L’ANTAGONISTE – PART 2

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La suite de notre étude sur l’antagoniste. La première partie se trouve ici.
Humaniser un personnage, c’est lui donner des failles dans son caractère. Ces failles sont la voie royale pour atteindre émotionnellement un lecteur. Les motivations de l’antagoniste ne sont pas en soi des mauvaises actions. Au contraire, de nombreuses motivations pourraient tout aussi bien s’appliquer au héros. Tout est une question de contexte, en fin de compte.

Le lecteur s’investit émotionnellement

Il est assez facile pour un lecteur de s’investir émotionnellement avec un personnage qui est convaincu du bien-fondé de sa démarche même si nous considérons cela comme une chose mauvaise. L’antagoniste est persuadé qu’il agit pour le bien même s’il est le méchant de l’histoire. C’est le cas de Javert par exemple.
Bien sûr, les motivations derrière les actions des antagonistes ne relèvent probablement pas de la plus haute moralité. Mais là encore, il s’agit d’un point de vue. Les valeurs morales du méchant sont tout à fait légitimes. S’il doit assassiner des innocents pour sauver la paix dans le monde, son argument est défendable.

La confiance en ses croyances et la force de conviction du méchant ne devraient pas faiblir (du moins jusqu’au climax) afin de fournir au protagoniste un puissant opposant. Le côté humain que vous lui aurez offert doit renforcer sa volonté d’aller jusqu’au bout de ses idées. Le méchant ne doit pas faiblir. Il sera certes vaincu au moment du climax mais avant ce tournant majeur de l’histoire, il restera ferme et déterminé dans ses idées.

En effet, alors que le protagoniste aura un arc dramatique bien formulé, le méchant ne change pas. Vous n’avez pas besoin de lui écrire un arc car sa personnalité est stable. Ses traits de caractère et en particulier ses convictions sont ce qui lui donne sa puissance et son pouvoir de fascination sur le lecteur (et parfois même sur le héros).
Si, au cours de votre récit, le méchant en venait à questionner ses motivations, le personnage s’émietterait. Vous lui avez écrit un passé solide qui explique ses motivations, votre but n’est pas de construire un arc dramatique qui va s’évertuer à lui faire prendre conscience que celles-ci sont mauvaises.

La détermination du méchant doit être inébranlable jusqu’à sacrifier sa propre vie pour son idéal. Dans les genres où des questions de vie ou de mort sont en jeu, l’antagoniste doit être prêt à se sacrifier pour ses ambitions. Il est hors de question qu’il fuit. C’est cette force vitale que le héros doit affronter et qui va le pousser au-delà de limites dont il n’avait pas même conscience. C’est aussi cela la fonction du méchant : pousser le héros dans ses derniers retranchements. Une volonté indéfectible est ce qui est au cœur du méchant et elle ne doit connaître aucune défaillance.
Votre méchant doit être craint, traité avec sérieux et sa mort (si mort il y a) doit être tragique, au sens littéral du terme.

Et le héros aussi

De manière traditionnelle, le héros est toujours réticent à entrer de plain-pied dans l’aventure (sa première réaction est de refuser le Call to Adventure, moment connu sous l’expression Refusal of the Call). On peut considérer ce comportement comme une sorte de peur de l’inconnu, une réticence à quitter le confort de son quotidien (même si celui-ci inconsciemment est malsain pour le héros).

A la fin de l’acte Un, le héros fait un choix qui va radicalement modifié sa vie mais il n’a pas encore conscience de ce que ce changement va opérer en lui et des sacrifices qu’il devra faire. Ce n’est que vers la fin de l’acte Deux (habituellement) que le héros comprendra vraiment ce qu’il va perdre ou devoir sacrifier et jusqu’où il devra aller pour réussir le but qu’il s’est fixé.
Le méchant, quant à lui, est tout à fait différent. Ses convictions ne se forgent pas à l’aune d’épreuves et d’obstacles comme c’est le cas pour le héros. Les convictions du méchant sont déjà déterminées lorsque commence l’histoire, bien avant que le héros ne prenne à sa charge le problème que soulève cette histoire.

Les décisions prédéterminées et la volonté de l’antagoniste (quel qu’il soit) à les appliquer sont tout à la fois la source et l’énergie qui permettent le conflit et sont par conséquent une condition sine qua non de toute œuvre dramatique.

Un autre enjeu tout aussi important que les questions de vie ou de mort est l’amour. Nul doute que l’amour est un sujet universel qui résonne en chacun de nous. Un antagoniste motivé par l’amour n’a pas nécessairement besoin de rencontrer la mort au cours du climax mais lorsqu’il est mû par une telle motivation, son acharnement à accomplir cet amour le rend encore plus attachant même si les moyens qu’il emploie pour y parvenir sont sujets à caution.
Et comme l’amour est une valeur positive, même chez un antagoniste, vous pourriez avoir envie de travailler sur la valeur négative, à savoir l’égoïsme ou la cupidité, selon le contexte. D’un point de vue morale, il est intéressant de repérer les relations ou les pulsions duelles. Dans le cas de l’amour, l’égoïsme ou la cupidité (surtout lorsque l’argent est en jeu) sont plus appropriés que la haine.

L’idée est que quelle que soit la valeur qui anime l’antagoniste, celle-ci doit le mener à prendre des mesures excessives et drastiques. Il s’avère en fin de compte que le méchant de l’histoire (quel que soit sa forme, c’est-à-dire l’illustration (ou représentation) que vous utiliserez pour le décrire) soit davantage motivé que le héros de votre histoire.
Ce que risque de perdre le héros (aussi important et grave que ce soit), le méchant a plus à perdre. En orientant ainsi le rapport de forces (ou d’énergie ou de valeurs) entre l’antagoniste et le protagoniste, vous écrirez de bien meilleurs conflits.

Votre héros n’a de réelle existence que par son antagoniste. Sans un antagoniste à sa hauteur pour le défier et lui permettre de se révéler, votre protagoniste n’est rien. Votre héros doit se sentir comme l’opprimé qui doit résister et vaincre une force opiniâtre. Lorsqu’il est au plus bas (moment connu sous l’expression du All is Lost), votre héros doit alors trouver en lui l’énergie nécessaire pour remonter et vaincre le méchant ou l’adversité selon les cas.
Le All is Lost et les découvertes que votre protagoniste fera sur lui-même n’ont de sens que par rapport aux défis et aux épreuves que lui aura lancés l’antagoniste. L’espoir nouveau qui va naître après le Dark Night of the Soul puise sa source davantage dans la prise de conscience que le méchant a instillée chez le héros plutôt que dans une option cachée de la psyché de ce dernier.

Continuez votre lecture : L’ANTAGONISTE – PART 3

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