PERSONNAGE : TOUT TOURNE AUTOUR DE LUI

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Une histoire doit être intense et pour être intense, elle doit être dramatique.
C’est-à-dire qu’elle doit se concentrer sur un personnage central (le protagoniste) qui est face à un dilemme ; le dilemme se développe jusqu’à devenir une crise ;  un peu comme une mayonnaise, la crise justifie une série d’événements problématiques pour le personnage central qui aboutissent à un climax ; et dans le climax  (l’ultime affrontement avec l’adversité), la crise est résolue.
Pour James N. Frey, Le vieil homme et la mer de Hemingway, L’espion qui venait du froid de John Le Carré, Vol au-dessus d’un nid de coucous, Lolita de Vladimir Nabokov, Le parrain de Mario Puzo ou Dickens ou Flaubert ont été écrits sous une forme dramatique qui a permis leur adaptation en un scénario.
Par contre, l’écriture de Virginia Woolf ou celle de James Joyce sont beaucoup plus difficile à adapter tout en étant des œuvres majeures.

Tout ce qui compte est le personnage

L’imagination du lecteur a besoin d’un personnage bien dessiné pour lui accorder quelques crédibilités. C’est le paradoxe de la fiction : n’est-il pas paradoxal qu’un lecteur (ou un spectateur) éprouve de la compassion, souffre en même temps qu’un personnage alors que ce lecteur sait pertinemment que c’est un être de fiction, qui n’existe que dans sa pensée.

Le personnage de fiction, l’homo fictus, est la matière avec laquelle sera façonnée l’histoire. Il est différent de l’homo sapiens parce que le lecteur exige que l’homo fictus soit beaucoup plus que l’homo sapiens .

La banalité n’intéresse pas le lecteur. Même si l’homo fictus présente un trait de caractère qui fait de lui un individu ennuyeux (parce que l’histoire a besoin qu’il le soit), cet ennui qui émane de lui est extraordinairement plus ennuyeux que dans la vie réelle.

Une qualité que l’homo fictus emporte avec lui est qu’il est toujours un être qui est accessible au lecteur, qui s’offre au lecteur.
Dans la vie réelle, on est instable, les émotions nous assaillent à chaque souffle. Tout est compliqué dans la vie réelle et il nous est très difficile de comprendre l’autre.

Un être de fiction présente au contraire (et ce, malgré sa complexité) une possibilité d’accès, de compréhension parce que sa forme nous permet de créer un lien. Nous nous reconnaissons (au moins par certains aspects) dans un personnage de fiction.

Une peinture d’impressions

Lorsque l’on dépeint la vie d’un être fictionnel, nous devons choisir d’inclure seulement les impressions ressenties, les pensées, les réflexions, les sensations, les sentiments ou les désirs qui précisent ou dévoilent les motivations ou le développement du personnage ou encore ce qui explique ses prises de décisions.

Ce sont ces aspects particuliers du personnage qui vont affecter sa manière personnelle de traiter le dilemme auquel il doit faire face dans l’histoire.
C’est comme si l’être humain était dépouillé de tout ce qui le complique inutilement pour ne garder que ce que l’on pourrait considérer comme une abstraction d’une certaine réalité, un concept, une idée.

On peut distinguer deux types de personnage de fiction par leurs dimensions. L’un est unidimensionnel. Il est utilisé pour illustrer tous ces personnages qui gravitent autour du protagoniste comme le marchand de journaux que le héros croise tous les matins.
Ces personnages présentent un seul trait de caractère, une seule définition. Ils sont immédiatement reconnaissables et n’ont pas de fonction dans l’histoire. Ils servent à meubler en quelque sorte l’univers du héros.

Cela ne leur interdit pas d’être effrayant ou intelligent ou amusant mais ils n’ont aucun pouvoir sur l’engagement du lecteur envers le personnage. Ils n’ont pas de profondeur. L’auteur ne questionne pas leurs motivations, leurs conflits personnels, leurs doutes, leurs peurs ou un quelconque sentiment de culpabilité. Ce sont des personnages mineurs.

