PLANIFIER UNE TRILOGIE

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Nous avons commencé à étudier la trilogie lors d’un article précédent. Tentons d’ajouter d’autres réflexions à cette problématique.

Comme à notre habitude, nous faisons l’épitomé non pas d’une source mais de plusieurs auxquelles nous ajoutons nos propres réflexions.
Écrire une trilogie n’est pas chose aisée. Une trilogie doit accrocher son lecteur et maintenir son attention (c’est-à-dire qu’il s’engage dans l’histoire) jusqu’au climax qui clôt toute la série.
Rythme et cohérence sont aussi exigés ainsi qu’une montée en tension dramatique régulière jusqu’à l’acmé tant désiré.

Réussir est sans doute une gageure assez angoissante. Alors commençons simplement par parcourir les différents types de trilogie et les structures qui les étayent.

Les 3 styles principaux de trilogie

Qu’est-ce qui permet de distinguer un style d’un autre ?
La structure bien évidemment. La structure la plus utilisée peut être qualifiée de dynamique parce qu’elle se concentre sur le développement (en positif ou négatif) de la personnalité du personnage principal.

Et cette évolution du personnage s’étend sur les trois parties de la trilogie. En d’autres termes, ce personnage commence l’histoire dans le premier tome comme une certaine personne et à la fin du troisième tome, il est devenu quelqu’un d’autre.
A jamais changé.

Au fur et à mesure que l’histoire progresse, le ou les personnages appelés à changer expérimenteront une transformation intérieure profonde en surmontant essentiellement une faille ou une peur qui les empêchaient d’avancer dans leurs vies (ils peuvent aussi succomber devant cette faille).

Comme la ligne dramatique qui chapeaute la trilogie est intimement tissée avec l’évolution psychologique du personnage, son itinéraire à travers toute la trilogie reflète à chaque moment majeur les événements qui s’y déroule.
C’est exactement cette structure narrative que suivent Le Seigneur des Anneaux et Hunger Games.

Une trilogie statique

A l’inverse de l’aspect dynamique, le personnage principal n’entreprend pas une transformation émotionnelle de sa personnalité. Il cherche simplement à rester vrai envers qui il est.
Il devra lutter contre ses doutes, ses peurs et toutes les tentations qui l’éprouveront au cours de la trilogie.

C’est une structure où l’évolution du personnage consiste à ne pas changer, à affermir qui il est vraiment. C’est cette affermissement de sa personnalité qui constitue son arc dramatique.
Des exemples célèbres en sont Millenium de Stieg Larsson et Indiana Jones.

L’anthologie

L’anthologie a cela de particulier que chaque tome de la trilogie peut être lu indépendamment des deux autres. Les trois histoires sont liées entre elles mais elles le sont d’une manière assez vague, se référant plus ou moins aux événements des deux autres histoires (passés ou à venir).

Classiquement, l’anthologie met en avant le même personnage qui revient dans chaque tome et vit une nouvelle aventure.
D’autres anthologies illustrent un nouveau héros dans chaque tome mais expérimente des événements en rapport avec ce qui s’est passé ou se passera dans les autres tomes. Ces événements ne sont cependant pas dépendants des événements passés ou futurs.

Planifier la trilogie

Comment organiser alors la trilogie ?
Tant qu’elle est structurée, une histoire peut faire la différence. Il existe de nombreuses structures. Examinons les plus usitées.

Des arcs dramatiques complexes

Chaque tome de la trilogie a son commencement, son milieu et sa fin. En d’autres termes, trois actes.
Le conflit central de chaque tome est résolu dans le tome. Néanmoins, le dénouement du premier tome laisse poindre quelques indices qui relancent une tension dramatique.

Et cette tension suggère un nouveau conflit qui sera au centre de l’intrigue du second tome. Le dénouement du second tome fait de même pour initier le conflit du troisième tome.
Cela fonctionne comme le final de chaque saison d’une série. Quelque chose est donné au lecteur qui va exciter sa curiosité. Par exemple, considérons le final de la saison 2 de la série Colony. Alan Snyder semble s’être rangé définitivement du côté des Bowman. Et ceux-ci ont pu fuir la colonie de Los Angeles.

Mais quel est cet étrange dispositif électronique que Snyder met discrètement en marche ? Cette astuce dramatique qui clôt la saison 2 nous fait déjà saliver quant à la saison 3. Mais le conflit central de la saison 2 est dorénavant résolu.
La saison 3 proposera une toute nouvelle intrigue.

Cependant, un problème global chapeaute les trois tomes. La résolution des premier et second tomes n’apporte aucune réponse à ce problème.
Il n’empêche néanmoins que ce problème global possède lui aussi un début, un milieu et une fin. D’ailleurs, la fin des difficultés qui existent depuis le début de la trilogie et qui coiffe toute la trilogie correspond au climax du troisième tome. Et parfois même, l’intrigue par laquelle se manifeste ce problème global est l’intrigue qui sera utilisée dans le troisième tome.

Les arcs dramatiques sont complexes parce qu’ils s’entremêlent. Chaque tome a son propre arc dramatique qui se tisse avec celui de la trilogie.

Hunger Games

de Gary Ross, Suzanne Collins et Billy Ray, d’après le roman éponyme de Suzanne Collins.

Dans le premier tome de la trilogie, nous sommes introduits à Katniss Everdeen. Dans cette dystopie, Katniss est forcée de participer à des jeux dans le plus pur style des gladiateurs en compagnie de 23 autres enfants.

