DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (48)

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Nous avons étudié les types

de la classe Pyschology.
Abordons maintenant les quatre variations du type Becoming.

Sommaire de tous les articles sur  la théorie narrative Dramatica :
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE
DramaticaLes quatre variations du type Becoming de la classe Psychology

Rationalization

Le type Becoming vise un processus de changement. Quelque chose qui est en cours et qui porte une idée de transformation.
Rationalization désigne une alternative. Et plus précisément, une explication alternative aux véritables raisons.

Par exemple, votre personnage est une femme dont la croyance en Dieu est très forte. Son drame personnelle est que son enfant vient d’être emporté par une terrible maladie.
Rationalization en tant que problème fera que cette femme va nier la maladie et s’accuser de la mort de son enfant qu’elle considérera comme une punition, une épreuve à laquelle Dieu la soumet pour tester sa foi par exemple.

Rationalization est donc une explication logique (du moins subjectivement rationnelle) du point de vue du personnage pour masquer la véritable raison.
Comprenez bien que l’exemple que je viens de donner ne consiste pas à remettre en cause la foi. Il montre que Rationalization consiste à se fabriquer une excuse pour tenter de comprendre les choses.

Et pourquoi vouloir justifier les choses (au risque de se tromper ou de se mentir à soi-même) ?
Lorsque pourvoir à son désir implique un coût ou une conséquence désagréable, le personnage essayera de se donner des raisons de le faire (car agir n’est pas une option) de la manière qu’il estime pouvoir lui éviter le châtiment.

Cette femme qui a perdu son enfant et qui, en quelque sorte, fait le choix d’en porter la responsabilité est la voie qu’elle considère comme la moins destructrice.
Car remettre en doute ses convictions serait bien trop bouleversant.
Elle décide donc de rationaliser les événements même si pour cela, les raisons auxquelles elle aboutit sont fausses. En somme, la compréhension, l’élucidation, l’explicitation des choses deviennent synonymes de compromission.

Pour Dramatica, Rationalization implique la fabrication de raisons artificielles afin de trouver une excuse à ses attitudes ou actions. Il s’agit d’inventer le moyen peut-être temporaire d’accepter l’événement (le problème) et non de le surmonter.
La raison invoquée doit cependant faire sens en tant que possible cause du comportement ou de la posture ou bien de l’orientation des délibérations du personnage avec lui-même.

Et Dramatica insiste sur ce point. Cela paraît être une raison suffisante sauf qu’elle ne l’est pas.

Obligation

C’est le fait d’accepter une tâche ou une situation de sorte que quelqu’un se sente obligé envers le personnage ou que le personnage lui-même se sente obligé.
Il s’agit d’un accord, d’un contrat incluant aussi, si cela s’inscrit dans l’intrigue, une soumission volontaire ou bien une sorte de contrat émotionnel entre deux individus.

Quel rapport dialectique pouvons-nous établir entre Rationalization et Obligation tels que les voit Dramatica ?
Prenons le cas d’une situation bouleversante dans laquelle est soudain jeté un personnage. Il faut qu’il s’adapte d’une manière ou d’une autre afin que cesse le malaise qu’il en conçoit.

Supposons maintenant que cette adaptation à sa situation passe par s’abandonner entièrement entre les mains d’un autre personnage. Cette privation acceptée de sa volonté de faire ou d’être (en somme de son libre-arbitre) est cet acte que Dramatica nomme Obligation.

Entre l’explication que le personnage croit rationnelle et cet ultime choix qu’il fait de se positionner dans un rapport d’obligation envers quelqu’un ou quelque chose d’autre engendrera une nouvelle situation, voire une solution à son problème.

Obligation est cependant mâtiné d’espoir. Le principe étant d’accepter présentement une misérable situation dans l’espoir que cela mènera à un devenir meilleur.
Même une soumission volontaire chargée pourtant d’une valeur négative sera considérée comme un moyen d’aller cependant vers le beau (c’est un peu ce qu’il se passe pour June dans La servante écarlate).

Indéniablement, Obligation implique aussi que nous perdions le contrôle de la situation. L’un des critères majeurs lorsque nous maîtrisons une situation, c’est que nous pouvons en sortir à n’importe quel moment puisque nous ne sommes obligés envers rien ni personne.
Mais puisque l’obligation qui nous lie et nous limite promet une récompense, nous sommes davantage enclin à l’accepter. De plus, être libre, c’est peut-être aussi risquer des conséquences qui pourraient aggraver la situation actuelle.

Et pour Dramatica, la combinaison entre l’espérance d’une récompense et la protection qu’offre cette forme somme toute d’asservissement est suffisante pour nous permettre de tolérer la souffrance d’une situation. Et de nous y tenir en considérant que nous n’avons pas d’autre choix.

C’est probablement dans cette conviction que nous n’avons pas le choix que le problème peut se renforcer car la souffrance peut se développer au-delà de toute espérance d’amélioration. Ou du moins la possible plus-value que permet cette contrainte volontaire ne pourra pas compenser la souffrance vécue.
Et pourtant, nous ne pouvons plus en sortir.

Commitment

Commitment désigne le fait de rester fidèle à quelque chose ou à quelqu’un ou bien de persévérer dans quelque chose sans se soucier des conséquences.

Un personnage qui reste ce qu’il est du début à la fin de l’histoire est désigné par Commitment. Dramatica précise que dans ce cas, Commitment forme l’essence d’un tel personnage. Il faut cependant s’interroger si la fixité de cet état ne tue pas l’intérêt du personnage pour le lecteur.

