LES ÉLÉMENTS DRAMATIQUES D’UNE HISTOIRE

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Qu’est-ce qu’un point d’inflexion ? C’est un moment particulier lorsque l’intrigue prend une direction nouvelle et inattendue.
Classiquement, on trouve deux points d’inflexion majeurs au cours de l’histoire (la fin de l’acte Un et le climax).
Mais il existe aussi de nombreux autres moments moins importants pour le devenir de l’histoire mais qui participent activement à son avancée.

Théoriquement, chaque scène devrait être l’un de ces points mineurs. Parce qu’au cours de celle-ci, le personnage principal apprend et il peut évoluer aussi.
Une scène présente un conflit (grossièrement, un personnage souhaite obtenir quelque chose au cours de celle-ci mais il rencontre des difficultés à se le procurer). Il peut donc échouer tout comme il peut réussir. Une scène met en œuvre la plupart du temps un obstacle.
L’intérêt d’un tel point d’inflexion peut se résumer à ce qu’il oriente les choses dans une nouvelle direction. Il peut aussi introduire de nouveaux obstacles pour le protagoniste qui doit alors s’engager plus profondément dans son aventure pour atteindre au but.
Et surtout, il permet de maintenir l’attention du lecteur tout en rendant imprévisible ce qui va bien pouvoir se passer dans la suite.

Les points majeurs d’une histoire
La séquence d’ouverture

Il s’agit de l’exposition (principalement des personnages). Concernant le protagoniste, il est montré dans son monde ordinaire. C’est-à-dire un statut quo parce que même s’il semble se sentir bien dans son quotidien, il lui manque souvent quelque chose pour atteindre le bonheur.

L’incident déclencheur

C’est un moment particulier qui initie l’intrigue. C’est au cours de l’incident déclencheur que le problème que devra prendre en charge le protagoniste se manifeste dans l’histoire (et donc dans la vie du héros).

Le premier point majeur

Ce moment se situe vers la fin de l’acte Un. Au moment de l’incident déclencheur, le héros refuse habituellement cette aventure qu’il lui est proposé. Il montre une réticence bien naturelle à s’engager.
Lorsque le premier point majeur survient, le héros décide de prendre en charge son problème. Il s’engage véritablement dans son aventure.

Parfois, cela peut être déjà un point de non retour pour lui. D’autres fois, il a encore besoin d’un peu de temps pour comprendre que cette aventure va faire de lui quelqu’un d’autre.
Quoi qu’il en soit, le point médian de l’histoire ne lui permet plus de revenir en arrière. Il est maintenant trop impliqué et doit aller jusqu’au bout. A partir de ce moment, il a compris qu’il ne retrouvera jamais sa vie d’antan.

Un premier rappel

De nombreux auteurs prennent le temps de ralentir le rythme de l’histoire afin de permettre au lecteur de faire le point sur les informations qui ont été communiquées jusqu’à présent. Cela permet de rappeler ce après quoi court le héros mais aussi ce que cherche à obtenir son antagonisme.
Ce premier rappel consiste en une scène.

Le point médian

Sommairement, nous sommes arrivés au milieu de l’histoire. Ce point médian se concrétise souvent en une défaite du héros. Dans ce cas, cela annonce qu’il remportera la victoire au moment du climax.
Parfois, le point médian est déjà une victoire pour le protagoniste. Cela signifie cependant que l’on ne s’oriente pas vraiment vers une Happy End.

Un second rappel

Ce point de l’histoire est important parce qu’il rappelle au lecteur que le problème n’est toujours pas résolue. Il signale aussi que l’antagoniste n’a jamais été aussi fort et aussi proche de détruire le héros.

Le All is Lost

C’est un moment de crise majeure pour le protagoniste. Son objectif semble décidément hors de sa portée. Tout semble perdu.
Cependant, ce moment très sombre permet au héros de creuser davantage en lui pour trouver la force de résister. Il va découvrir en lui un courage dont il ne se sentait même pas capable.

Le climax

On peut le considérer comme le second point majeur d’inflexion de l’histoire. Ce climax correspond à l’ultime confrontation du protagoniste avec son antagonisme.
En d’autres termes, le héros confronte son problème. L’antagoniste est en effet l’incarnation du problème du héros.

Le dénouement

C’est la résolution de l’histoire. Le protagoniste a retrouvé un équilibre. Même s’il est mort, il a pu connaître une rédemption.
Le monde est à nouveau en paix.

Le point d’inflexion d’une scène

Une scène se déroule devant nos yeux. Des personnages sont présents. Chacun d’eux est motivé. La présence d’un personnage dans une scène doit être légitime. Elle doit faire sens.

Concrètement, comment cette légitimité peut-elle s’expliquer ?
Puisqu’ils sont motivés, les personnages pénètrent la scène avec certaines valeurs. Au début de la scène, la valeur peut être positive.
Ce qui se produit dans la scène n’est pas gratuit.
Cela influe grandement sur les personnages. Et à la fin de la scène, la valeur sera alors négative. Le moment où elle devient négative, c’est un point d’inflexion.

Evidemment, la réciproque est possible. Le personnage arrive dans la scène avec des valeurs négatives puis à travers l’action, la valeur émotionnelle change (c’est le point d’inflexion). Ce qui compte, c’est qu’elle diffère de ce qu’elle était au début de la scène.

Selon Robert McKee, une scène est une histoire en miniature. La scène obtient son unité par le conflit.
Il y a un désir : le ou les personnages de la scène entrent en celle-ci avec un objectif local (ils veulent obtenir quelque chose de spécifique soit des autres personnages, soit de la situation – on ne brise pas une fenêtre sans avoir une idée derrière la tête).