Personnage et fonction

Par contre, si un être de fiction endosse une fonction dans l’histoire (s’il devient par exemple le méchant de l’histoire), il ne peut se contenter d’une seule dimension. Il faut le dessiner avec beaucoup plus de rondeurs.
Les personnages majeurs sont beaucoup plus complexes (ce qui ne signifie pas compliqués). Ils ont des motivations plus élaborées, des désirs contradictoires et sont animés de passions et d’ambitions.

Ils ont commis de graves péchés (d’où l’indispensable sentiment de culpabilité) et ont supporté de déchirantes souffrances. Ils ont des regrets, des peines et ont subi des injustices ou des préjudices qui n’ont pas été réparés.

En tant qu’être de fiction, ils ont une existence dans l’esprit du lecteur. Celui-ci appréhende que le personnage de fiction a eu une vie avant le début de l’histoire et il désire connaître une intimité avec lui.

L’auteur doit satisfaire à cette exigence du lecteur. Pour cela, il doit être lui-même intime avec son personnage.
En 1946, Lajos Egri dans The art of Dramatic Writing décrit ce que devrait être un personnage à trois dimensions.

La première dimension est la dimension physiologique : la taille, l’âge, le sexe, la race…
James N. Frey déduit de cette observation que l’aspect physique interfère avec la personnalité et il donne l’exemple de Marilyn Monroe qui n’aurait pas été Marilyn Monroe si ses mensurations avaient été différentes.

Les traits physiques affectent le parcours d’un individu et il en est de même pour un être de fiction.
L’apparence est donc en elle-même un élément dramatique et est d’autant plus importante qu’elle est aussi un facteur de distinction sociale (mais pas de position sociale). Considérez seulement l’exemple du bossu de Notre-Dame…

Il est donc nécessaire pour un auteur de bien comprendre les implications que l’apparence physique de son personnage aura sur sa destinée dans l’histoire.

Une dimension seconde mais importante

La seconde dimension que décrit Lajos Egri est d’ordre sociologique.
A quelle classe sociale appartient votre protagoniste ? Quel est son degré d’instruction ? Quelles sont ses opinions politiques ou religieuses ? A t-il une intime conviction de ses opinions ou celles-ci ont-elles été façonnées par son environnement sans qu’il ait pu les remettre en cause ? Quelles étaient les attitudes de ses parents envers des questions sensibles telles que le sexe, l’argent, la réussite sociale ? A t-il développé un libre-arbitre ou bien s’en remet-il à la fatalité et subit-il les événements ?

Cette seconde dimension intervient principalement sur les relations du personnage aux autres.  Quel que soit l’objectif que votre héros s’est fixé dans cette mission, l’exploration de ses relations aux autres est déterminante.

Pour comprendre votre personnage, vous devez être capable de tracer l’origine de ses traits comportementaux ou de personnalité. Un être humain est forgé par l’environnement social qui l’a élevé. Les motivations dépendantes de cet environnement produisent les conflits et génèrent de la tension dramatique, deux éléments que l’histoire doit posséder afin de maintenir l’intérêt du lecteur.

La troisième dimension, la dimension psychologique, est pour Lajos Egri, le produit des deux dimensions précédentes. Ici sont décrits les phobies, les manies, les complexes, les peurs (d’aimer, de la mort, du danger…), les inhibitions, la culpabilité et les désirs (même les plus excentriques)…
La dimension psychologique permet de déterminer l’intelligence, les aptitudes ou talents, la solidité du raisonnement, les habitudes, l’irritabilité, la sensibilité… du personnage.

Il n’est nul besoin d’avoir lu Freud ou Jung (bien que quelques notions sont toujours utiles) pour établir cette dimension psychologique.
Il vous suffit d’observer la nature humaine et de tenter de comprendre pourquoi les gens agissent comme ils le font et pourquoi ils disent ce qu’ils disent.

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