Cette variation du type Becoming peut faire souffrir parfois. Je prends un exemple extrême.
Vous aimez une personne. Vous vivez avec elle de nombreuses années. Et vous vous êtes mutuellement engagés l’un envers l’autre. Cette personne meurt. Vous paierez dorénavant le prix de cet amour inconditionnel.

Lorsqu’un personnage s’engage, il ne prend pas une décision à la légère. Il est résolu à ne pas démissionner, à ne pas renoncer quels que soient les obstacles rencontrés.
Ainsi, les enjeux seront plus élevés sur le parcours du personnage parce qu’il ne remettra pas en cause la légitimité de son objectif.

Bien sûr, il est possible qu’il réévalue la situation à chaque fois que quelque chose tourne mal s’il n’est pas engagé. Mais s’il l’est, le risque augmentera parce que les obstacles viendront de plus en plus puissamment défier son engagement.

Là où il y a problème, c’est lorsque l’obstacle est infranchissable. Et puisqu’il ne peut être franchi, l’objectif est inatteignable. Mais comme le personnage est engagé, il ne peut se remettre en question et il continue de se cogner la tête contre les murs pour reprendre l’expression de Dramatica.

La dévotion entre dans ce type d’engagement.

Responsibility

Pour Dramatica, il s’agit davantage d’une présomption que d’une affirmation. C’est la croyance qu’un personnage est le plus adapté pour accomplir une certaine tâche.
Comme, par exemple, le héros de l’histoire dont on assume qu’il est le plus apte à remplir l’objectif. Il est communément admis que c’est le protagoniste, celui qui fait avancer l’action, qui a en charge le problème soulevé par l’histoire.

Dans le cadre fictionnel, considérons l’instinct de survie. Cet instinct prévaut dans la plupart des circonstances. Pourtant, on n’hésite que rarement à affronter le danger, à se mettre en péril pour aider un ami ou un animal.

Nous avons étudié la variation Self-Interest qui décrit l’intérêt personnel. On peut dire que la motivation qui triomphe de cet intérêt égoïste est représentée par Responsibility.
Ce dernier est présent lorsqu’un personnage se préoccupe davantage des autres que de lui-même.

Gardez aussi en mémoire que le système des quaternités chez Dramatica est crucial. Melanie Anne Philips et Chris Huntley, les fondateurs de cette théorie, ont expliqué par ailleurs pourquoi ils avaient retenu le motif de la quaternité.
Ce motif dépasse le cadre de cet article. Cependant, il faut retenir que la position en diagonale des concepts présentés possède une signification.

Celle-ci explicite le rapport qui existe entre deux notions. Et dans le cas où deux notions peuvent être jointes par une ligne diagonale, Dramatica voit une relation d’opposition.
Cette opposition n’est cependant pas contradictoire. Parce que cela créerait au mieux un paradoxe sinon elle s’annulerait réciproquement.

Ce rapport d’opposition qui unit deux notions est dialectique. C’est-à-dire que lorsqu’elles sont mises en présence l’une de l’autre, un mouvement se met en branle qui mène à quelque chose d’autre, qui dépasse les deux notions.
Ce peut être une nouvelle situation, un nouvel état d’esprit chez un personnage comme une prise de conscience… Bref, ce mouvement fait avancer l’histoire.

Dans le cas des classes, nous constatons que la classe Physics et la classe Psychology sont liées par une telle relation.

Dramatica

Nous pouvons ainsi comprendre que les activités décrites (en somme l’action) interfère avec la psychologie des personnages et réciproquement afin de faire avancer l’histoire.
La classe Physics est concrète. L’une des variations de type de cette classe oppose Self-Interest et Morality.

Dramatica

Ce qui signifie qu’entre l’intérêt personnel et l’intérêt collectif et plus précisément dans le frottement de ces deux notions simultanément ou non se crée les germes qui se développeront en de nouvelles situations.
On ne peut même pas dire que Morality nourrit Self-Interest et inversement. C’est leur mise en présence ou mise en question au sein d’une histoire indépendamment de la forme qu’elles prendront dans le temps et l’espace qui engendre le mouvement dialectique.

Self-Interest et Morality sont donc concrets. Ils sont l’aspect pratique de la chose, si vous préférez. La classe Psychology est davantage abstraite. Elle parle d’engagement et de responsabilités.

De l’engagement comme volonté (Commitment) et de la responsabilité comme liberté (Responsability).
Liberté (faire le choix) de risquer sa vie (Commitment) pour sauver celle d’un ami (par exemple).

C’est pour cela que Morality et Responsabilty ne sont ni un doublon, ni une contradiction. Et que Responsabity est en lien avec Commitment et Morality en lien avec Self-Interest.

Lorsqu’un personnage se persuade cependant qu’il connaît ce qui est bon pour un autre personnage et que ce dernier n’est pas d’accord, il s’ensuit une relation très conflictuelle. C’est une attitude commune qui s’insinue sans que le personnage qui assume ce qui est bon pour les autres en soit véritablement conscient.
Et il se sent blessé de ne pas être compris. Mais dans sa conviction, il peut être tout aussi juste qu’hors sujet.

Dans tous les cas, cependant, Responsability posera problème s’il est imposé sur les autres plutôt qu’offert aux autres. A noter aussi que cette attitude peut être donnée aux autres par un personnage ou bien arrachée au personnage par les autres.

Nous avons fait le tour des 64 variations de types telles qu’élaborées par Dramatica. Dès le prochain article, nous reprendrons le fil du chapitre 12 de la théorie.

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