LA NATURE HUMAINE DES PERSONNAGES

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Les personnages de fiction sont des êtres humains comme les autres. D’ailleurs, pourquoi éprouverions-nous de la compassion ou encore de la joie ou de la peine pour des personnages imaginaires ?
Paradoxal comme comportement. Et à propos de comportement, héros, méchant… ont besoin de s’accorder aux principes bien connus du comportement humain. C’est-à-dire à quelques notions de psychologie que tous les auteurs ne possèdent pas naturellement.

Comment et pourquoi les gens font ce qu’ils font est une connaissance très utile dans l’art scénaristique (et dans toute littérature, d’ailleurs) et qui peut être intuitive comme empirique. Mais comme tout le monde n’est pas Stephen King ou Thomas Harris, autant appliquer des notions de psychologie que l’on rencontre dans nos vies quotidiennes (à la fois en nous et chez les autres) pour comprendre ce que nos personnages pensent ce qu’ils pensent et font ce qu’ils font.
En effet, des notions de psychologie qui s’exercent dans la vie réelle seront en tous points semblables à celles de nos histoires.

Le passé a son mot à dire

Même s’il ne donne pas d’indications sur qui nous sommes vraiment, il n’en reste pas moins vrai que notre passé informe notre vision du monde (en soi très subjective).
Nous sommes lourds des événements de notre passé qui nous ont façonnés comme nous sommes devenus. Ce qui signifie que ces événements très contingents (ils auraient très bien pu ne pas être survenus) ont fait de nous (et donc de nos personnages) des êtres qui ne correspondent pas à leur véritable nature.

Ces problèmes que nous embarquons malgré nous ne sont pas évidents. Nos personnages tout comme nous pourraient ne pas avoir conscience de ce qui les mine de l’intérieur. Pourtant, pour un auteur, ce passé est une source principale pour créer un arc dramatique pour les personnages.
Le personnage principal est évidemment le premier concerné par cet arc mais il n’est pas le seul. Lorsque le passé des personnages pèse lourdement sur leur façon d’être lorsque nous les découvrons dans l’histoire, l’histoire acquiert aussitôt une profondeur qui lui manquerait autrement.

Pour se faciliter la tâche néanmoins, l’auteur peut faire confiance à quelques comportements humains dont l’expérience dans la vie réelle sera pratique à recopier chez des personnages de fiction.

Le ressentiment

Le ressentiment, la rancune, l’amertume, l’animosité sont des sentiments que nous développons envers autrui ou envers nous-mêmes et parfois depuis de nombreuses années.
Nous résistons naturellement à ce vers quoi nous éprouvons une certaine animosité ou du mépris. Et il n’y a pas de véritables raisons à ce que cela change au fil du temps à moins que notre relation à cet autre ne change.

Il pourrait par exemple s’excuser sincèrement et notre regard sur lui en serait tout changé. Nous pourrions ainsi le découvrir sous un autre jour. Mais tant que cela n’advient pas (et il n’existe aucune nécessité à ce qu’il en soit ainsi), nous résisterons à ses idées, à ses actions, à sa présence même.

Cette résistance peut se manifester ouvertement ou être montrée de manière plus subtile. De toutes façons, elle est dans l’intériorité du personnage et règle en quelque sorte le comportement adopté face à cet autre envers qui nous nourrissons un sentiment de répulsion.
Ce qu’il faut retenir est qu’il existe une dynamique entre le sentiment de rejet que nous avons envers une autre entité (qu’il s’agisse d’un individu ou d’une institution par exemple) et la résistance que nous allons opposer à cette entité sans jamais remettre en cause cette dynamique.

Il y a donc dans cette relation une évolution à l’œuvre qui peut nourrir la ligne dramatique de la relation qui unit ainsi deux personnages. Et à moins que l’auteur ne souhaite que cette ligne dramatique soit en fin de compte positive, il est plus naturel cependant que la dissension qui lie ainsi deux personnages ne pourra que se renforcer dans la durée.

