Le souhait de tout auteur est d’arracher des émotions chez son lecteur. Ou, du moins, de préparer le terrain émotionnel en ce dernier.
Certaines natures, certaines essences, formes ou fonctions dans une histoire possèdent le pouvoir de générer de fortes émotions seulement par leur présence ou existence dans la fiction.
Ces données génératrices ou facilitatrices d’émotions sont les enfants, les animaux, l’amour d’un père ou d’une mère, la loyauté au sein de la fratrie, les grands-parents, les orphelins et l’opprimé pour les plus importants.
Le personnage qui se retrouve comme un chien dans un jeu de quilles est aussi porteur d’émotions. Du moins, il s’agit de formes ou de fonctions qui sont équipées de croyances préconçues ou présupposées par le lecteur et par conséquent, dotées de sentiments.
Concrètement, ce sont des types de personnage (on peut même penser à eux en tant qu’archétypes) qui peuvent être développés de façons toujours variées.
Un héros fragile
Pour attirer l’empathie ou seulement la sympathie, un personnage doit présenter des faiblesses. La perfection n’est pas crédible.
Prenez John McClane. Dès son introduction dans l’histoire, on apprend qu’il est mal à l’aise en avion. C’est une petite faille mais elle est nécessaire pour mettre le personnage à la portée du lecteur.
L’empathie s’installe dans la proximité ce qui permet le partage.
On apprend aussi qu’il est anxieux à l’idée de passer Noël avec Holly et ses enfants dont il est séparé. Lorsqu’il se retrouve au Nakatomi, il est évident qu’il détonne dans le tableau.
Toutes ces informations sur McClane sont destinées à établir dès le début de l’histoire un lien empathique avec le lecteur. Ce sont toutes ces failles dans sa personnalité qui vont nous faire aimer le personnage.
Du moins de mettre le lecteur en bonnes dispositions vis-à-vis de ce personnage.
Des traits antipathiques
Par ailleurs, certaines natures de personnages forcent l’antipathie. Ce sont toutes les formes d’oppression, l’infidélité (ou la trahison), les violences physiques et mentales, la mort et l’injustice.
Concrètement, ce sont toutes ces actions que l’éthique du lecteur jugent comme mauvaises et qui sont dotées d’un à-priori négatif.
Lorsque vous aurez besoin de déterminer des traits antipathiques pour l’un de vos personnages, remémorez-vous tous ces méchants qui vous ont fasciné ou bien les situations (réelles ou fictives) qui vous ont le plus mis mal à l’aise.
Une impression durable
Apprendre à utiliser des émotions pour son histoire commence par comprendre les choses qui vous affectent le plus. Listez les événements, les films, les livres qui vous ont laissé une impression durable.
Et essayez d’en déterminer les raisons.
Vous parviendrez probablement à en extraire le ou les personnages à la source de vos propres émotions. Vous devez chercher à partager vos émotions soit en utilisant des motifs préexistants, soit en en créant de nouveaux qui vous ont touché et que vous savez que vous pouvez partager.
Ce sont les sentiments du lecteur que vous allez manipuler avec vos personnages et des événements. Et les circonstances en lesquelles tout cela se produit doivent résonner chez le lecteur d’une manière ou d’une autre.
Il faut trouver le moyen d’une connexion émotionnelle.
Et ce moyen passe par le personnage et sa complexité faite de fierté et de vulnérabilités, de ses impétuosités et déterminations, de ses blessures, de ses espérances et de ses rêves.
Une réalité humaine par conséquent.
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Bonjour Joachim, je te dois d’abord des excuses car j’ai attribué par erreur ta précédente réponse à William. Donc pardon, la mienne devrait t’être destinée.
Ensuite, perso, j’aime bien ce vertige ; cette prise de conscience de tout l’espace dans lequel le temps et la persévérance va nous aider à évoluer 😉 !
Je vous avoue que ça me donne un peu le vertige, de considérer autant de paramètres théoriques, d’ouvrir tous ces tiroirs dans la construction d’un personnage.
Merci en tout cas, et bonne soirée !
@Ciné 7: c’était bien « McClane » ^^
Bonjour Cine7,
Je ne suis pas certain d’avoir compris tout le fil du raisonnement, mais pour Mc Lane, j’ai l’impression qu’un large public s’est souvenu avec une fidélité tenace de ce personnage à la virilité nonchalante.
Je ne suis pas un fan de cette série, mais j’imagine que le souvenir positif du personnage a suscité l’envie, chez un large public, de retrouver sa compagnie dans les volets successifs.
Après, peut-être que je réponds à côté. Tu voulais dire que la personnalité de Mc Lane manque d’intérêt car elle n’évoque pas directement des mythes universel et intemporels ?