Cependant, le président Snow à la tête de ce monde est furieux que l’esprit vif de Katniss lui ait permis de remporter les jeux, jugeant que cela nuit à son image.
C’est ainsi que dans le second tome, Snow organise à nouveau des jeux forçant Katniss à y participer de nouveau. Cette fois cependant, il élève la difficulté pour elle en convoquant d’anciens gagnants des jeux.

Ce que Katniss ignore encore, c’est qu’une rébellion est en train de couver contre le gouvernement corrompu de Snow. Et que les rebelles se servent de l’image de Katniss comme emblème.
Le dénouement du second tome voit les conflits personnels résolus avec une Katniss secourue de l’arène par les rebelles.

Le tome 3 débute avec Katniss aux mains des rebelles. Ceux-ci souhaitent qu’elle prenne part activement à la rébellion en en prenant la tête. Une belle opération de marketing somme toute pour les révoltés.
L’intrigue du tome 3 recoupe l’intrigue globale de la trilogie. Le dénouement de ce troisième tome résout à la fois l’intrigue locale mais aussi l’intrigue qui coiffe toute la trilogie.

Le gouvernement de Snow est renversé et Katniss prend les mesures nécessaires et radicales (elle n’est décidément plus la même) pour éliminer un nouveau chef tout aussi corrompu sur le point de prendre le pouvoir.
L’intrigue globale qui débute dès le premier tome couvre l’introduction du Capitol et tous les vices que celui-ci recèle à travers l’image de son machiavélique président : Snow.

Dans le second tome, la dystopie est encore appuyée avec la conséquence logique mais surtout satisfaisante pour le lecteur d’une révolte des opprimés contre un pouvoir autoritaire et violent.
Ce motif oppresseur/opprimé avec des individus qui osent se révolter contre un pouvoir dictatorial ou totalitaire est un arc dramatique souvent suivi dans une telle structure.

Le troisième tome voit alors la conclusion à la fois de l’intrigue globale et de l’intrigue particulière de cet opus qui se confondent pour démontrer que la révolte de quelques uns devient une révolution à part entière.

Un arc dramatique étendu

Cette fois, nous avons un seul arc qui s’étend entre le premier tome et le troisième tome. Il est découpé en trois partie. Il n’y a pas d’intrigue particulière à résoudre dans chaque tome. Et les dénouements des premier et second tomes sont autant d’incitations à poursuivre l’histoire car ils laissent de nombreuses questions dramatiques non résolues.

Le Seigneur des Anneaux

La communauté de l’Anneau commence avec Frodon apprenant qu’il possède l’Anneau Unique. Et qu’il devra entreprendre un périlleux voyage afin de le détruire.
Frodon et huit de ses compagnons (la Fraternité de l’Anneau) entameront alors leur quête dans ce but. De nombreuses épreuves les attendent.

La fin de ce premier tome consiste en Frodon et Sam se dirigeant seuls vers le Mordor.
Le second tome Les deux tours débute avec la rencontre de Gollum. Gollum est l’ancien possesseur de l’Anneau qui l’a rendu fou. Il apparaît que Gollum pourrait bien manigancer quelque chose contre Frodon et Sam afin de récupérer l’Anneau.

Frodon, Sam et Gollum se rendent dans le Mordor mais les choses tournent mal. Pendant ce temps, les autres membres de la communauté défunte font face à leur première véritable bataille contre les forces de Sauron.

Le retour du Roi décrit Sam secourant Frodon des mains de l’ennemi. Les deux amis entament un dernier et périlleux voyage dans les entrailles du Mordor afin d’y détruire l’Anneau Unique.
Les autres membres mènent pendant ce temps une bataille désespérée contre les forces de Sauron.

C’est alors que se produit ce que Tolkien appelle une eucatastrophe.
L’eucatastrophe est un retournement de situation. Ce n’est pas une conclusion définitive. L’eucatastrophe est une astuce narrative qui se fonde sur le fait que le mal s’il est vaincu ne peut l’être que provisoirement.
Pour Tolkien, une défaite définitive du mal ne se fera qu’à la Fin des Temps.

L’eucatastrophe du Retour du Roi se produit lorsque Gollum s’étant emparé de l’Anneau Unique et fêtant sa victoire tombe dans les flammes de la montagne. Avant ce moment, rien ne semblait arrêter les forces du mal de remporter la victoire.
La destruction de l’Anneau provoque alors un retournement de situation dans le bon sens. Mais cette eucatastrophe (eu signifiant bon en grec) n’est pas une affirmation définitive comme pourrait l’être un Happy End.

L’Happy End met un terme définitif à l’histoire alors que l’eucatastrophe est une ouverture vers une possible continuité de celle-ci.
Le dénouement du Retour du Roi nous montre Frodon s’en retournant dans la Comté (comme tout héros qui, s’il se respecte, se doit de partager les nouvelles connaissances acquises lors de ses aventures avec l’ensemble de la communauté à laquelle il appartient).

L’auteur doit choisir

La structure a son importance. Mais l’auteur ne doit pas négliger de travailler sur les arcs dramatiques de ses personnages. Il n’existe pas de formule exacte.
Tant que l’auteur se base sur une structure et accorde quelque attention au développement de ses personnages, une trilogie saura toujours parler à ses lecteurs.

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