Action et conflit s’entremêlent et les conditions du personnage au début de la scène (les valeurs qui l’animent) changent. Dans chaque scène, un personnage poursuit un désir spécifique en regard des circonstances immédiates.
Néanmoins, cet objectif doit faire sens dans la totalité de l’histoire (ou du moins de l’intrigue). Il doit avoir un rapport avec le problème global de l’histoire (qui nourrit l’intrigue entre l’incident déclencheur et le climax).

A l’intérieur de la scène, le personnage agit pour compléter son objectif à ce moment précis. Il n’est pas totalement libre dans ses choix car ceux-ci sont faits sous pression. Il peut ne pas prendre les bonnes décisions troublé qu’il est par les émotions qui l’assaillent.
Puisqu’il y a conflit, cela permet à l’auteur de proposer des conséquences qui ne correspondent pas à l’espérance du personnage qui agit.
Robert McKee qualifie cela d’abîme entre l’expectation du personnage en regard de son action et les conséquences de cette action. Il est en effet préférable que le personnage ne reçoive pas les fruits de son activité car le lecteur trouverait cela vite ennuyeux.

Le changement

Les changements de valeurs positives en négatives (en tenant compte que ces termes sont à prendre dans une large acception comme par exemple Amour/Haine…) et réciproquement sont significatifs mais relativement mineurs au niveau de la scène.

Une fiction se décompose aussi entre 12 et 18 séquences. Quelle que soit la structure que l’auteur souhaite donner à une séquence, il y a cependant toujours un moment où elle se termine. C’est le moment du climax.
Ce moment particulier de la séquence est pour McKee un retournement de situation relativement modeste mais qui a cependant un impact plus fort sur l’histoire que celui d’une scène.

Quant au climax de chaque acte, il est de manière caractéristique un retournement majeur de l’histoire. Par exemple, à la fin du premier acte, le héros décide de prendre en charge son problème. Alors que jusqu’à présent, nous n’avions assisté qu’à une réticence de sa part à s’engager dans l’aventure.

Il faut comprendre aussi que tous ces changements si imperceptibles qu’ils soient qui se produisent dans chaque scène sont comme autant de briques qui, une fois assemblées, justifient le changement majeur dans la personnalité du personnage.
C’est ainsi qu’il va à la découverte de lui-même.

Considérons l’exemple donné par McKee : Wall Street

Bud Fox est un jeune agent de change. Il est issu d’une classe ouvrière. C’est ce que McKee nomme Outer Fortunes c’est-à-dire le hasard qui l’a jeté dans une situation qu’il n’a pas choisi.
Certes ambitieux, nous comprenons aussi lors de son exposition qu’il a conservé une certaine intégrité. Ce sont des valeurs qu’il a acquises au cours de sa jeunesse : son éducation, son milieu social… toutes valeurs qui servent en fait à définir le personnage lorsque nous faisons sa connaissance.

Nous comprenons aussi quel est le désir de Bud, son objectif. Il veut devenir riche. Pour y parvenir, il s’est convaincu qu’il devait rencontrer Gordon Gekko ce que sa débrouillardise lui permet de réussir. Il lui fait part de ses idées qui somme toute répondent à une certaine éthique.
Ceci est l’action. On voit Bud agir.

Seulement Gekko ne réagit pas comme Bud l’espérait. Il le met au défi : Dites-moi quelque chose que j’ignore !
Cela force Bud à faire un choix. Et c’est là que le conflit s’introduit. C’est ce qui donne à la scène sa tournure dramatique.

Et le choix qu’il fait (qui consiste en somme à trahir son père) est le point d’inflexion de la scène. A partir de ce moment, Gekko et Bud sont associés dans une sorte de conspiration. Et Bud a changé. Il est devenu quelqu’un de malhonnête (pour servir ses propres ambitions, son objectif).

Ainsi, chaque scène devrait créer un point d’inflexion. Qu’il soit mineur, modéré ou majeur en fonction de sa position dans l’histoire, il devrait y avoir un changement soit chez le personnage, soit dans l’histoire.

Qu’apporte un point d’inflexion ?

D’abord un effet de surprise. Puisque le personnage au centre de la scène (habituellement le personnage principal) ne s’attend pas à la réaction des autres personnages présents.
Gekko : Dites-moi quelque chose que j’ignore !

Ensuite selon McKee, cela augmente la curiosité du lecteur. Cela l’implique davantage dans l’histoire car il est tout aussi surpris que le personnage principal et il se demande pourquoi une telle réaction a eu lieu.
Il ne se l’explique pas immédiatement et essaie de synthétiser toutes les informations qui lui ont été données jusqu’à présent.

Le lecteur commence à se forger une opinion sur les personnages. Il répond lui-même à ses propres questions. Gekko est riche parce qu’il est un escroc. Bud s’accoquine avec lui parce qu’il est ambitieux et cupide. Et tout cela s’ajoute à notre curiosité. On a envie de savoir ce qu’il va bien pouvoir se passer maintenant.

La curiosité mise en branle, l’histoire n’a plus qu’à avancer pour la satisfaire.
L’intrigue prend une nouvelle direction jusqu’au prochain point d’inflexion. L’astuce dramatique est de faire croire au lecteur qu’il comprend ce qu’il se passe. Et créer la surprise pour forcer sa curiosité. C’est un moyen de le maintenir dans l’histoire.

Progressivement, le lecteur pénètre de plus en plus la nature des personnages et le monde. Il appréhende de mieux en mieux la vérité ineffable qui est décrite devant lui. Puis l’auteur emmène l’histoire dans une autre direction prenant son lecteur à contrepied.

Une promesse

Raconter une histoire, c’est tenir une promesse. L’auteur surprend son lecteur puis il lui fait découvrir une réalité à travers les joies et les peines qui la caractérisent. Et cette réaction du lecteur envers l’histoire est presque spontané.

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