motivations peuvent intervenir dans une intrigue) ?
Nous pouvons en déduire au moins 13 à partir desquelles des variations peuvent s’élaborer.
En d’autres termes, ce sont de puissantes motivations qui poussent un héros à agir.

– Ambition
– Vengeance
– Calamité ou Fléau
– Amour et Haine
– Poursuite (un but ou une mission à accomplir)
– Chagrin et Perte (la douleur est un puissant aiguillon à agir)
– Rébellion
– Trahison
– Persécution
– Abnégation, Renoncement, Sacrifice
– Survie, Délivrance
– Rivalité
– Quête (dans l’esprit de découvrir)

Considérons Le vieil homme et la mer d’Ernest Hemingway. L’intrigue est simple et directe : Santiago, un vieux pêcheur cubain, prend la mer dans son petit bateau, seul et avec le strict minimum, pour aller à la rencontre du poisson qui lui ramènera l’estime de tous.
Le 85° jour de mer, Santiago rencontre un marlin énorme qui, s’il parvient à le ramener au port intact, devrait peut-être lui permettre de sortir de la misère qu’il a connue toute sa vie et surtout le débarrasser de cette malchance que tout le monde pense lui être accrochée aux basques. Après 84 jours où il ne pêcha rien, le salut est enfin à portée de main.

La motivation qui pousse Santiago à agir est la survie, la délivrance d’une situation dans laquelle sa vie est enfermée et dont il a pour la première fois la possibilité d’échapper.
Hemingway dépeint un portrait intense  du combat de Santiago, non seulement contre un adversaire honorable qu’il respecte (le marlin) mais aussi contre les vils et lâches requins. Il s’agit véritablement d’un combat épique pour la survie car Santiago est constamment dépassé par les évènements. La survie de Santiago est de toute évidence la motivation principale de cette histoire et un combat pour la survie est toujours un bon matériel dramatique.

Ce combat pour la survie n’est cependant pas suffisant en soi. Il faut lui rajouter d’autres éléments dramatiques afin de l’étoffer, de lui donner de nouvelles dimensions.
Et si des questions d’honneur ou de déshonneur étaient posées ? Santiago doit ramener le marlin à bon port. La question de la survie de Santiago s’épice en quelque sorte en se reformulant en :
La survie de Santiago s’accompagnera t-elle d’honneur ou de déshonneur ?
Cette nouvelle dimension à la question dramatique ne permet pas de faire avancer l’histoire mais elle est nécessaire car elle permet de donner de la substance, de la matière à la motivation principale de Santiago. C’est un outil dramatique qui ajoute du corps à sa motivation.
Nous nous pencherons sur ces dispositifs dramatiques au cours du prochain article.

A lire :
QUESTIONS D’INTRIGUE

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