L’ARTICULATION DU PREMIER ACTE

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J’aime bien la notion de mouvement . J’aime à la retrouver dans la dialectique, dans les images, dans tout ce qui contient un élan inhérent.
Le passage de l’acte Un à l’acte Deux est un tel mouvement.

Lorsqu’on écrit une histoire, nous pouvons facilement la condenser en une simple phrase telle que :
Une femme jalouse planifie le meurtre de sa sœur qui a épousé l’homme qu’elle aimait.

Lorsqu’on écrit une logline, il est préférable d’utiliser un verbe d’action (ici, planifier). Le mouvement, c’est-à-dire ce moment où le verbe d’action se met en branle, sera le passage dans l’acte Deux.
Quoi que raconte  la logline (ce résumé succinct de l’histoire), c’est exactement l’essence de cette articulation entre le premier et le second acte. Quand on résume en une phrase composée d’au minimum trois éléments – personnage principal, force antagonique et conflit potentiel – l’âme d’une histoire, il y a comme une attirance qui émane de cet énoncé.

Et cette attrait particulier de l’histoire se manifeste précisément quand l’acte Un bascule dans l’acte Deux.

Une question de structure

Pouvoir résumer son histoire en une phrase (parfois deux), c’est aller à la rencontre de la structure qui va servir de fondation à la construction de la fiction (ce mensonge organisé) afin que celle-ci puisse être reçue dans les meilleures conditions  par le lecteur.

Cette articulation entre deux actes est une problématique structurelle. A laquelle vous avez déjà commencé à donner une réponse si vous avez correctement établi votre logline.

Considérons cette prémisse :
Après un divorce amère, un acteur excentrique se déguise en une nounou pour passer plus de temps avec ses enfants dont son ex-femme a obtenu la garde.

Le personnage principal (un acteur excentrique), la force antagonique (son ex-femme) et la nature du conflit (la garde des enfants) sont posés dans la prémisse.
Maintenant, il faut mettre celle-ci en mouvement. Le passage dans l’acte Deux se fera précisément au moment où Daniel  devient effectivement Madame Doubtfire.

On constate souvent un changement qui accompagne cette articulation. Souvent, celui-ci est matériel. Le lieu de l’acte Deux est différent de celui de l’acte Un.
Par exemple, dans La proposition de Peter Chiarelli, l’acte Deux se passera en Alaska alors que le monde ordinaire (introduit dans l’acte Un) de Margaret et Andrew se situe dans un univers totalement différent (le monde de l’édition et en milieu urbain).

D’autres fois, ce changement est immatériel comme dans Madame Doubfire où la personnalité de Daniel devient une imposture ce qui dénote un état psychologique différent du premier acte.

L’exposition ne doit pas embourber l’élan de l’histoire

Le commencement d’une histoire a ses impératifs. On y trouve l’introduction du personnage principal, l’incident déclencheur, le conflit potentiel y est mentionné mais il arrive souvent que trop d’informations soient données dans ce premier acte.

C’est peut-être la volonté de bien faire de l’auteur qui veut donner à son histoire toutes les chances d’être comprise par son lecteur, mais cet excès d’informations va jouer contre l’histoire.
Pour éviter de s’embourber soi-même dans un premier acte qui n’en finit pas et que le lecteur estime que l’histoire est vraiment trop longue à décoller, il peut être bon de se poser quelques questions.

Qu’est-ce que le lecteur a besoin de connaître dès le premier acte pour que ce qu’il se passe immédiatement après la rupture entre l’acte Un et l’acte Deux fasse sens ?
Dans La proposition, il suffit de savoir que Andrew pose ses conditions à Margaret et cela explique pourquoi tous deux se retrouvent en Alaska. Et pour Madame Doubtfire, il suffit de comprendre à quel point Daniel aime ses enfants. C’est la seule information nécessaire pour accepter qu’il se travestisse ainsi.