Bonsoir William, en tous cas, j’ai même du mal, moi, à me souvenir de son nom (Mc Lane, donc). Oui, je veux simplement dire qu’un personnage dont on se souvient réclame davantage que de plaire ou de satisfaire les instincts du public. C’est en effet d’intemporalité dont il est aussi question et perso, sans référence à une mythologie, çà me paraît difficile … J’ai pris l’exemple d’Indiana Jones parce que le plus connu mais chacun peut aussi étudier les personnages de Michaël Mann ou d’autres qui proviennent de différentes mythologies ! Elles sont toutes valables. Sergio Leone a lui-même indiqué… Lire la suite »
La difficulté pour un auteur consiste à prendre un aspect de la nature humaine et de le transcrire dans un personnage de fiction. Et solliciter une reconnaissance de la part du lecteur implique de travailler sur des failles de personnalité.
Néanmoins, pour atteindre à l’universalité, puiser dans les mythes (pris dans une large acception) s’avère en effet précieux. Seulement l’auteur travaille sur du singulier et n’a souvent pas vraiment conscience de la portée universelle de ses personnages.
C’est une question assez compliquée que tu soulèves, Patrick.
La motivation de Mc Lane n’existe pas en elle-même, elle n’existe que par son attitude et ses actes, non ? Présupposons que l’empathie du lecteur se porte sur le personnage principal (et c’est la plupart du temps le héros). Un lecteur est donc capable d’éprouver de la sympathie envers un être de fiction comme il le ferait envers un être humain véritable. Ce paradoxe a d’ailleurs déjà été pensé par des philosophes. Cela signifie pour moi que l’être de fiction possède les mêmes attributs qu’un individu réel. Lorsque nous agissons, nous sommes généralement poussé à agir par quelques motivations. Les… Lire la suite »
Oui, William, c’est cette approche Jungienne qui, tu dois le savoir, me vient bêtement d’une remarque de Robert Mc Kee dans Story mais qui m’a tellement intrigué que je me suis promis de creuser la question. Sans doute qu’au delà de l’attitude et des actes d’un personnage, il y aurait encore à transmettre une force dans son image, dis-je certainement en tant que réalisateur depuis si longtemps laissé de côté mais à jamais sûr de ses Maîtres. Tout dépend en effet de l’évolution de chacun et la seule démarche de distraire reste de toutes façons très noble. Cache-t’elle toutefois autre… Lire la suite »
Pour préciser ma pensée, je dirais que la détermination est un trait spécifique du héros. Seulement, si nous ne motivons pas cette résolution ferme, c’est comme si nous faisions une affirmation gratuite au lecteur. Et alors qu’il n’y a qu’une détermination que l’on ne remet pas en cause, ce qui pousse le héros à agir, c’est-à-dire ses motivations, offrent à l’auteur une multitude de possibilités pour laisser libre cours à sa créativité. Maintenant que le contenu se fonde dans l’enfance du personnage, d’un trauma mal soigné ou autre, s’il résonne chez le lecteur, c’est probablement qu’il y a des archétypes… Lire la suite »
Bonjour et merci William, nous sommes tout à fait d’accord !
(Nous l’avons d’ailleurs toujours été et preuve en est qu’un échange est utile au lieu de taire ses propres recherches et surtout ses doutes ou incertitudes).
Bravo donc à Joachim d’avoir initié cette discussion par une observation très pertinente.
Bravo et respects à toi pour cette très belle réponse !!!
Bonjour Joachim et William, A voir aussi si McClane est véritablement un personnage dont on se souvient, dont le public se souvient. C’est un personnage de divertissement au 1er degré qui satisfait peut-être la bonne conscience des maris et/ou des pères sur la durée du spectacle mais y repense-t’on vraiment ensuite ? Il ne dépasse pas par exemple Indiana Jones dans la mémoire (collective) du public … Autant donc s’interroger sur ce qui caractérise la motivation et les faiblesses d’un personnage. Eliminer des preneurs d’otages en haut d’une tour pour satisfaire la virilité masculine ou sauver un trésor de l’humanité… Lire la suite »
Ça me semble clair pour des personnes réelles, mais je ne saisis pas l’importance de cette nuance pour un personnage de fiction.
La motivation de Mc Lane n’existe pas en elle-même, elle n’existe que par son attitude et ses actes, non ?
J’ai envie d’ajouter un exercice utile pour donner corps au personnage : définir l’affirmation qu’il conservera, et qui va le caractériser tout au long de l’histoire. Une affirmation très répandue chez les protagonistes populaires est « je ne suis peut-être pas la personne la plus adaptée, je ne suis pas dans le moule, mais je sais tirer des épingles du jeu, à ma manière. » Et à la sauce John Mc Cane, ça donne « je ne suis peut-être pas le meilleur mari ni le meilleur père, je détonne dans le paysage, mais je suis capable de protéger les miens en combattant une armée… Lire la suite »
Ainsi, cette affirmation devient l’enjeu qui pousse le personnage à agir. Parce que si sa femme n’avait pas été aux mains des méchants, je ne suis pas certain que McClane se soit volontairement jeté dans la bataille. Les autres otages ne signifiant rien pour lui et n’étant pas non plus dans sa juridiction pour agir sur commande.
Néanmoins, cette affirmation de sa volonté ne connote pas un trait de caractère du personnage. C’est davantage une motivation.