La revanche comme soulagement

Nous ne pouvons nous contenter de nous situer dans une position aux circonstances figées. Lorsqu’on éprouve de la colère envers quelqu’un par exemple, nous ne nous arrêtons pas à cette colère.
Lorsque le compagnon de votre héroïne dépense trop d’argent dans ce qu’elle estime être des futilités, sa désapprobation va devoir se manifester. Elle va chercher un moyen de vengeance afin de soulager son malaise. Et par exemple, elle pourrait alors faire elle-même des achats inconsidérés parce qu’elle sait que son compagnon se mettra en colère. Et tout particulièrement, parce qu’il se mettra en colère.

Il arrive souvent en fiction que cette compensation s’effectue sur le personnage lui-même. En quelque sorte, il va se mortifier pour que cesse son mal-être. Et cela passe très bien auprès du lecteur qui peut s’identifier dans ce comportement d’auto-flagellation.

Comment un personnage peut-il exprimer cela ? On peut considérer deux possibilités. Ses décisions et ses comportements refléteront son état d’esprit. Sa colère et sa réponse seront manifestes. Le lecteur sera le témoin de sa frustration.
Par ailleurs, il peut tout aussi bien ne rien montrer de son ressentiment aux autres personnages. Néanmoins, comme un texte scénaristique est avant tout une affaire de monstration, le lecteur devra être averti de ce qui se couve à l’intérieur du personnage. Et son comportement devra traduire ce sentiment même si les autres personnages sont incapables de comprendre ses motivations.

Motiver l’action

Et c’est là que le passé se rappelle à nos personnages. En effet, le ressentiment quel qu’il soit sera motivé par des événements issus du passé des personnages.
Cependant, il faut aller plus loin. Il faut donner plus de profondeur aux personnages.

Au départ, il y a une frustration. Afin d’apaiser ce tourment, le personnage va vouloir se venger. Les raisons de ces représailles sont à chercher dans les expériences qu’il a vécues. Notez que dans cette dynamique, il y a d’abord quelque chose d’extérieur. Une entité quelconque va blesser notre personnage qui va nourrir envers cette entité une animosité vengeresse.

Il y a donc une confrontation entre le monde et la  subjectivité d’un personnage. Cela crée une dialectique qui mène à l’action. Cette action nous dépasse. Nous ne pouvons la raisonner. Elle est naturelle (enfin, cela reste un point de vue qui peut être débattu).
Donc, quoi que l’on fasse, cette action donnera une définition du personnage.
Par exemple, il y a quelques années, la petite amie d’un personnage l’a trompé avec son meilleur ami. Au hasard d’une rencontre, il la retrouve. A l’époque, bien sûr, il a rompu avec elle et avec son meilleur ami.

Maintenant que la blessure s’est plus ou moins refermée, comment va t-il gérer cette rencontre ? Ce choix ultime de comportement révélera alors la nature profonde du personnage. Et d’observer ce comportement donnera des indices précieux au lecteur.
Ce qu’il faut comprendre est que le passé ne dicte pas les décisions du personnage mais illumine ces motivations. Nous pouvons comprendre pourquoi il agit ainsi.

La psychologie du personnage s’explique par ce qu’il s’est passé dans sa vie. Cela s’est produit, il en a été blessé et la cicatrice est encore ouverte. Dans les moments de souffrance et de pression, ce que font les personnages les définit précisément comme conséquences des événements passés.
Le lecteur ne pourra donner de signification à un personnage seulement sur les actions et les décisions de celui-ci. Il faut au préalable que l’auteur lui communique les informations relatives au passé de ce personnage et que le lecteur les comprenne suffisamment pour qu’il puisse expliquer (ou du moins évaluer) les décisions et actions de ce personnage.

La persona entre en jeu

Quand on agit avec pour intention le regard d’autrui, c’est davantage un désir d’être perçu d’une certaine manière. Pour les autres (pour le regard qu’il porte sur nous), nos actions et décisions ne répondent pas à un besoin de forces intérieures ou parce que notre passé et nos expériences nous font agir sur cette base. Le passé n’est pas un soubassement de notre vraie nature, de notre réalité.

Il est l’explication de ce que nous sommes devenus et que notre persona reflète. Et toutes ces dimensions d’un personnage conspirent pour le créer.


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