Quelles informations auront besoin d’être connues au point médian de l’histoire ?
Ce point médian correspond sommairement au milieu de l’histoire. C’est un moment critique de la structure car le lecteur a en quelque sorte épuisé son attention et il est urgent de relancer celle-ci. Des informations doivent être révélées au milieu de l’histoire. Elles vont redonner de l’élan à celle-ci.
Par exemple pour Le nouveau stagiaire de Nancy Meyers, nous apprenons en même temps que Ben que le mari de Jules la trompe. A partir de ce point médian, l’histoire prend une toute nouvelle direction ce qui revitalise l’intérêt du lecteur qui reprend plaisir à suivre l’histoire.

Quels sont les détails qui doivent être impérativement connus du lecteur dès l’acte Un ?
Par exemple, ce sont dans ces détails (qui sont des informations) que le lecteur saura à quel genre appartient l’histoire. Si la toute première séquence après un éventuel prologue prend place lors d’un enterrement, on peut apprendre aussi que l’héroïne, par exemple,  est veuve. Et ce veuvage orientera immédiatement le lecteur vers un horizon d’attente.
Puisque l’auteur lui a donné une information capitale que le lecteur décodera pour expliciter (ou donner du sens) à l’attitude ou à l’état d’esprit du personnage principal.

Quelles sont les informations qui doivent être données dans l’acte Un afin que soit compris des événements qui se produiront dans l’acte Deux ?
Il existe une logique à l’œuvre dans une fiction. Il y a un rapport de causalité indéniable qui lie les événements entre eux. Mais les causes et les effets n’ont nullement besoin d’être accolés pour qu’ils soient efficaces. On peut préparer un événement qui aura lieu dans l’acte Deux (même très tard dans celui-ci) en donnant juste un petit quelque chose qui ne fera pas sens immédiatement mais qui va appâter en quelque sorte le lecteur en le forçant à s’interroger ou bien, plus subtil, auquel il ne prêtera pas attention mais lorsque l’événement aura vraiment lieu plus tard, le lecteur se remémorera ce détail et soudain, tout deviendra lumineux.

Ces détails qui sont donnés maintenant dans l’acte Un ajoute à la véracité des événements futurs.

Quelles informations doit-on donner au lecteur pour qu’il soit immédiatement émotionnellement impliqué dans l’histoire ?
Il faut provoquer l’empathie du lecteur envers le héros. Il faut solliciter sa compassion même dans une comédie. Et peut-être même surtout dans une comédie si l’auteur souhaite la réussir. Croyez-le ou non, mais l’être humain possède la remarquable qualité de comprendre ce que ressent un autre être humain même ceux qui dans les fictions s’apparentent aussi à un être humain (ainsi on peut donner son affection à n’importe quel humanoïde).
C’est paradoxal mais nous avons la faculté de ressentir des choses pour un être de fiction de la même manière que pour un véritable individu. L’auteur doit savoir utiliser cette caractéristique comme un instrument pour générer de l’empathie envers son personnage principal (essentiellement mais d’autres peuvent être aussi concernés).

Apprendre à connaître le personnage principal

Depuis Syd Field, il est admis que le premier acte représente 25 % du projet, soit une trentaine de pages sur un scénario de 120 pages. N’en faites pas un principe, cependant. Mais si vous sentez que votre premier acte manque de consistance, contraignez-vous à ces trente pages approximativement. Vous ferez des ajustements plus tard le cas échéant.

La contrainte a cela de bon que vous n’êtes pas obligé de vous y soumettre comme à un principe que l’on ne peut remettre en cause et il faut accepter que la contrainte a d’abord été conçue pour faciliter les choses parce qu’elle fut une expérience que d’autres maintenant partagent avec vous. Vous gagnez du temps à les écouter et ferez certainement moins d’erreurs.

Nous considérerons donc (et pour le moment) que ces 25 % permettront de passer du temps avec le personnage principal.


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